samedi 30 juin 2012









AVERTISSEMENTS

Pérèz Paja est la suite de
« L’impasse des charognards » et de
« La lettre à Lucienne ».

Pour une bonne compréhension, il est conseillé de lire les deux « Œuvres » précédente.
Ceci est un conseil gratuit de Victor Hugau.


Vous êtes priés d’éteindre votre portable et votre cigarette pendant toute la durée de ce vol.
Merci et bon film.







Toute ressemblance
Avec certains personnages présentés ici
Et des personnes vivantes ou ayant vécu
Ne pourraient être que le fait d’une coïncidence.
L’auteur décline toute responsabilité à cet égard
Et rappelle qu’il s’agit ici d’une œuvre de pure fiction.


Sébastien A.








Chapitre un
Le cas Paul

Depuis trois jours sous observation, Paul n’avait toujours pas retrouvé l’ouïe.
L’équipe médicale était aux petits soins, guettant une réaction lors des différents tests qui ponctuaient la journée.
Il était évident qu’il n’avait pas non plus retrouvé la sensation du goût.
Paul entendait en fait, un sifflement continu et monocorde qui vibrait dans sa tête sans discontinuer.
Il avait la sensation du goût, mais un seul, le brûlé.
Quand il fermait les yeux, il voyait toujours les mêmes images de corps déchiquetés, de membres séparés de l’ensemble que constitue notre agencement complexe.
Il ne savait plus son nom, et avait même de graves difficultés à comprendre par lui-même qu’il était, tout simplement.
Dans les faits, au moment ou nous nous penchons sur sa personne, Paul n’est rien dans rien.

On appelle le passé, passé, comme quelque chose de mort, on appelle le présent, présent, comme ci c’était un cadeau, et on imagine sans vraiment y croire son futur comme si l’on pouvait y changer quelque chose.
Finalement, c’est le passé qui a le pouvoir, c’est lui qui décide.
« Dit moi qui tu étais et je te dirais qui tu seras » Le passé conduit notre aptitude à accepter les événements de notre présent, et conditionne la vision subjective que l’on peut avoir de notre futur.
Quand tout se mélange et que plus rien n’existe, plus de passé, pas vraiment de présent et un avenir plus qu’abstrait, une vague idée du temps qui passe et de celui qui arrive, Alors ?

Le métronome de tout ça ? Les gens.
Les gens qui passent et qui essayent de vous transmettre quelque chose. Quoi ?
Des gens étranges, des figures en fait, plus ou moins amicales, plus ou moins bien attentionnées. Des formes qui bougent que nous, nous savons yeux, bouches, mains, oreilles, cheveux…
Ce que Paul ignore, il a oublié.

Néanmoins, tout ceci le touche.
Paul sent bien qu’on le touche des yeux, des bouches, des mains, des cheveux, des oreilles.
On le déplace, on lui met des couches de tissus, on le déplace, on lui enlève les couches de tissus, on le lave, l’essuie, l’allonge…
Tous ces organes qui s’occupent de lui, sont pour Paul comme des morceaux de lui-même, les mêmes que ceux des rêves, mais attachés ensemble, avec la possibilité de se séparer de lui quand même.
Il y a quelque chose d’harmonieux dans cette parthénogenèse.
Mais, pourquoi ont-ils posé ce pied sur cette chaise ? Et ce bras sur cette lampe ?
Par quel étrange phénomène ces morceaux sont ils reliés ensemble quand il ouvre les yeux et séparés quand il les ferme ?
C’est curieux. Il y a des choses qu’il n’oublie pas et d’autres qui lui sont parfaitement étrangères.
La première des choses étrangères à lui-même, c’est d’abord lui-même.
Voila une perception tout à fait étrange, déroutante.

Ça, c’est lui là, en face.
Cette forme qui bouge à la demande, c’est lui.
Il suffit décider à l’intérieur, ou ? D’envoyer une impulsion, comment ? En pensée, quoi ? Et ça peut bouger. Cette longue extrémité qui touche sa boule au sommet, c’est lui, celle ou une sirène sans fin émet une sonnerie qui semble occuper toute la place de son être, c’est lui, qui semble être lui, c’est lui.
Cette boule qui avale des mouvements et qui, elle aussi, réagit à toutes formes de demandes de désir, celle qui porte plein de petits trous, c’est lui.
Trois trous pour rien, de l’air.
Impossible à contrôler.
Deux de chaque coté pour rien non plus, juste pour que ses avatars, y enfonce des trucs froids dedans, dedans ?
Ils sont entourés de deux formes très laides, qu’il a eut pour reflexe en premier de vouloir arracher mais comme ça lui a fait mal, il a compris que c’était peine perdu, il est condamné à porter ces choses, elles sont aussi lui.
Dans son exploration, il a perçu que c’était à partir de là dedans que la sonnerie naissait et qu’en bouchant et débouchant les deux trous, en contractant dedans, sa boule, il arrive à changer le son qui vibre dans lui, un peu. Il peut le modifier mais ne pas l’arrêter.
Le plus grand des trous sert à l’air et aussi à faire rentrer dans la masse toutes sortes de matières dures ou molles, froides puis chaudes et puis froides à nouveau, ça il a compris tout seul, chaud, froid.
En trois jours, il a aussi compris que cette même matière qu’on l’incitait à ressortir de l’autre coté en forçant.
Une opération parfaitement inutile.
On fait rentrer des formes colorées de diverses textures pour qu’elles ressortent chaudes, molles, de teinte unie car mélangées.
Mais la force principale de ce grand trou bordé de blanc dur, c’est qu’on peut le faire vibrer.
En forçant, on peut même se faire vibrer soi même, faisant tendre la boule des autres et parfois même, si la vibration est très longue et forte, outre le fait qu’elle procure un plaisir singulier, on peut faire que les avatars entrent en contact avec soi.
Parfois même, les avatars laissent sortir par les trous bouchés que l’on peut ouvrir et fermer à son gout, des liquides en traits qu’ils aspirent avec leurs longues extrémités.
Bien qu’il essaya de sortir de sa masse et d’en enlever des morceaux, il se rendit rapidement compte que c’était peine perdue, et que la sensation de douleur ne lui était pas agréable.
En moins de deux jours, il avait compris que tout ça ensemble, c’était lui et qu’il ne pourrait jamais s’en séparer.

La seule façon possible car éprouvée, c’était de fermer les yeux et de disposer tous les morceaux un peu partout selon son souhait, sans douleur et sans conséquence aucune pour le moment ou il rouvrirait ses yeux.
Donc, dès qu’il baissait les paupières, il parcourait des lieux inconnus, étranges, peuplés de morceaux de lui disposés de façon aléatoire.
Dès qu’il décidait de revenir à l’image du présent, souvent à cause d’un avatar qui venait de le stimuler, il se retrouvait dans une dimension contraignante, avec ces autres lui, en blanc, qui lui faisaient des gestes.
Ils l’exposaient devant son image, le forçait à mettre des matières en lui ou à les retirer solides ou liquides.
Cette partie du corps destinée aux expulsions liquides était, à première vue, la seule avec un pouvoir décisionnaire propre à elle-même.
Sa forme variait selon les événements de la journée, et à certains moments, elle prenait le pouvoir sur l’ensemble de son être. Il ne restait pas insensible à ses appels, c’était d’ailleurs les seuls moments agréables qu’il ressentait.
Le reste du temps, on lui posait des objets froids sur le corps, généralement quand il y avait plusieurs avatars autour de lui.
Il y a celle qui pique son extrémité pour ajouter ou retirer du jus en lui, ceux qui le manipulent, celui qui fait des mouvements avec sa boule, et puis celle qui, le reste du temps, reste assise, sort quand les autres arrivent, celle qui demeure immobile, qui a toujours des traits qui sortent de ses trous bouchés, et qui vibre du bout de son extrémité quand elle le touche.
Quand il la regarde, plus que la voir, il l’observe avec curiosité.
Elle parait absente tout en étant là, et vibre en regardant le bout de ses deux membres relies à un grand carré blanc. Elle effectue un mouvement de droite á gauche qui fait maigrir doucement une partie au profit de l’autre.
Il sait maintenant qu’à l’issue de ce rituel, elle posera le carré sur ses extrémités du bas, essuiera ses traits mouillés, le regardera longuement, se lèvera, et disparaitra.
Il sait dès cet instant, qu’une autre créature rentrera pour qu’il ingère des matières colorées.

La femme au carré blanc se comporte d’une toute autre façon que les autres. Ses gestes sont dosés et jamais froids.
Elle ne le mouille pas, ne le remplit pas, n’agit pas sur ses parties physiques. Elle ne fait que le regarder, vibrer à son coté et vibrer en le touchant, en l’effleurant plutôt, comme s’il était fragile.
Il sent que cet être est différent.
Il c’est que c’est une femme. Pourquoi ?
Il sait qu’elle est plus qu’un simple avatar, plus qu’un morceau de lui, que quelque chose existe entre eux de plus profond, un lien au-delà des matières, une connexion plus subtile qu’un simple rapport de masse. Quoi ? Il n’en sait rien, et puis, ça le fatigue.
Toutefois, Paul sent depuis les premiers instants de cette chose à ses cotés quelque chose de différent.
Il a perçu, dans sa façon qu’elle a de l’observer, de le frôler, et puis cette vibration qu’elle sort de ce carré blanc, qu’il y a entre eux un lien cosmique, et il n’y est pas insensible, même s’il ne souhaite pas faire l’effort de le faire paraitre, de toute façon, ce qu’il ne sait pas, c’est qu’il n’est pas en mesure de le faire.
Pour lui, elle est réconfortante, même si finalement, il la voit peu, parce que les autres créatures lui donnent du liquide qui le fait dormir, et puis qu’il a mal aux trous bouchés, des fois.
Parfois il la regarde, mais rarement.
Le plus souvent, il garde ses yeux fermés.
Ça ne change rien pour lui.
Même s’il ne la voit pas, il la perçoit, et ses vibrations l’accompagnent dans ses fugues.
Il trouve la vibration qui plane autour de lui, et il tourne autour, il la dompte, puis la chevauche, ensuite, il se laisse porter par celle-ci. Il arrive qu’il doive faire un gros effort pour percevoir à travers son propre mur, et puis, une fois cette barrière franchie, il trouve la vibration, et ne la lâche plus.
Dans son esprit, le désert, le soleil, la chaleur, un petit garçon.
Doucement, les mots reviennent, et des images aussi...
Un arbre qui flotte dans l’espace, des boules qui bougent dans tous les sens, avec, cependant, une trajectoire bien précise, une fleur et un gros monsieur.
Ça c’est dans ses rêves.
Au réveil, tout est oublié.
Cette fois ci, en dormant, il était au bord de quelque chose d’immense et de fort, de mouvant et d’immobile, de dangereux et de vivant.
« Mer » se dit il.
Il était imprégné de cette vision ou se mêlait à la fois l’excitation et la peur, essoufflé, assit, il regardait « mer », nu, les fesses sur le sable.
Devant lui, l’immensité, l’horizon qui se perdait, confondu, trouble.
Le sable à la fois mou et dur.
Chaud.
Le vent, insaisissable, froid et chaud à la fois.
Tout à la fois mouillé et sec, il regardait les lignes blanches s’abattre en rythme sur le sable, et faire naitre la mousse que le vent prenait en paquet pour l’emporter sur le sable, ou il ne resterait que des trainées croustillantes.
Imperturbable, la mer produisait ses mousses et le vent infini les portait au loin.
Il se souvenait qu’il sortait de « mer », et qu’il avait eut mal. Ses oreilles sifflaient, et il souffrait. « Mer » l’avait attrapé, roulé, et avait essayé de le manger. Il s’était débattu, et puis finalement « mer » l’avait évalué, longuement soupesé, jugé trop rebelle, et recraché sur le sable au milieu des mousses d’écume et des algues arrachées.
Il avait avalé de l’eau, du sable et s’était cogné la tête contre le sol. Il avait eut mal et pleuré quelques gouttes de mer.
Quand il avait ouvert les yeux, il avait vu le soleil.
Le soleil et la mer, le vent et le sable, tout ça était lié. La mer mouille, le vent sèche, la mer refroidit et le sable réchauffe, le vent sèche et emporte tout.

Il regardait autour de lui.
Immense, vide, juste le sable, la mer, le ciel et puis il baissait ses yeux et voyait son pied, son petit pied d’enfant attaché à sa petite jambe, il avait dut marcher sur quelque chose de coupant parce qu’il saignait un peu.
Il y avait quelques grains de sables collés à son petit pied et puis l’instant d’une seconde, tout disparaissait.
Mer, ciel, sable, vent, les sensation s’évanouissait, tout disparaissait dans un grand choc, dans un couloir carrelé, une vibration plus forte, une odeur de brulé.
Il voyait toujours son pied, mais loin, seul, posé sur un banc et beaucoup de sang…
A ce moment là, il se réveilla ou ouvrit les yeux.

Est-ce qu’il dormait ? Est-ce qu’il veillait ?
Au dessus de lui, blanc moucheté de noir, immobile, un plafond, un néon.
A droite, un visage, cette femme avec son objet froid qui emprisonne son bras dans quelque chose qui gonfle. Elle regarde son membre puis retire la chose qui serrait l’extrémité de Paul et elle sort.

De l’autre coté de la porte, deux hommes parlent.

-         Quel est votre verdict docteur ?
-         Je réserve mon pronostic, mais il semble que les examens réalisés ce matin montrent une très légère progression. Doucement, tout rentre dans l’ordre, doucement. Il a compris qu’il est dans son corps, il semble qu’il ait perçu que manger et boire sont deux actions indispensables au bon fonctionnement de son organisme, mais il est évident qu’il n’a retrouvé ni les sensations de goût, ni l’ouïe.
-         Ni l’ouïe…
-         Malheureusement, je pense que ça va être long pour qu’il retrouve l’ouïe. Bien que l’appareil auditif ne soit pas détruit, il a subit un grave choc. Il semble que, inconsciemment, il ait bloqué une partie de ses fonctions cérébrale, dont la partie auditive, mais aussi celle du calcul mental, de l’abstraction, qui est celle de la vue. Le problème est cérébral voyez vous, et à ce niveau, nous ne pouvons agir qu’avec des procèdes chimiques, je ne suis pas partisan de ces méthodes, nous devons attendre pour voir si le problème ne se solutionne pas de lui-même. De plus, il n’est pas en mesure d’interpréter ce qui l’environne et ne comprend pas les messages visuels que nous essayons de lui faire parvenir, ou très peu. Il faudra peut être des années pour qu’il retrouve l’intégralité de ses capacités, s’il les retrouve, cependant, et paradoxalement, il pourrait se remettre sur pied en cinq minutes, c’est une question de volonté de sa part. Pour l’instant, considérons qu’il a démissionné de son corps pour faire face au traumatisme qu’il a subit, qu’il se reformate, prépare sa résilience, ou sa destruction, il est encore trop tôt pour juger.
-         Vous penser qu’il est perdu ?
-         Pour vous peut être oui.
-         Bien, merci docteur Doncier.
-         A votre service commissaire.







Chapitre deux.
Le cas Doncier.

C’est le docteur Doncier qui s’occupe du cas Paul Denoulet au service des grands traumatisés.
Malgré son grand problème d’alcoolisme, le docteur Doncier est un bon médecin. Attentif et obstiné. Le cas Denoulet est pour lui une source d’intérêt particulier.
Du temps où il avait une vie dite « normale », entouré par sa femme et sa fille, Doncier était spécialiste pionnier d’une thèse sur la résilience des grands traumatisés. Son domaine de prédilection était l’acceptation et le contrôle des émotions. Il faisait partie d’un réseau de recherche au niveau international, et travaillait sur de nombreux cas de victimes de crash aériens, attentats, viols, otages libérés, et toutes autres expériences qui conduisaient les victimes à demeurer prostrées.
Depuis que Paul est entré dans son service, Doncier passe le plus de temps possible avec lui pour tenter de le remettre en phase avec la réalité, ce qui a au moins le mérite d’empiéter sur son activité principale, boire.
L’alcool, c’est sa vie, il boit énormément.
Normalement, quand il ne boit pas, il cuve.
Doncier a fait de l’alcool son refuge.
Quand on n’a plus de main à tenir, parfois, c’est un pied posé sur un comptoir qui prend le relais.

Tout a commencé il y a environs deux ans, un samedi à 17 heures et 32 minutes.

Le matin de ce samedi maudit, Claudette, sa femme depuis 11 ans, lui avait posé un ultimatum.

-         A 17 heures 30 précises ! D’accord ? Et ne me fait pas le coup de l’urgence, de l’opération ratée, de l’embouteillage ou de je ne sais quoi encore.
Cette fois ci, c’est ta dernière chance, il va falloir choisir entre ton travail et ta famille. Si ton travail est plus important que nous deux, et bien nous te laisserons tout le temps que tu veux. Me suis-je bien faite comprendre ?
-         Oui Claudette, j’ai bien compris et je suis désolé de vous délaisser, mais parfois, les aléas des urgences font que les patients ont besoin de nous tu me comprends ?
-         Ce que je comprends, c’est que tes patients passent toujours avant nous, c’est ça que je comprends, parfois je me dis que pour te voir, il faudrait que nous nous fassions hospitaliser ta fille et moi.

Ce soir là, c’était le spectacle de fin d’année de l’école de Marie-Caroline.
Le docteur Doncier avait loupé les trois spectacles des années précédentes à cause d’une opération ratée, d’une urgence et d’un embouteillage. Certes, son absence n’avait pas été remarquée, d’ailleurs une grande partie du corps enseignant et d’encadrement pensaient que la petite Marie-Caroline était orpheline de père, ou fille née d’une famille monoparentale tant le médecin était absent aux réunions de parents d’élèves, conseils, fêtes, ou spectacles.
Claudette Doncier ne supportait plus les absences répétées de son mari. Elle avait décidé de poser cet ultimatum pour le contraindre à s’occuper un peu d’elles, sinon elle demanderait le divorce et ferait sa vie avec sa fille.

-         Je serais là à 17 heures 30, je te le promets.
-         C’est ce que l’on verra.

Elle avait détourné la tête lorsqu’il voulu l’embrasser.

Pendant toute la durée de sa journée de travail, Doncier ne décrocha pas les yeux de sa montre. Il avait même prévenu ses proches collaborateurs de le prévenir à 17 heures.
A 16 heures 55, une ambulance et trois véhicules officiels entrèrent en tombe dans l’enceinte de l’hôpital.
L’ambassadeur de la Guinée Bissau venait d’être victime d’un attentat. Une balle était logée dans son épaule gauche. Rien de bien grave en fait, mais le médecin devait s’entretenir avec lui, et lui poser les questions d’usage pour vérifier qu’une paranoïa ou un autre trouble n’avait pas pris racine en lui, du fait du malheureux drame qui venait de toucher et de transpercer son corps diplomatique.

C’était l’effervescence à l’hôpital.
De nombreux policiers, des responsables de la sécurité intérieure et d’autres de l’ambassade, la presse qui tentait de s’infiltrer dans le bâtiment…
Il fallait être vigilent pour éviter que le terroriste qui avait réussi à se fondre dans la foule, ne tente pas de profiter de la pagaille pour s’introduire à l’hôpital jusqu'à sa victime, et tenter de finir son œuvre macabre.
Tout le monde était aux aguets et concentrés sur les missions respectives des confréries présentes.
Police et médecine tenaient le haut du pavé.
Par voie de fait, personne ne songeât à regarder sa montre et, quand quelqu’un en eut l’idée, il était 17 heures 19.

Doncier lâcha tout ce qu’il était en train de faire.
Encore habillé de sa blouse stérile, de son masque et de ses gants, il partit en courant à travers les couloirs encombrés des urgences.
Il bouscula une machines destinée à surveiller le bon état de fonctionnement des pompes à globule.
Le choc produit dérégla la machine, et durant cinq semaines, tous les patients affichèrent des résultats alarmants. L’infirmière qui poussait la machine eut la jambe brisée et quarante cinq jours d’immobilisation.
Doncier effectua un virage à quatre vingt dix degrés dans un couloir qui eut pour effet de faire glisser son pied dans les housses protectrices de ses chaussures.
Il se rattrapa à la main courante, et se projeta en avant.
Il s’élança à nouveau et tomba en se prenant dans un fauteuil roulant mal garé.
D’une roulade digne d’un légionnaire assoiffé de chèvre, il se remit sur ses fondements pour s’expulser dans les escaliers qui menaient au parking.
Impossible de récupérer sa voiture.
Les agents de sécurité de l’état, dirigés par Chisirophe Cachakopoulos, bloquaient toutes les issues et de nombreux véhicules banalisés était garés de façon à empêcher, d’une part, que le terroriste ne rentre dans l’hôpital, d’autre part, qu’au cas où de dernier réussissait malgré tout à abattre l’ambassadeur, qu’il ne puisse pas s’échapper.
Devant l’issue des urgences, l’ambulance qui avait amené le diplomate était encore là, et les ambulanciers étaient allongés sur leurs sièges à demi baissés. Ils attendaient qu’on leur amène les papiers nécessaires pour payer la course.
Doncier entra de force dans l’ambulance et insista vivement, un scalpel à la main, pour que l’ambulance le transporte au numéro 2 de l’impasse ses sinistrés.
Apeurés, les ambulanciers ne se le firent pas demander deux fois, qu’importe le bon de transport.
Le véhicule s’élança toutes sirènes hurlantes dans les rues encombrées de la capitale.
Malgré toute la bonne volonté du chauffeur à qui, calmé, Doncier avait expliqué les raisons de son attitude de pirate, il arriva deux minutes trop tard.
Il n’avait pas tenu son engagement envers ses proches et l’appartement était vide.
De ce jour, il ne revit plus jamais sa famille et n’eut jamais une nouvelle ni de sa femme, ni de sa fille qui s’évanouirent dans la nature.

Ça n’était pas la première fois que Doncier et sa femme s’accrochaient pour cette raison, et ça n’était pas la première fois non plus qu’il ne respectait pas sa parole.
Jamais il n’aurait cru que Claudette mettrait ses menaces à exécution.
Doncier passa des heures, des jours, des semaines, des mois, bientôt deux ans à chercher sa famille.
Il y a encore peu de temps, il s’était rendu à Monte-vidéo ou on disait les avoir aperçues, mais sans succès. Les premiers mois, il avait parcouru la France, l’Italie, l’Espagne, la Croatie, la Roumaine et le Maghreb qu’il savait être les pays qu’affectionnait sa femme dans le vain espoir de la retrouver, sa fille à la main.
Malgré tous ses efforts, François Ferdinand Doncier ne trouva pas trace d’elles

Elles l’avaient quitté et abandonné.

De ce jour, Doncier avait remplacé ses deux femmes par toutes sortes d’objets féminins, des coupes, des flutes, des fioles, flasques, carafes, outres, bouteilles, mignonettes…
Parfois, la nuit, il se réveillait en sursaut, certain d’avoir entendu la porte s’ouvrir, et sa fille rire de la bonne blague qu’elles lui avaient faites.
Ces soirs là, il parcourait son grand F7 situé au troisième étage au dessus de la banque, certain qu’elles étaient cachées quelque part, et qu’elles attendaient qu’il les trouve.
Il ouvrait les malles du salon, regardait derrière les rideaux, sous les tables, dans les tiroirs, les boites…
Il allait dans la jolie chambre rose de marie-Caroline, et regardait sous le lit sur lequel reposait encore son déguisement de fleur destiné à la costumer pour le spectacle enfantin.
Sur les coussins, des peluches, des barbiers, un Ken décapité. Contre les murs, des portraits de Charlottes aux fraises et de Sarah Kay guettaient, souriants, le retour de la petite fée du 2.
La chambre de Marie-Caroline communiquait avec celle de sa mère.

Le couple Doncier faisait chambre à part depuis environs quatre ans à cause principalement des horaires auxquels était astreint le médecin.
Claudette étant insomniaque, et, quand elle arrivait à dormir, son sommeil était si léger qu’un rien pouvait l’en sortir, ils avaient convenu d’un commun accord, que chacun vivrait à son rythme.
Claudette Doncier était sujette à des crises de mélancolie, et entretenait un état dépressif grâce à tout un catalogue de drogues légales qu’elle se faisait prescrire chez trois médecins différents, ainsi que quelques ordonnances qu’elle arrivait à subtiliser à son mari. Le tout arrosé généreusement de Monbazillac.
François Ferdinand n’était pas le seul dans son cas.
De nombreux collègues à l’hôpital subissaient de graves crises familiales, ou avaient été abandonnés par leurs proches à cause de leurs activités professionnelles.
Ils l’avaient donc soutenu comme ils pouvaient, en l’entrainant dans les soirées de célibataire à gros pouvoir d’achat, ou la charte non écrite mais entendue par tous était : Vice , débauche et luxure.

Depuis la fin de ses études, François Ferdinand était, ainsi que sa femme, ce que l’on appelle poliment, un alcoolique mondain.
C'est-à-dire qu’il ne se collait pas le coude sur un comptoir comme aujourd’hui, mais, au restaurant ou à la maison, il avait pour habitude de boire deux ou trois apéritifs, du vin de cave, et après diner, quelques digestifs hors de prix.
Dans l’après midi, parfois une ou deux bières de marque, ou un cocktail rafraichissant au jus de fruit rallongé de rhum, parfois de Malibu.
Lors des soirées ou cocktails, il ne restait jamais la main inoccupée, il passait toujours à sa proximité un serveur chargé de coupes de champagnes ou de quelques fantaisies de barman, un punch ou un dry, quelque chose joliment présenté d’une cerise confite et d’un quart de rondelle de citron, parfois d’orange, dans un verre au bord habillé de sucre coloré.
Cinq, six, parfois dix verres dans la soirée n’amenaient jamais Doncier à l’ivresse, mais lui procurait suffisamment d’allégresse pour pouvoir servir à son tour quelques mondanité aux autres invités qui, comme lui, n’avaient pas comme but l’échange, mais faisaient acte de présence car il fallait. Il ne restait plus qu’à combler les deux heures obligatoires chez le préfet ou le capitaine d’entreprise, le célèbre chirurgien ou l’artiste d’avant-garde, le maire ou le parent, de propos agréables comme il se doit dans toutes ces sortes de soirées mondaines ou l’on se rend en couple, tout du moins, accompagné.

Or, depuis deux ans, Doncier était si abattu qu’il n’était plus reparu dans les raouts, les cocktails, les vernissages.
Petit à petit, il s’était laissé envahir par sa solitude, et avait pris comme reflexe de l’arroser à coup de « Mandarine Impériale ».
Le matin, pour masquer son haleine de foie malmené, il buvait du Cointreau dans son chocolat chaud, suivit d’un petit verre de « Mandarine » puis il allait travailler.
Vers dix heures, il faisait une pause café au bistrot, en face de l’hôpital, avec un petit pousse, ou deux, ou trois et continuait jusqu’à midi. Ensuite, il déjeunait au coin ou, quand il arrivait à quitter l’hôpital suffisamment tôt, il buvait quelques apéritifs, puis du vin à table, suivi de quelques petits verres de rhum.
Dans l’après midi, quelques bières d’importation, le soir, répétition, vin, digestifs, puis il prenait part aux soirées de célibataire au whisky ou à la vodka, et en rentrant chez lui, un petit verre de « Mandarine impériale ».
Jours après jours, sa soif inépanchable le conduisait à augmenter les doses, jusqu'à devenir vraiment et définitivement dépendant à son vrai carburant, l’alcool, auquel les soirs de grave crise de solitude, il ajoutait quelques somnifères ou antidépresseurs, dont son ex-femme avait passé une partie de sa vie à remplir les tiroirs de sa chambre d’épouse délaissée.
Parfois, l’espoir renaissait en Doncier parce qu’à la télévision, sur un magasine, il croyait reconnaitre, ici les cheveux, là le profil, encore, l’allure générale de son épouse.
C’est ainsi, qu’en deux ans, il parcouru plusieurs villes d’Asie, d’Amérique du sud et du Maghreb, sans compter une bonne poignée de capitales européennes.
Après chaque voyage, évidement, il revenait remplit de désillusion, mais, fidèle, elle l’attendait dans le salon, elle, la « Mandarine Impériale ».
A chaque déconfiture, il retombait dans un état pire que celui dans lequel il était précédemment.
Depuis bientôt deux mois, François-Ferdinand Doncier n’utilisait plus l’eau que pour se laver.
S’il n’avait pas eut cette obligation universelle et organique de se nourrir, il aurait surement sombré dans quelque chose de plus grave. Heureusement pour sa santé, Doncier ne sait pas cuisiner, et c’est donc ses allers et retours quasi quotidiens au coin, qui lui permettent de ne pas rompre avec ses contemporains. Les autres convives du coin ont tous quelque chose à dire, et le bon moral du groupe est pour François-Ferdinand, comme la bouée attendue par le naufragé du chapitre VIII, (« L’onde et l’ombre » des misérables de notre très sympathique Victor H.), à laquelle Doncier s’accroche pour garder la tête hors de l’eau (c’est une métaphore).
Le docteur Doncier raffole des bons plats d’Antoinette qui lui rappelle ceux de sa femme, et les histoires quotidiennes autour de la table, mettent un peu d’animation et de soleil dans sa vie terne au verre poli.
De temps et temps, Doncier montre sa tête à l’hôpital où, compréhensif pour être passé par là, le directeur lui octroie tout le temps dont Doncier à besoin, sans rogner sur ses gages, car, parfois, des cas importants ont besoin des compétences uniques du spécialiste de réputation internationale.
Paul Denoulet fait partie de ces cas qui posent aux soignants des problèmes si complexes, que seuls des spécialistes hautement qualifiés, peuvent tenter des traitements en forme d’expérience, qui font progresser la connaissance qu’a l’humanité des mécanismes subtiles qui agence notre être, ceci dans l’intérêt du patient, et de tous ceux qui viendrons derrière.
Il y a quelques dizaines d’années, Paul aurait été mit au pavillon des indigents et serait devenu fou.
Quelques années plus proches de nous ont l’aurait certainement branché sur électrochoc pour le stimuler. Encore plus près de nous, quelques laboratoires pharmaceutiques l’auraient sans aucun scrupule utilisé comme un lapin ou un rat de laboratoire.
Le docteur Doncier à sa méthode, douce.

Depuis que Paul est à l’hôpital, Doncier y passe presque toutes ses journées, et de ce fait, refrène un peu son penchant pour les liquides distillés ou maturés.
Doncier sait d’expérience qu’il y a toujours un moyen pour débloquer un cerveau récalcitrant, réticent au retour à la réalité ou « tilté » comme il dit parfois lorsqu’il se trouve entre collègues.
A ce jour, il a déjà traité une vingtaine de cas graves, voir désespérés, considérés irrécupérables, d’amnésies ou de refoulements de la personnalité, avec des résultats qui lui ont valu des articles dans les plus grands magazines médicaux, ainsi qu’un groupe de travail pour l’avalisation par le conseil médical international, de la méthode dite « Doncier ».
Lorsque le docteur Doncier rencontra Paul, il ne lui fallut pas très longtemps pour évaluer le patient, et juger que, bien qu’il soit en mauvais état, il n’était pas impossible de le récupérer.
L’important n’étant pas, malgré les désirs du commissaire Poulu, que celui-ci retrouve son passé, mais bien qu’il trouve son présent, ensuite, la résilience mémorielle se fera d’elle-même, au rythme tranquille du chemin quadrillé du calendrier, ou ne se fera pas, ça n’était pas le plus important. Le plus important dans un premier temps, c’était de récupérer Paul.
Autour du cas Denoulet, Doncier avait réunit un orthophoniste, un kinésithérapeute, un spécialiste en médecine comportementale et un neurochirurgien, qui le soumettaient à toutes sortes de tests et de stimuli des diverses parties de son corps.
Les sons, les vibrations, lumières, couleurs, formes, sensations, froid, chaud, dur, mou, lisse, rugueux. Normalement, les gouts et les odeurs, mais pour l’instant sans réponse émotionnelle…
Paul était à la fois un sujet d’étude car son cas était unique, et en même temps une précieuse aide qu’utilisait l’équipe médicale pour traiter subtilement Doncier.
En secret, l’équipe de médecins et les amis du docteur espéraient que de cette expérience unique en son genre, en sorte deux guéris.
On comparait le mutisme de Paul à celui dans lequel s’était enfermé Doncier depuis le départ de sa femme.
Jamais Doncier ne s’était autant occupé d’un patient.







Chapitre trois.
Station Pablo-Picasso.

Après sa rencontre avec le médecin, Marcel Poulu quitte rapidement l’hôpital.
Marcel est toujours heureux de sortir d’un hôpital.
Cette ambiance feutrée, les objets qui trainent dans les couloirs, les lits roulants, et puis toutes ces odeurs de mercryl, de dakin, d’éther, celles des produits destinés à désinfecter les chambres entre chaque passage, après un départ pour l’autre monde (voir les thanatonautes de Werber), les murmures des familles en visite, les salles d’attentes pleines de gémissements ou les salons aux pots de fleurs servant de cendriers, les effluves de maladie, tous ces signes extérieurs d’infirmité, tout ça le met mal à l’aise, et évoque pour lui une enfance difficile rythmée d’opérations destinées à corriger les défaillances de mère nature.

Poulu était soulagé d’être sorti en bonne santé du lieu et de respirer un peu frais de l’extérieur, même s’il n’est pas pur, au moins, ça sent la vie.

Nouvellement promu commissaire principal, fraichement débarqué de province, voila qu’il se trouve, alors que ses cartons ne sont pas encore déballés dans son bureau, et qu’il n’a pas encore pris son rythme de croisière, avec un attentat terroriste dans sa circonscription.
Le seul survivant est dans un état de choc plus que critique, et ne peut pas lui donner la moindre piste, pas même un petit indice.
Son seul témoin, celui qui pourrait éclairer un peu sa lanterne, est une espèce de légume bouilli posé sur un drap de coton.
L’attentat n’avait pas été revendiqué, et les hypothèses allaient bon train, mais pas de piste sérieuse pour pouvoir engager une traque d’un groupe terroriste plein d’idéaux révolutionnaires, religieux ou libérateurs.
Poulu avait bien envie de remettre tous ses cartons encore scellés dans sa voiture et de retourner tranquillement, par les petites départementales parsemées d’auberges gastronomiques et de relais Napoléon, jusqu’à sa petite ville de province ou il ne se passait jamais rien, du moins, jamais rien de tel. Mise à part quelques voitures volées ou brulées, quelques incidents de chasse plus ou moins involontaires, un cambriolage par-ci, ou un chantage par-là, rien de tel, jamais d’histoires de bombe, de groupement à vocation national-indépendante, ou de fous de dieu pour le salut eternel et l’amour entre les peuples par l’utilisation de projectiles explosifs ou d’armes de destruction massives.

-         Bienvenue en enfer ! Lui avait dit joyeusement le médecin légiste lorsqu’il l’avait accueilli en haut des marches conduisant au quai de la station de métro ou avait explosé la bombe.

Quelques dizaines de minutes après les faits, les équipes de la police scientifique étaient sur place pour faire tous les relèves nécessaires à l’identification des moyens utilisés, ainsi que le relevé des empreintes ou indices abandonnés par les terroristes.

-         Station Pablo Picasso ! Bien choisi pour un massacre, on croirait Guernica ou un des ses célèbres gribouillis ou tout se mélange.

Le médecin était un habitué des scènes de crime, de sang et de morceaux éparpillés, ça se voyait à sa façon de parler avec les mains dans les poches comme un vendeur de voitures d’occasion.
Il était petit, menu, bien rose, et respirait la joie de vivre. Son visage était marqué de rides de sourire autour des lèvres et des yeux. Il avait la clope au bec, ce qui l’obligeait à fermer un peu son œil droit, et sa blouse était couverte de taches de sang séché.
Rien qu’à le voir, Poulu s’imaginait ce qu’il trouverait en bas des escaliers qui conduisaient au lieu du sinistre sinistre.
Il n’était pas encore descendu, que déjà l’odeur qui remontait de la bouche de métro, lui évoquait une odeur bien connue, particulière, celle du barbecue du dimanche.
S’il n’avait pas sut l’origine de l’odeur, il aurait put trouver celle là agréable, mais de savoir que ça venait du corps de braves types et de mères de famille, peut être de gamins ou de gamines revenant du cinéma ou de cours de soutien, ça lui était difficilement supportable.
Plus il descendait, et plus l’odeur vers laquelle il avançait était forte, et ça sentait de plus en plus le dimanche à la campagne, de ces dimanches ou l’on prépare le cochon, l’odeur du sang de boudin qui cuit, et des poils de la bête qu’on a posé sur le feu.
Marcel avançait en reculant, finalement il n’était plus très chaud pour constater de ses propres yeux. Quant au légiste, il était plutôt cool face à la situation. Il inventoriait rapidement pour le commissaire.

-         Bon, et bien, disons, en gros six femmes et environs huit hommes plus quatre ou cinq gamins mais pour les gamins, on n’est pas encore bien assuré parce que les morceaux sont plus petits et bien étalés. On a pas tout récupéré encore, et puis il y a des parties que l’on n’a pas encore identifié.
-         C’est si horrible que ça ?
-         Horrible ? Oh non, je ne crois pas, c’est juste une espèce de tartare géant, mais sans condiments ni sauce anglaise, mais avec des œufs, y en a un qu’avait des œufs. Vous allez voir, y en a partout, j’espère que vous avez le cœur bien accroché.
-         Je ne sais pas si… C’est une bonne idée que je…
-         Tenez prenez ça.
-         Qu’est ce que c’est ?
-         Un sac pour vomir et un masque. Hé ! N’oubliez pas de retirer votre masque avant de vomir, hein ? Ah, ah. Et vomissez bien dans le sac pour ne pas corrompre les indices, d’accord ?
-         Vous pensez que je vais vomir ?
-         Évidement, on voit que c’est votre premier attentat, dites moi si je me trompe ?
-         Non.
-         Tiens, j’en étais convaincu, mon flair est infaillible ! Bon, vous avez déjeuné ce matin ?
-         Oui.
-         Quoi ?
-         Café, lait, tartines, jus d’orange et œufs brouillés.
-         Ben dites donc, vous ne craignez pas pour votre foie vous ! Mais c’est bon, c’est parfait, tenez un autre sac, ne vous gênez pas, y en a plein, c’est bien que vous ayez mangé, ça vous fera moins mal, sauf peut être le jus d’orange, c’est un peu acide.
-         Ce sont des oranges de Valencia.
-         Ha ? Bof. Le pire, c’est rendre juste du café, ou rien. Rien, c’est vraiment douloureux.

Le légiste avait raison, ça n’avait pas loupé, Poulu avait rendu tout ce qu’il pouvait et plus encore.
Il avait même fallu qu’on le porte jusqu’à la sortie, et qu’on l’allonge sur une civière, pour ne pas qu’il y ait un macchabé de plus dans le tunnel souterrain.

-         Je vous envoie un rapport pour demain commissaire, lui lança le légiste, pendant que Poulu était en train de se faire évacuer.

Sur une petite table de camping, au milieu des échantillons, ce dernier avait installé un grand thermos de café, et, alors que Poulu s’horrifiait du résultat de l’attentat, le légiste déballait un sandwich triangulaire au Poulet-Béarnaise et pain complet dans lequel il mordit à pleine dents.
C’est ça qui déclencha les spasmes du commissaire.

Le rapport était arrivé le lendemain, très détaillé avec de nombreuses photos bien cadrées. Officiellement, dix neuf morts.
Six femmes et huit hommes et cinq enfants dont un incomplet.
Le légiste considérait deux suppositions.
1.    Un des enfants était handicapé
2.    Un animal, certainement un rat, avait profité des quelques minutes entre l’explosion et l’arrivée des secours, pour prélever un peu de viande fraiche pour nourrir sa famille ou ses amis.
C’était écrit comme plus haut et noir sur blanc, vrai comme le crocodile du père Balhaurain !
A ceci, était joint toutes sortes de plans très cadrés d’un photographe de la police aux gouts morbides, que Poulu jugeât parfaitement inutiles, représentant une demi-tête de femme ensanglantée au premier plan, au second plan des hommes de la police scientifique enjambant des lambeaux de chair, avec en arrière plan le nom de la station en lettres blanches sur fond bleu entourée d’éclats de sang dégoulinants, ainsi qu’une publicité en 4x3 pour une crème de jour.
L’auteur avait du travailler au grand angle.

Ça faisait trois jours maintenant que la bombe avait explosé, et toujours pas de revendication.
On connaissait maintenant le mode opératoire.
Le massacre résultait de l’explosion d’une bombe artisanale fabriquée avec des engrais, du sucre, du savon et une vingtaine de bouteilles de gaz pour chalumeau ou petit cuiseur de marque [espace à vendre s’adresser à l’auteur] attachées ensemble avec du fils de fer très solide, et placées dans un sac à roulettes comme ont les mémés pour faire leurs tournées quotidienne de ravitaillement en victuailles, de ces petits sacs rigides à deux fois trois roulettes qui facilitent les montées dans les escaliers.
Le déclenchement était actionné avec la complicité d’un téléphone portable de marque [espace à vendre s’adresser à l’auteur] dont les morceaux furent retrouvés fondus dans la masse.
L’habile montage à eut pour effet de ne pas produire une seule explosion, mais peut être deux ou trois, dont les effets furent amplifiés par l’adjonction de clous disposés dans le mélange engrais + sucre.
Les bouteilles de gaz étaient entourées de lames de rasoirs de marque [espace à vendre s’adresser à l’auteur] dans leurs paquet cartonnés à raison d’une cinquantaine de paquets par bouteilles. Quand les bouteilles explosèrent, elles envoyèrent donc environs cinq cent lames de rasoir chacune, dans toutes les directions, soit environs dix milles lames chauffées par le souffle, qui découpèrent les gens comme un pétard fait exploser un crapaud.
Ambiance Vietnam américain, Indochine française.

Si vous avez du mal à voir ce que ça donne, essayer vous-même. (Le crapaud, pas la bombe, entendons-nous)
Seulement attention ! Il est interdit de faire exploser les crapauds ! Donc si vous le faites, vous engagez votre responsabilité, la votre ! Sachez que je n’endosserais pas le poids de vos bourdes. Que ce soit bien clair. D’ailleurs, moi-même, je n’ai pas essayé.
Les crapauds sont trop rapides pour moi, en plus j’avais les mains mouillées, impossible de craquer une allumette, le temps de retourner à la voiture en chercher des sèches, le batracien avait craché l’explosif et n’était plus là.
J’ai attendu mais il n’est pas revenu…

Bref, en tout cas, si c’est le résultat qu’attendaient les terroristes, c’était plutôt réussi.

Le seul survivant c’était ce gars là, Paul Denoulet (quel nom, j’vous jure !), un illustre anonyme fondu dans la masse des usagers de la ligne.
Pas une égratignure, le type, un vrai miraculé, le corps indemne mais la tête à l’envers !
Complètement sonné le bonhomme, Quasimodo.
Là où tous avaient explosé dehors, lui avait explosé mais dedans, en bon François, on dit imploser. (La racine est latine).
Ce Denoulet, c’était le point de départ de Poulu.
Un peu maigre tout de même.
Les vidéos de surveillance du métro ne donnaient rien, on ne voyait personne avec des gestes suspects, et le porteur du caddie était surement en miettes au milieu des autres.
La seule chose qu’on voit filmée par les cameras, c’est des gens qui sortent d’un wagon, et une seconde plus tard, une grosse explosion, et puis plus rien, parce qu’un morceau était allé se coller sur la vitre qui abrite le mouchard.

Il y a vraiment des choses qui vous dégoutent dans la vie, hein ?







Chapitre 4
Le cas Poulu

Avant d’aller plus avant, (magie de la langue française), laisser moi vous décrire Poulu rapidement pendant qu’il est accoudé à la fenêtre de son bureau.
Il regarde la circulation triste des voitures noires et grises, glissant sur le bitume de la rue aux constructions rongées par les toxines des pots d’échappements, retenues au sol par le ciel lourd, ou une tentative de soleil essaye de percer une cape de monoxyde, laissée tranquille par le vent, mort de s’être perdu dans le labyrinthe des immeubles.

Marcel Poulu est un homme que l’on peut classer dans la catégorie des vieux beaux.
Il porte une gentille cinquantaine façon quadragénaire en plein forme, et, malgré la tradition familiale qui veut que l’on se découvre devant les années, il conserve tous ses cheveux qu’il coiffe avec une raie à droite.
Jeune, il était châtain, mais avec les années, ses cheveux ont pris une teinte gris-bleue-cendré dans lequel le vrai soleil, celui que l’on ne trouve qu’en dehors des vraies villes, vient se perdre en donnant de multiples reflets, suivant la quantité de lumière qui tombe sur le monde.
Ses grandes mains qui lui valent la réflexion régulière et inutile de « Vous devriez jouer du piano… », sont de celles qui regardent, montrent, commandent, tiennent un bâton de marche, une paire de jumelle ou tapotent sur les touches d’un ordinateur.
Normalement, Il passe environs trente minutes par jours dans sa salle de bain à s’enduire le visage de crème anti-tout, âge, ride, vieillissement, affaissement… et à tailler la fine moustache qui court le long de sa lèvre supérieure ainsi que son mini bouc à la d’Artagnan.
Par habitude, il porte de longues chemises unies à manches longues, de marque italienne non apparente, avec des cravates à motif simples fixées avec une pince, cadeau de son père.
Des pantalons à pinces de marque anglaise, ainsi que d’immortelles chaussures en cuir marron ressemelées dix fois, de marque Sartore, qu’il entretien comme d’autres leurs Rolls ou leurs Ferrari.

Voici pour l’extérieur.
A cet instant précis, à l’intérieur, on trouve plutôt du noir. Quelques explications s’imposent.

Poulu ne voulait pas venir à Paris, mais sa femme, à qui par amour plus que par soumission il ne peut rien refuser, a tellement insisté pour qu’ils s’installent dans la ville dites des lumières (Urbi Lucius), que donc.
Lui, Paris, ça ne lui plait pas, parce qu’il n’y a presque pas de parisiens, seulement des provinciaux attirés comme des papillons de nuit, qui tournent frénétiquement en ayant oublié d’où ils viennent.
Pour Poulu, le problème de la ville, c’est qu’il n’y a pas de ciel, de soleil, et si peu de nature, qu’il faut aller la chercher dans des espaces clos, remplis de vieilles nourrisseuses de rats volants, de ramasseurs de déjections canines, ou de gamins reliés par la langue ou par un joint.
Marcel est un marcheur, mais, hors de question de dérouler des kilomètres sous les semelles ici, c’est trop dangereux pour la santé, ou alors il faudrait se couvrir le visage comme un japonais ou un chinois. Non ça va.

Depuis leur arrivée précipitée, ils sont installés par l’administration dans un petit trois pièces, un peu vétuste et un peu sale, ce qui n’arrange rien au moral de Marcel, non plus au jugement qu’il a de la ville et de son atmosphère.
Marcel n’entre pas dans la catégorie « ami des animaux », et le fait que les anciens occupants de l’appartement que l’administration a mit a leur disposition, aient eut un chien l’indispose.
Les murs sont grattés et la porte d’entrée est presque percée de l’obstination du quadrupède à refuser sa captivité. Il reste des poils et l’odeur du berger est tenace.
Seulement, il a fallut s’installer vite, parce qu’après une vague d’abandons de postes et de démissions sans précédent, les effectifs du poste s’étaient retrouvé presque à zéro.
Environs douze policiers, plus le commissaire Douyoumdjian, avaient disparus sans laisser ni message ni informations, le même jour que le ministre Testula, leur ministre de tutelle.
Le lendemain de ces mystérieuses disparitions, quand il fallut mettre tous les agents disponibles sur le coup, il n’y avait personne, ou presque, dans les bureaux du commissariat qui offrait curieusement le spectacle du gouvernement de vichy au soir de la débâcle.
Il ne restait qu’un inspecteur sur sept, et les adjoints de ceux-ci s’étaient envolés dans la nature. A leur suite, 14 policiers avaient démissionné, allant du Pinot à la Marie P. Chacun avait une raison d’une validité contestable, il y en avait neuf qui s’étaient enfuis, deux suicidés, et un partit élever des chèvres en Ariège et qui tenait un siège armé du coté de Sainte Affrique, sans oublier un juge d’instruction et le secrétaire du Pacha.
En deux jours, le commissariat central se trouva quasiment vide, et de nombreux dossiers avaient été détruits ou brulés dans la cheminée du bureau du commissaire.
Cette dernière était condamnée depuis plusieurs années à cause d’un suspect qui avait été tenté de l’utiliser pour s’échapper.
Pour la petite histoire dans la grande, sachez qu’on avait cherché l’individu pendant plusieurs jours, et qu’il était redescendu de lui-même au bout d’une semaine, dans un grand bruit et moult éclats.
Les pyromanes qui brulaient les dossiers ne devaient pas être au courant de cette histoire, ce qui eut pour effet que la pièce se rempli rapidement de fumée et de flammes, pendant que le gros tas de papier continuait sa combustion comme si de rien n’était et que, évidement, les responsables de la chose, sautaient dans leurs voitures pour fuir loin du lieu du sinistre.
Les pompiers appelés au secours avaient pénétré dans le lieu à coup de hache dans la porte, armés de lances à incendie, ce qui eut pour effet de détruire ce qui ne l’était pas encore, mais bon, merci quand même.

Autant dire qu’en termes de dossiers et d’agencements, il fallait tout reprendre à zéro.
Il fallait récupérer des copies chez les juges d’instruction, reprendre les enquêtes, ratisser large pour connaitre la raison de cette panique générale, tout en reprenant le contrôle de la ville et de ses quartiers, avec des agents récupérés dans les autres commissariats, ainsi que des nouveaux, appelés comme Poulu, de leurs planques provinciales.
Le commissariat était encombré de cartons vides, d’ordinateurs neufs ou glanés ici ou là, de peintres, de plâtriers, livreurs et monteurs de meubles de bureau, et de flics timides n’osant pas encore considérer ce lieu comme leur nouveau terrain de jeu.
Il n’y avait pas assez de dossiers ouverts pour mettre tout le monde au travail, ceci bien que de nombreuses pistes étaient à l’étude, et que les plaignants commençaient à revenir déposer auprès des agents.
Les commissariats de police ont ceci de commun avec les boulangeries, qu’il suffit d’écrire le nom de l’activité au dessus de la porte pour que les gens rentrent.
Il fallait jongler avec les affaires en cours, les nouvelles et l’attentat. Ce n’était pas évident.
Malgré quelques demandes, Poulu n’arriva pas à faire basculer les affaires sur les autres commissariats autour de lui le temps des travaux, car ceux-ci étaient déjà surchargés de travail et en sous effectif, un truc normal dans l’administration Française.
Rappelons-nous ici que l’on doit à la langue de Molière l’invention du terme technocratie.
La rumeur courait que le commissariat central n’était rien d’autre qu’une pompe à fric, une machine à sous, aussi grosse et répugnante que le commissaire Douyoumdjian, et que ça n’était pas plus mal si il avait brulé.
Elle disait aussi (la rumeur), que le Libanais se mettait dans trop de combines, et que s’il avait disparu, c’était surement à cause de toutes ces histoires. (Elle est belle la peau lisse)
De sales histoires visiblement, des trucs de maffia ou de politique, comme on peut en lire dans les romans de gare ou les livres d’auteurs mal inspirés. (Merci pour moi)

« C’est vrai, se disait Poulu, ici, c’est une bonne place pour qui n’est pas intègre et n’a pas peur de se salir les mains. Les affaires pas claires, elles sont dans les beaux quartiers ou les vraiment très moches, ceux qui sont au centre ou en périphérie de Lyon, Marseille, Paris, Bordeaux, Nice, (enfin, je ne vais pas vous faire la carte de France hein ?) … Si on tire son mouchoir sur ses scrupules, on a vite fait de travailler avec un de ceux qu’il ne faut pas, le genre de type à qui, si on sert la main, c’est au premier des deux qui passe la menotte, et que si l’on fait allégeance à qui il ne faut pas, on peut surement gagner gros en oubliant que la normale, c’est que quand on devient flic, ce n’est pas pour tenir le rôle du voleur.
Les flics ne sont pas là pour tenir la traine du roi de la rue. »

Quand on a téléphoné à Poulu pour lui dire de préparer ses valises de toute urgence pour prendre le poste, il avait complètement oublié qu’un jour, il avait put faire une demande auprès de ses supérieurs.
En fait, sa demande, elle était tellement vieille, qu’elle aurait put être gravée en latin ou écrite sur un papyrus par un scribe de profil et en position du lotus.
Elle datait de sa prise de fonction en Touraine, il y a une dizaine d’années, quand le pays ne lui plaisait pas trop. Poulu aurait préféré les Pyrénées pour courir après l’isard ou l’Etéara dans les montagnes.
Finalement, comme on se fait à tout, il avait patiné un peu plus sa jeunesse sur les bords de la Loire, avait prit ses habitudes, rencontré Denise, trouvé un rythme pour sa petite vie ou il ne se passait jamais rien, c’était plutôt reposant.
Quand on l’avait appelé au téléphone pour lui demander s’il était toujours intéressé par Paris (Alors qu’il n’avait jamais été intéressé par Paris mais que la case était cochée d’office sur le formulaire de mutation), il avait longuement hésité. C’est sa femme qui eut le dernier mot, parce que ça nourrissait ses projets à elle, et puis, pourquoi pas après tout ?
Deux heures après, il rappelait son correspondant à la préfecture des hauts de seine (c’était eux qui s’occupaient de ça) pour lui dite que oui.
Quand Poulu avait décidé d’entrer dans la police, il se voyait en inspecteur traquant Lupin ou Fantômas, résolvant victorieusement des énigmes les plus complexes, débusquant les odieux criminels, et puis, seul, debout devant une assistance admirative, il recevait la plus haute décoration nationale, au son de la marseillaise jouée par la garde républicaine en tenue d’apparat, pendant que le chef de la nation le gratifiait d’une accolade reconnaissante, et que tous applaudissaient le génie, le maitre du jeu, le plus grands des hommes de loi, que les flash crépitaient, et que, et que…

Finalement, mise à part la responsabilité de signer des feuilles de congé et de viser des plannings, contre signer des rapports faisant état de conclusions d’enquêtes suite à des règlements de comptes à la carabine, des déclarations de sinistre… Pas d’Arsène Lupin dans la Loire, pas de Fantômas dans l’Indre, en tout cas, pas d’histoires de bombe dans le métro.

Poulu est un commissaire théorique.
Arrivé à sa place par le jeu des places vides et des concours internes, des points  et autres systèmes complexes dont les fonctionnaires sont les pions volontaires, nonobstant le fait, et ça on ne peut pas lui enlever, que Marcel Poulu est un bon flic malgré tout.
Il pense vite, à de bons reflexes, c’est un bon tireur, physiquement résistant.
Son gros défaut se situe principalement en une tare inexcusable dans le métier, Poulu n’aime pas la bière. Ceci ne favorise pas forcement l’esprit de groupe, mais comme c’est un brave type, il arrive tout de même à gagner et à conserver le respect de ses subordonnés, et c’est le plus important pour être un bon chef.
Dans sa vie privée, il s’intéresse à l’histoire, la musique classique, l’art contemporain, les diseuses de bonne aventure et les DJs.
Marcel adore la transe.
Depuis qu’un jour le préfet l’a envoyé avec une équipe pour stopper une party sauvage, et qu’il a rencontré le son qui sort des murs d’enceinte poussés à fond, il a été transporté.
Depuis lors, son plaisir, ce sont les discothèques branchées et les free party, mais peu, quatre ou cinq fois par an maximum.
Son style, c’est la transe, mais il n’est pas sectaire, il veut bien écouter autre chose si ça vaut le coup, mais il est critique et exigeant, on ne lui fait pas à Poulu.
Il est abonné à une mail-list alternative qui lui envoie tous les numéros d’info line pour trouver les fêtes, mais c’est son secret.
Lorsqu’il trouve une fête qui lui plait, il prend sa chaise pliante,  s’installe un peu sur le coté de la foule qui danse, et écoute le travail du mixeur qui enchaine les morceaux et les rythmes à la recherche du petit son qui le fait vibrer, et, quand il l’a trouvé, il ferme les yeux, et se laisse porter.
C’est la seule chose qu’il ne partage pas avec sa femme.
Elle ne l’accompagne jamais lors de ses sorties musicales. Elle considère la musique synthétique comme une hérésie. Pour elle, la musique, c’est le tango argentin, le flamenco espagnol, les chants sahraoui, le fado de Lisbonne et les polyphonies corses, ainsi que tous les autres chants qui ne demandent ni micros ni instruments compliqués ou formations, à part l’opéra qui est, pour elle, la quintessence de l’art chanté.
Poulu aime beaucoup les "Chemicals Brothers" même si ce n’est pas de la transe. Pour le reste, à peu près tout ce qui peut arriver de Goa lui agite les neurones et les doigts de pieds. Son label, c’est Dragon-fly.
Marcel adore s’enrober de son dans la voiture quand il est seul, de préférence sur l’autoroute, ou le casque sur les oreilles dans son bureau, car il a installé un logiciel de mixage sur son ordinateur portable.
Quand il était à Tours, sur ses huit heures de travail quotidien, il passait une à deux heures par jours à travailler sur son logiciel de distorsion.
Il avait même fini par se persuader que ça l’aidait à se concentrer.
La concentration par la superposition de son.
Pour lui, une enquête, c’est comme de la musique, il y a plein de couches, comme une symphonie, les gros sons, ceux que l’on entend de loin, l’harmonie, le thème et au fond, discret mais présent, indispensable, le triangle. Mais avant et surtout, du rythme, des contre temps, des reprises et des surprises.
Depuis qu’il est arrivé à Paris, il n’a pas une minute à lui et n’a pas travaillé un seul morceau sur son écran. Ici, tout va trop vite, les gens sont trop pressés et c’est contagieux.

Les conditions d’ici sont terribles. Dans les bureaux et à l’accueil, il n’y a quasiment que des nouveaux, et les hommes de terrain on encore besoin de plan pour pouvoir se déplacer dans la ville. Ils se perdent dans le métro…
Du plus petit agent au responsable, tous vivent dans des conditions précaires et dans l’inconfort des locaux prêtés par l’administration.
Reconnaissons ici qu’il faut être légèrement demeuré pour vivre à Paris ou autour.
Ça pue, les sas de métro vous écrasent, les gens sont vilains, les murs sont sales. Rien ne vaut la province, on y meure au moins en bonne santé.

Les appartements qui ont été mis à la disposition des nouveaux arrivants par l’administration sont au niveau de la ville. Ils sont vétustes, les chambres d’hôtel sont « bas de gamme » et dans des rues passantes.
Comme condition d’accueil, il y a mieux.
Tous se sentent un peu comme des animaux en transit depuis la zone d’élevage à la zone d’abattage, ce qui n’est pas forcement faux.

Poulu, c’est le commissaire principal, autant dire qu’on lui a donné ce qu’il y a avait de mieux, ou peut être de moins mauvais, alors il n’ose même pas s’imaginer ce qui a été trouvé pour loger les autres.
Il préfère ne pas en parler, ca risquerait de plomber l’ambiance qui est loin d’être au beau fixe, ça se ressent bien dans la qualité du travail, et l’atmosphère qui plane dans les couloirs, avec des agents pas très bien reposés, lavés ou repassés.
Dans quelques temps, quand chacun se sera installé dans sa belle routine, panacée du mouton moyen, quotidien vide du boulon de la grosse machine programmée à brasser les hommes et compter le temps, quand tout le monde se sera calé dans son trou et recouvert du fumier fétide de ses obligations professionnelles, priorité au train-train autorisés par les formulaires administratifs et les plannings scolaires, orchestré par le célèbre Metro Boulot Dodo, il pourra commencer à être plus exigent.
Ça n’était vraiment pas le moment de venir faire chier tout le monde avec une attaque terroriste !
Si l’attentat avait été revendiqué, ça aurait arrangé tout le monde, on aurait put donner un visage à l’ennemi, ou un béret, ou une carte de séjour, ou un permis de construire à Calvi… Que nenni !
Tout est tellement mystérieux qu’on pourrait étendre les recherches de tout cotés et sans fin. De plus, la pitoyable concurrence entre les différents services de l’état, rend la mutualisation des ressources impossible et l’ambiance exécrable.

Accoudé à la fenêtre de son bureau, regardant la circulation triste, Marcel Poulu regrette d’avoir un jour rempli une demande de mutation, d’avoir reçu une réponse et accepté. Malcel regrette d’être monté à Paris et descendu dans le métro.
Accoudé à la fenêtre de son bureau crasseux, il aimerait tellement être ailleurs…








Chapitre 5
Étranger

Étranger dans son propre corps, voyageur égaré, échoué sur une ile lointaine, absente des cartes, une ile sans port, sans embarcadère, de celles ou l’on arrive à demi mort, inconscient, et ou, réveillé par un crabe curieux ou une mouette affamée, on découvre une plage déserte à l’infini, bordée d’une forêt hostile et impénétrable, d’où émergent toutes sortes de cris et de sons dont on sait, d’instinct, qu’ils représentent un danger.
Une ile ou l’on se découvre isolé, dépourvu de ses propres ressources.
Naufragé, posé là par la volonté aléatoire d’un destin manipulateur et cruel, débris restant d’un fier vaisseau dont la route était droite, sans surprise, destinée, et qui, par le jeu aveugle d’un dieu aux colères furieuses, se retrouve au hasard d’un cap, pris dans le poing serré du puissant destin des mortels, au pays du grand malheur pas de chance.
Assoiffé, dénudé, affamé, proie facile, le rescapé se soumet à un examen de ses chances et de son état. Il a la tête qui sonne. Il n’est qu’une sonnerie incessante qui l’enferme, il s’enferme, s’emprisonne.
Un corps qui ne lui plait pas, d’un coté le vide aquatique et une plage vide, de l’autre une jungle peuplée d’êtres aux allures inquiétantes.
Il se sent lourd, badaud, poilu et chatouilleux, les êtres sont sortis de la forêt, ils l’obligent, le force, l’oppressent.
Il faut se mouiller, se remplir, se vider, recouvrir ses membres, se regarder dans le miroir, ouvrir les yeux, bouger la tête, répondre aux gestes des créatures autour de lui et chaque fois, subir à nouveau les humiliations de ces êtres pour qui on n’est rien d’autre qu’un naufragé étranger.
Rien de moins qu’un objet échoué sur leur plage, leur territoire.
Ils tentent par tous moyens de vous attirer dans la forêt avec eux, de vous assimiler pour mieux vous posséder, vous transformer en créature, pour, sans doute, mieux se repaitre de votre être, de vos compétences oubliées, et de celles qu’ils vous forcent à copier.
La mer est inaccessible, la forêt dangereuse, seule la plage est calme, infinie, chaude et froide.
En dormant, il a pensé « hôpital » et c’est décidé à garder cette idée avec lui pour la révéler aux créatures. Il se l’est répété sans fin. « Je suis à l’hôpital, je suis à l’hôpital… »
Quand il ouvrit les yeux, il avait oublié.

Il y avait la créature blanche qui le regardait de ses grands trous noirs, et, pendant qu’il faisait tourner les mots sans fin dans son esprit, il cherchait le moyen d’exprimer cette idée née au fond d’un songe, sur une plage au bout de sa conscience, il avait oublié quoi, mais savait qu’il y avait quelque chose. Alors il hurla.
Un cri de bête, venu du fond des âges, un cri de gardien du feu, de chasseur cueilleur.
Il cria si fort, que d’autres arrivèrent en courant dans la chambre pour voir ce qui s’y passait.
Paul prit cette arrivée subite comme une agression, et il eut peur. Une peur reflexe.
Il fit toutes sortes de gestes qu’il ne comprenait pas, il se débattait pour ne pas être victime des assauts des autres.
Quatre infirmiers l’immobilisèrent en lui sautant dessus, et il sentit qu’on le piquait dans le bras et puis, rien, si, la mer, le vent, la vaporeuse brise salée des vagues portée du loin par les mains invisibles du vent, l’ombre d’un oiseau passant devant le soleil. Glissant dans l’onde bleue, un banc de poisson se laissait porter dans le creux d’une vague, des gouttes d’eau qui tombaient de ses cheveux. Elles glissaient sur sa nuque, et continuaient leurs descentes lentement, le long de son épine dorsale, dans un frisson ou se mêlaient, plaisir de la goutte et désir de la suivante.
La goutte glissait avec douceur, rafraichie par le vent, la petite trace d’eau attisait des frissons de bonheur. Le vent avait fait sécher la petite goutte, la sensation de fraicheur avait disparu et puis, à nouveau, une autre goutte…

Le son des vagues, le cri de l’oiseau qui découpe le ciel, le long frôlement des petits grains de sable qui se déplacent.
En bougeant la tète, il fait chanter le vent dans ses cheveux. Le soleil chaud fait danser l’horizon. En plissant un peu les yeux on peut imaginer la plage qui elle aussi danse.

Il ne se posait pas de question, il profitait de l’instant, et il était heureux, libre.
Libre d’être immobile, heureux d’être là, libre d’aller affronter la plage ou la forêt des créatures.

Il ouvre les yeux et essaye de bouger.
On l’a attaché à son lit.
Il ne s’en rend pas vraiment compte.
Ses membres ne lui répondent pas, bien, c’est ainsi, qu’importe, il en prendra l’habitude.
Ça ne le dérange pas, il se fait dessus sans en avoir tellement conscience, c’est chaud et agréable, puis il tourne la tête.
A sa gauche, il y a la femme avec son objet qui grossit de droite à gauche.
Elle le regarde, ses yeux sont mouillés, et l’objet est plié sur ses genoux.
Elle est immobile, et laisse le liquide couler sans faire un geste pour l’aspirer, elle pleure pour elle-même ou peut être pour lui, elle pleure, et sur son visage, s’écrit des phrases liquides au gout salé.
« Un livre, c’est un livre » se dit Paul.
L’objet n’est plus un mystère. Il dit :
-         Livre ! à haute voix.
Mais le cri qui sort de sa bouche fait lever la femme avec sur le visage une expression de terreur qui surprend Paul.
Les avatars arrivent.
Celle qui a de grands yeux noirs lui caresse le bras, et ça lui fait du bien, comme le vent.
A nouveau, il prend conscience de ce son en lui, ce son qui l’écrase, ce son monocorde qui le détruit.
Un son sans début et sans fin.








Chapitre 6
Le cas Feuillôt

Marcel avait rendez vous dans son bureau de commissaire qui ressemblait à une agence de déménagement, et ou s’empilaient toute une gamme de cartons de diverses tailles et qualités, dont deux étaient ouverts, et d’où il avait extrait quelques objets, mais, comme personne ne s’était occupé de refaire son bureau noirci par la fumée de l’incendie dans la cheminée obstruée, il ne voulait pas vraiment s’installer.
Marcel avait juste déposé quelques petites chose ici et là, qui lui donnaient l’illusion que cette place était bien la sienne.

Depuis l’incendie, le bureau avait été juste nettoyé, et ça lui donnait une allure assez curieuse de grotte, ou se mêlaient les coulures noires, dans les plâtres qui avaient bu les dégoulinades crées par les lances à incendie, mélangées aux traces circulaires de ceux qui avaient tenté de nettoyer et qui n’avaient, finalement, qu’étalé les cendres.
Soucieux de réserver un bon accueil aux administrés, les services avaient commencé par refaire le hall, et les espaces destinés aux citoyens.
Les bureaux et couloirs situés au delà de la ligne de mire du contribuable, que l’on nommera ici plaignant, étaient encore en l’état, et sentaient la fumée froide.
Bon gré, mal gré, il fallait s’en accommoder.
Pour leur faire passer la pilule, on leur avait promit des bureaux tout neuf ainsi que le choix de la décoration de ceux-ci, dans un délai inferieur à trois mois, ce qui, dans l’administration, correspond au "Inch’allah" des arabes.
Pour l’instant, les cellules des prévenus étaient plus confortables que les bureaux des travailleurs.

Celui de Poulu était le plus grand, environs vingt cinq mètres carrés, comportant deux fenêtres avec vue sur rien, et un grand bureau en bois compressé qui avait bien bu l’eau des hommes à lances, ce qui avait fait gonfler les copeaux collés, et fait sauter la fine couche de laminé qui était sensé le faire paraitre pour un solide assemblage de chêne à l’épreuve du temps.
Au fond, derrière le commissaire, la fameuse cheminée en marbre fendu sur laquelle trône une Marianne noire, et le portrait du président Giscard. Pourquoi ? Bonne question, pour rappeler que l’on est toujours le jouet du destin peut être.
Devant le bureau, trois fauteuils patinés, récupérés de l’ancien mobilier de l’accueil, et puis un gros tas de cartons posé devant une étagère en fer d’une banalité triste.
Poulu attendait la compagne de Paul, qui justement frappait à la porte défoncée.

-         Bonjour mademoiselle, entrez et asseyez vous.
-         Bonjour monsieur le commissaire.
-         Alors, vous vous appelez Melissa Feuillôt, vous avez vingt six ans et vous êtes née à Valencienne. C’est bien ça ?
-         Oui monsieur.
-         Depuis combien de temps êtes-vous à Paris ?
-         Environs cinq ans monsieur.

Marcel était impressionné par la beauté de cette fille dès son entrée dans le bureau. Cette beauté blonde au milieu du bureau aux murs noirs, ça créait un clair obscur que n’aurait pas déprécié Michelangelo Merisi si la fille avait été un adolescent nu. Ce contraste mettait la jeune femme en valeur. Elle était habillée simplement d’une chemise d’homme et d’un pantalon moulant avec des baquettes sans marque apparentes blanches, et avait relevé ses cheveux tenus en chignon dans lequel était planté un grand peigne en corne. Quelques mèches volontairement rebelles encadraient son visage parfait et dansaient sur sa nuque. Une belle fille en vérité.
-         Vous êtes stripteaseuse au Papagayo n’est ce pas ?
-         Ah non ! commissaire !
-         Vous dites ? Je serais mal renseigné ?
-         Je crois oui, je suis danseuse, je ne suis pas une effeuilleuse, je suis une artiste, un jour, je serais actrice.
-         Bien, d’accord, vous habitez avez Paul Denoulet n’est ce pas ? Je me trompe encore ?
-         Non monsieur, en effet, j’habite bien avec Paul.
-         Et depuis combien de temps ?
-         Environs deux ans.
-         C’est votre petit ami ?
-         Non, c’est un ami d’enfance, nous venons du même village, c’est comme un frère en quelque sorte.
-         C’est vous qui l’avez fait embaucher au Papagayo ?
-         Oui c’est moi monsieur.
-         Racontez-moi un peu ce qui vous a amené à Paris.
-         Et bien, heu, c’est un peu compliqué.
-         Allez-y, dans le désordre, je trierai.
-         Voila, je viens d’un village près de Valencienne.
-         Je sais j’ai l’adresse de votre famille dans votre dossier.
-         A sept ans, je suis allé la première fois au cinéma, et j’ai eut une révélation, de ce jour là, j’ai décidé de faire actrice, et comme vous pouvez vous imaginer, ce n’est pas au village qu’un réalisateur viendra me trouver alors, et bien… Paris, c’est mieux pour les castings quoi, rencontrer des gens et tout ça, vous comprenez ? Faire des essais, se montrer et tout…
-         Vous avez déjà joué ?
-         Non, pour l’instant je n’ai fait que des bouts d’essais, je n’ai pas été plus loin, mais je ne désespère pas, je prends des cours de théâtre, de danse, de diction, de chant, et puis, je travaille au Papagayo.
-         Le Papagayo appartient à un avocat je crois ?
-         Oui mais nous ne sommes pas des intimes, je le connais un peu, comme ça.
-         Tiens, c’est curieux…
-         Pourquoi ?
-         J’ai des photos de vous avec lui. Vous savez, ou si vous ne savez pas je vous l’apprends, vous avez un dossier chez nous.
-         Non je ne savais pas.

Marcel faisait courir ses yeux sur la fille comme s’il en sortait un paquet de mains. Non pas qu’il soit un pervers, mais vraiment, cette fille a quelque chose d’incroyablement irrésistible. S’il n’avait pas été fidèle à Denise, il aurait bien retourné la demoiselle sur son bureau en bois laminé, en lui faisant vraiment peur, vrai comme Poulu, il doit y avoir un moyen de s’occuper de son cas à la petite chatte.
Mais non, que non, que non, on n’est pas dans un roman de ce genre, pas de ça chez nous m’sieur, reprenons.

-         Bon et bien vous le savez maintenant
Melissa avait l’air d’avoir peur, cette révélation l’avait bouleversé et Poulu s’en apercevait.
-         Il n’y a rien de grave mademoiselle, seulement vous connaissez du monde, et du beau.
-         Mon but, c’est que l’on me connaisse, je dois rencontrer beaucoup de gens pour percer dans le métier vous savez, il suffit d’une rencontre, une seule, pour commencer une carrière, le problème, c’est que l’on ne sait pas qui est la bonne personne par avance, alors il faut y aller, et ne pas avoir d’aprioris, il suffit que l’ami d’un ami vous présente à l’ami d’un ami et c’est parti, vous comprenez ? Il ne suffit pas d’avoir du talent.
-         Oui, je vous comprends mademoiselle… Dites moi une chose, vous couchez avec toutes vos rencontres ?
-         Monsieur…
-         Ne le prenez pas mal, c’est une question comme une autre, vous avez un corps incroyable vous savez ?
-         Merci monsieur.
-         Tout ceci ne c’est pas fait en un jour n’est ce pas ?
-         Vous avez raison.
-         Ça doit vous couter cher non ?
-         Assez en effet.
-         Et ce n’est pas avec votre salaire de danseuse que vous payez toutes vos transformations, dites moi si je me trompe.
-         Vous ne vous trompez pas commissaire.
-         Alors qui paye ?
-         Des amis, des mécènes.
-         Et vous leurs donnez quoi à vos… amis, en échange ?
-         Rien de ce que vous pensez commissaire.
-         Je ne pense à rien, alors, vous leur donnez quoi ?
-         Du temps, ma présence.
-         C’est tout ?
-         C’est tout.

Melissa n’aimait pas les insinuations du commissaire. Bien évidement, il avait raison, elle ne donnait pas que son temps et sa présence, évidement elle leur donnait son corps aussi, mais elle ne pouvait pas lui sortir comme ça, c’est une question de discrétion et de professionnalisme, de plus, elle risque de se retrouver cataloguée dans une catégorie qui ne lui convient pas.
Avoir sacrifié cinq dures années de labeur, passé tant de temps passé accrochée au bras ou au lit d’hommes aux exigences parfois douteuse, pour finir dans les dossiers de la mondaine entre les travelos de Boulogne et les filles de Saint Denis, c’était trahir ses espoirs, et jeter ses rêves aux orties, Melissa n’accepterait, même pas pour elle-même, de se classer dans la catégorie des filles de joie, elle se pliait juste à une nécessité.
Sa nécessité, rencontrer du monde pour décrocher un rôle, et ou, assurer ses frais d’entretien. Ses clients sont tous très gentils, influents et attentionnés, ce ne sont pas tous des pervers.
Elle a toujours sa chambre à part à l’hôtel, et si elle flirte avec eux, elle ne dort jamais dans le même lit qu’eux après, enfin, si, des fois, mais rarement.
Quand ils ont fini leurs échanges, elle retourne dans ses quartiers. Ils ne la paient pas, enfin, jamais directement, mais engraissent son compte à l’agence. Elle va en voyage, reçoit des cadeaux, souvent des bijoux, qu’elle garde ou qu’elle revend.
L’agence s’occupe de tout le reste.
La première fois qu’elle s’est rendue à l’agence, c’est parce que quelques semaines plus tôt, elle avait vu une annonce dans le journal local qui disait qu’une société de production organisait un casting à Valencienne parce qu’on cherchait des figurantes.
Un hôtel avait été loué pour le casting, et elles étaient près de trois cent filles à se présenter. Finalement, ça avait duré trois jours, et Melissa n’avait pas été retenue.
De toute façon, le film avait été un fiasco, et personne n’avait percé.
Quand au nom du film, je ne vous le dirait pas, on est pas la pour se faire des ennemis, sachez qu’en tout cas, il suffit d’une mauvaise histoire, pas de budget, de pitoyables dialogues servis par de plats acteurs, recouvert d’une musique nauséeuse, et un réalisateur qui s’y croit tellement, qu’il y gagnerait plus à se filmer lui-même qu’a tenter d’intellectualiser la cuisson d’une casserole de pâte, et vous avez ici la recette d’un fiasco.

C’était la première tentative pour Melissa, et déjà, en elle, elle sentait que c’était ce métier et pas un autre qu’elle voulait faire, et qu’elle ferait tout pour ça.
Elle était bien décidée.
Depuis qu’elle était enfant, elle rêvait de tapis rouges de flash et de cameras.
Elle imaginait une grande limousine qui viendrait la chercher pour la déposer au pied d’un grand escalier ou se bousculerait le tout Paris pour l’apercevoir au bras du plus bel acteur de sa génération.
Certaines filles lui jetteraient des regards à la fois méprisants et envieux, tout en l’appelant par son prénom pour faire une photo.
Des princes se saigneraient pour elle, et de leur sang, feraient des perles précieuses qu’ils lui offriraient sur un lit d’or pour avoir le bonheur de partager une minute de sa vie.
J’arrête ici, vous entrapercevez le genre ?

Quelques jours après le casting, elle avait reçu un courrier dans une belle enveloppe avec le nom de l’agence gravé.
Dans la lettre imprimée sur un beau papier, l’agence lui annonçait que malheureusement, son nom n’avait pas été retenu, mais qu’une autre agence pourrait s’intéresser à elle. On lui demandait si elle pourrait se rendre à Paris pour quelques séances photos pour une ligne de vêtements, en fait de sous vêtements, mais ça, elle l’apprit en arrivant. (Les coquins)
Son père était réticent à l’idée, il avait râlé et insulté le métier.
Il lui disait que c’était un piège pour les petites innocentes comme elle, et que tout ça c’était pour la transformer en putain ou en actrice porno, que ce métier si on pouvait appeler ça un métier, c’était bon pour les catins et les droguées, et que toutes ces filles sur papier glacé, elles ne méritaient pas le pain qu’elles mangeaient. (Ce qui n’empêchait pas ce même monsieur de grignoter un peu sur sa paie pour pouvoir se branler furieusement devant ces images super retouchées sur logiciel, pour avoir la fesse plus ferme, la cuisse plus dorée et la lèvre tentatrice. Bref.)
Monsieur son père lui disait qu’elle ferait bien mieux d’aller se présenter au patron de l’atelier de tissage ou ça embauche toujours, puisqu’elle voulait tant travailler, plutôt que de nourrir des rêves de starlette et qu’elle finirait sur le trottoir avec ses rêves à la con.

Melissa avait beaucoup pleuré et s’était disputé avec son père.
Le soir, elle s’était enfermée dans sa chambre en claquant la porte, bien décidée à partir pour Paris.
Lui, avait quitté la maison en claquant la porte, bien décidé à aller au bistrot.

C’est sa mère qui l’avait aidé à partir. Elle lui avait acheté le billet de train et trouvé un endroit en banlieue ou elle pourrait loger le temps des photos ou plus si elle souhaitait.
Un ancien de la brigade de Valencienne, un homme en qui on pouvait faire confiance, un libanais, je crois que vous savez de qui je parle.
Melissa avait masqué son départ, en prétextant une visite chez sa tante à Tourcoing, sensée lui changer les idées et la détourner de ses rêves.
* Pour ceux qui ne savent pas, lire Impasse des charognards

Son père s’était laissé rouler et n’avait pas imaginé une seconde ce qui se tramait dans son dos.
Sa mère avait beaucoup pleuré à la gare.

-         En quoi consiste votre présence ?
-         Je les accompagne dans des soirées ou des réunions, je suis là pour faire joli comme un beau vase.
« Ou une potiche » pensa Poulu
-         Et où allez vous avez vos clients ?
-         Ce ne sont pas mes clients.
Melissa envoyait un regard piquant à Poulu.
-         Qu’est ce que c’est alors ? dit il en posant ses deux avant bras sur le bureau et en la regardant fixement.
-         Des amis, des relations.
-         Des amis ?
-         Oui des amis, ça vous étonne ? Des gens qui me conseillent, me pressentent, essaye de m’ouvrir des porte, favoriser les rencontres.
« Est-ce qu’elle croit vraiment ce qu’elle me dit ou est ce qu’elle ment ?
Cette fille est bizarre ».
-         Et vous pourriez me donner le nom de quelques amis à vous ?
-         Ah non, ça, surement pas !
-         Oui je comprends, je comprends, ce n’est pas grave, nous avons suffisamment de photos.
-         Excusez-moi commissaire, mais en quoi cela à a voir avec Paul ?
-         Pas grand-chose en fait, j’essaye de faire des liens, de comprendre.
-         Que cherchez-vous à comprendre ?
-         Qui il est, ce qu’il fait, ce qu’il a vu, peut être entendu pour qu’on en veuille après lui.
-         Après lui ?
-         Après lui, peut être.
-         Qui il est ? Paul Denoulet, vingt six ans, nés à Valencienne le même jour que moi, serveur barman au Papagayo. Paul est un artiste qui fait du cirque, mais c’est dur pour lui aussi, le monde des arts est plus fermé qu’ouvert, l’élite est assise sur le bouchon, il a fait l’école du cirque, mais le problème, c’est l’argent, comme tout le monde, alors, tous les deux, on a décidé de prendre un appartement en colocation, comme nous venons du même village et que nous nous connaissons bien, cette solution nous a parue évidente. C’est bien en tant que colocataire que je suis convié ici, non ?
-         Oui, je pensais…
-         Vous vous trompez encore.
-         Vous ne vivez pas avec lui en couple ?
-         Non, Paul n’aime pas les filles.
-         Ah !
-         Ah ! Quoi ? Enfin !
-         Il aime les garçons alors ?
-         Non, Paul n’aime personne à part lui.
-         Et vous ?
-         Moi je l’aime, comme un frère, nous avons 4 minutes de différence d’âge, je suis son ainée.
-         C’est tout ?
-         C’est tout.
-         Vous avez des frères et sœur Melissa ?
-         Non monsieur, c’est écrit dans mon dossier n’est ce pas, alors pourquoi vous me demandez ?
-         Oui c’est vrai. Bien, quelle était la nature des relations que vous entreteniez avec le ministre Testula ?
-         Hein ?
-         Ne faites pas cette tête là, nous avons des photos de vous avec le ministre.
-         Je vous ai dit, je travaille dans une agence, je tiens compagnie
-         Et c’est tout ?
-         Oui c’est tout. Mais qu’est ce que vous croyez à la fin hein ?
-         Rien, je me demandais juste la nature de vos relations.
-         Je n’étais pas sa maitresse si vous voulez savoir.
-         C’est ce que je voulais savoir. Donc, quels services rendiez vous à Testula ?
-         Je ne lui ai pas rendu de services en particuliers.
-         Que faisiez-vous avec lui ?
-         J’étais là, c’est tout.
-         Pourquoi ?
-         Parce qu’un homme politique seul n’a pas beaucoup de chance de faire carrière, il lui faut une compagne, même une fausse, les lecteurs de magazines qui sont les électeurs veulent ça, et moi, je tenais ce rôle.
-         Vous n’avez jamais couché avec Testula ?
-         Dites moi commissaire, c’est une obsession chez vous ? Non je n’ai jamais couché avec lui.
-         En fait vous n’avez jamais couché avec personne si je vous suis bien.
-         Jamais avec mes amis, ni les clients de l’agence.
-         C’est curieux.
-         Je ne vois pas ce qui est curieux monsieur.
-         Pardonnez-moi Melissa, mais vous êtes là avec votre corps de rêve à un demi-million, vous accompagnez toutes sortes d’hommes seuls, charismatiques, fortunés et célèbres, et ceux-ci n’essayent même pas de vous toucher, parce que vous vous restez insensible à leurs avances ?
-         Je n’ai jamais dit ça, seulement il y a un contrat et une norme. La norme c’est « On ne touche pas, propriété privée » c’est comme ça, je n’ai pas l’intention de perdre ma place à l’agence pour une faiblesse d’une part ou de l’autre. C’est comme au musée, on regarde mais on ne touche pas.
-         Je ne vous crois pas, mademoiselle.
-         C’est votre droit, commissaire.
-         Votre ami Paul, avait il des fréquentations régulières ?
-         Je ne sais pas monsieur, en tout cas nous n’avons pas les mêmes, ça c’est sur. Je ne lui connais pas d’intime.
-         Vous vivez avec lui mais vous ne savez rien de lui ?
-         Nous sommes colocataires, nous vivons dans le même appartement, c’est tout, il a sa chambre, j’ai la mienne, nous avons deux salons, et deux salles de bain, la cuisine est commune, nous nous croisons au travail, lui dans la salle, souvent au bar parce qu’il jongle, et moi sur la scène. Quand le Papagayo ferme, il fait sa vie et moi la mienne.
-         Vous ne rentrez pas ensemble ?
-         Non, le bar ferme après le spectacle.
-         Et avant ?
-         C’est pareil, il ouvre avant alors…
-         Donc vous vous croisez ?
-         Ça arrive, nous nous croisons parfois, oui.
-         J’aurais tout aussi put interroger la voisine alors…
-         C’est comme vous voulez, commissaire.
-         Bien, merci mademoiselle, nous nous reverrons.
-         Comme vous voulez, commissaire.
-         Je vous raccompagne.
-         Merci, je connais le chemin.

Melissa quittait le bureau en laissant derrière elle des effluves ou se mêlaient sa subtile odeur personnelle, mêlée à du chèvrefeuille ou de l’orchidée qui laissait Poulu pensif. Il avait pas mal de questions à poser à cette fille, mais mieux valait prendre son temps, ça n’était pas urgent, il avait tout son emménagement à faire pour asseoir sa vie privée, et puis, il fallait qu’il déballe ses cartons empilés dans son bureau, qu’il sorte son ordinateur, et qu’il réfléchisse un peu.

Soudain, une volée de cris et d’injures résonnèrent dans les couloirs du commissariat.
Poulu se leva et se dirigeât vers l’accueil, pour voir la raison de cette cavalcade.
Dans le hall, une vingtaine de filles à demi nue, certaines les seins à l’air vêtues d’une sortie de bain, d’autres exhibant plus volontairement les parties plus intimes de leur anatomie, criaient à l’assassin, au crime et à l’enlèvement.
Une équipe de nouveaux policiers frais débarqués venaient de rafler une maison close, et les jeunes demoiselles n’avaient pas l’air très enchantées d’être dérangées dans leurs activités.
Les hommes de la brigade les traitaient comme du bétail avec des gestes outranciers et une attitude vicieuse, encouragés par les professionnelles les moins farouches qui n’avaient pas peur de provoquer les hommes avec des gestes interdits aux moins de dix huit ans.
Pourquoi ? La loi…. Ne cherchez pas, vous risqueriez d’avoir des ennuis.
C’est toute la frustration des policiers qui apparaissait dans leur attitude, et Poulu dut hausser le ton pour que chacun reprenne un peu de tenue.
Les filles hébétées regardaient autour d’elles avec dédain et consternation, sans vraiment comprendre pourquoi on les avait sorties de leurs salons capitonné aux grandes banquettes rouges et or, dont les doubles rideaux assuraient la discrétion requise à ce genre d’activité aux valeurs sociales indiscutables.
Une grosse femme à moustache, savoureux mélange de Carlos et de madame de Patate (Fontenay) habillée au top classique, et surmontée d’un couvre chef d’un autre siècle avec plumes de paon, aigrette et faux fruits, vilipendait les policiers de sa grosse voix patinée aux cigarillos et au rot Rémois, tout en ordonnant aux filles de ne pas déclarer sous peine de « Djibouti ».
Elle hurlait et exigeait un doigt en l’air d’être « mise en contact immédiatement avec un responsable », refusant selon ses propres termes de s’adresser à des « sous-fifres » qu’elle classait, toujours selon elle, dans la catégorie des « petites merdes ».

-         Je suis le responsable madame.
-         Ah ! Monsieur, c’est un scandale ! Comment peut-on nous traiter comme ça ? Nous avons toujours entretenu les meilleures relations avec vos services, ou est Douyoumdjian ?
-         Vous ne lisez pas les journaux madame ?
-         Baliverne, mensonge et désinformation !
-         Si vous aviez visé quelques quotidiens, vous sauriez que le commissaire à quitté son poste bien précipitamment madame, et vous sauriez en outre que c’est moi qui le remplace.

La femme le regarda avec un vrai visage de surprise, comme vous pouvez en trouver au rayon « aspect » de votre expressionniste favori.
Elle resta figée quelques secondes, Poulu voyait les poils de sa moustache frissonner.

-         Comment ?
-         Je, suis le nouveau commissaire principal.
-         Et bien ! Elle est bien bonne celle là ! Il faut que je vous parle, en privé commissaire.
-         Suivez-moi dans mon bureau.

Ils entraient dans le bureau dont la description se trouve plus haut. La mère maquerelle jeta un coup d’œil circulaire sur le lieu du désastre. Dans son œil unique (l’autre restait de marbre car il était de verre) on pouvait lire la curiosité et le dégout. Elle passa son doigt orné d’une bague avec une pierre noire sur un siège.
Elle le regardait.
Il était propre.

Elle s’assoit lourdement avant même que Poulu ne l’y invite.
Il la regarde avec reproche puis s’installe dans son siège de bureau.
En deux mouvements qui font grincer le fauteuil, la grosse Charlotte s’approche du bureau de Poulu ou elle pose ses deux grosses mains de compteuse de recette et fixe le commissaire droit dans les yeux.

-         Monsieur.

Par reflexe, Poulu retire ses mains de la grande table de travail, il ne veut pas rentrer en contact avec la femme à travers le bois.
Madame Carlos-femme se comporte dans l’office comme si elle était chez elle. A la voir, personne n’oserait parier qu’elle est la suce-specte, normalement donc, en position de faiblesse.

-         Nous avons travaillé correctement depuis des années en bonne entente avec la police et les services de l’état, je ne vois pas ce que vous pouvez me reprocher.
-         Votre activité est illégale madame, la loi du 11 juillet 1975, décrit le proxénétisme hôtelier et prévoit la fermeture des établissements qui…
-         Vous ne semblez pas comprendre, mon cher monsieur.
-         Qu’est ce que je devrais comprendre ?
-         Nous travaillons ensemble, commissaire.
-         Comment ?
-         Nous avons des accords avec les services de police, et depuis de nombreuses années encore.
-         C'est-à-dire ?
-         Vingt cinq pour cent.
-         Pardon ?
-         Nous reversons vingt cinq pour cent de nos revenus au commissaire Douyoumdjian.
-         Vous reversiez, madame.
-         Nous reverserons, monsieur.

Elle le regarde au fond de sa rétine pour voir s’allumer la petite lumière de la cupidité mais, à son grand désespoir, il ne se passe rien, Poulu reste imperturbable.

-         Je ne vous saisis pas, madame.
-         Monsieur, quand le train roule, on peut toujours changer le conducteur, mais on ne peut pas déplacer les rails. Nous travaillons depuis près de quarante ans avec les services de la ville, et tout se passe pour le mieux. Vous assurez la pérennité de notre commerce, et nous, nous nous chargeons d’assurer le confort et la qualité de votre niveau de vie, vous me comprenez commissaire ?
-         Je le crains oui, madame.
-         Vous remettriez en cause nos accords ?
-         Je n’accepterais jamais de tacher mon ordre de mission et de corrompre l’intégrité de mes services, madame.
-         Vous avez l’intention de me causer des ennuis, monsieur le commissaire ?
-         Il y a la loi madame.

La femme approchait sa grosse tête de Poulu.

-         Écoutez-moi bien commissaire.

Elle postillonnait un peu et le pointait de son index. Ce geste incommodait Marcel Poulu, il lui aurait bien cassé le doigt.

-         Baissez votre doigt je vous prie.

Elle ne s’en laissa pas compter.

-         J’ai suffisamment de preuves, photos, films, enregistrements, pour compromettre la moitié des membres, hommes et femmes du gouvernement, de l’assemblée, du sénat, de l’académie, des medias, ainsi qu’une bonne partie de vos supérieurs, mon p’tit bonhomme. C’est pourquoi je vous conseille de bien réfléchir, et de bien peser le poids et le contre poids de vos agissements, machin. Vous ne savez pas ou vous êtes arrivé, monsieur le commissaire nouvellement promu.
-         C’est une menace ?
-         Non c’est une information, coco, pour ne pas que tu perdes ton temps en papelard inutiles, de toute façon, les filles ne causeront pas, et puis, attention à ta place, le zèle mal venu est cause de précoce éjection.
-         Vous ne me faites pas peur madame.
-         Il n’est pas question que tu ais peur, nous sommes tous deux dans un rapport de force, sache seulement que je suis beaucoup plus forte que toi. Il faut juste que tu saches par avance ou vont te conduire des actes irréfléchis, enfant que tu es.
-         Et que devrai-je faire selon vous ?
-         Prendre le temps de la réflexion, monsieur le commissaire.
-         Vous avez raison.

Poulu se levait et attrapait sa veste posée sur le dossier du fauteuil de son bureau.

-         A la bonne heure ! Commissaire Poulu.
-         Je vais réfléchir un peu.

Il ouvrait la porte de son bureau. Derrière, un planton de police était garé pour prévenir une escapade de la suspecte.

-      Allez, embarquez moi ça au frais.

La moustachue était stupéfaite, elle n’avait même pas eut la rapidité d’esprit de sortir une phrase de plus, que Poulu avait quitté la pièce, que l’agent entrait pour la trainer à l’identification. Poulu était à la porte quand il entendit la femme hurler :

-      Vous ne vous rendez pas compte de ce que vous êtes en train de faire commissaire, vous ne vous rendez pas compte !

Il en avait assez pour aujourd’hui, et décidait de renter à l’appartement à pied pour changer de rythme un peu, tout ces gens, ce doigt tendu, ça l’a presque mit en colère.
Poulu était un de plus dans la masse anonyme des piétons de la rue qui s’affairaient à rejoindre leurs domiciles, rendez-vous, les deux bouts.
Le logement qui avait été mis à sa disposition par l’administration était à environs cinq cent mètres du bureau, et Poulu commençait à s’habituer aux divers points qui rythment son itinéraire.
En sortant à droite, le vidéo Club avec ses affiches obsolètes, plus loin, le restaurant Turc avec ses grosses photos de kebabs dégoulinants de sauce blanche et de frites surgelées, et son enseigne lumineuse abimée qui propose KEL.B A TOU.. S HEUR.S
Qu’on pouvait deviner comme :
1.    Chien a toucheur.
2.    Chien pour enrhumés
3.    Chien content toujours
4.    Combat de chiens au sous sol.
5.    Accessoirement : Sandwich typique du Bosphore à n’importe quel quantième temporaire.

Plus loin, la devanture triste du salon de coiffure, avec ses photos jaunies et les vitres salies par les fumées des pots d’échappements. Cent mètres plus loin, deuxième à gauche, le long des grandes façades grises, le « Café du futur » avec son décor rose fluo et vert, et ses trois flippers dont on ne voyait que l’arrière. Il n’y a jamais de client dans le bistrot, seulement quelques rares poivrot affalés sur le comptoir dont un qui ressemblait à s’y méprendre à Pétain.
Première à droite, sur une centaine de mètres, puis la rue de Paradis.
Il traversait et continuait encore cinquante mètres, pour gagner un vieil immeuble avec une belle façade décorée de feuilles d’acanthes. Deux atlas portaient le porche d’entrée. De dehors, ça donnait vraiment bien.

-      Voilà l’immeuble ou l’on loge temporairement les fonctionnaires le temps qu’ils s’installent dans un vrai logement. L’avait prévenu l’agent qui l’avait guidé la première fois.

Cinquième étage sans ascenseur aux escaliers sales et aux couloirs griffonnés de messages, de numéros de téléphones, de quelques dessins pornographiques, certains plus expressifs que d’autres, et d’un mort aux vache sans s. Poulu se retenait de corriger l’erreur.
Une odeur de vieux bois flottait dans les coursives qui auraient eut bien besoin d’un coup de balai, de serpillère et de cirage. La rampe d’escalier collait au doigt d’une matière inconnue, inodore mais poisseuse. La moitié des ampoules des paliers étaient grillées ou inexistantes, et au troisième, une paire de basket abandonnés semblait abriter une famille complète de blattes.
Les marches et planchers craquaient à l’ascension comme un vieil arbre qui n’en finit pas de tomber.
Ça devait être un bel immeuble avant qu’une bande de fonctionnaires en transit ne le parcourent, et prennent un malin plaisir à le dégrader.

Ça sent la maison hantée, surtout le soir ou d’invisibles portes claquent, ou des ombres se faufilent dans les couloirs, et ou un court circuit mystérieux fait clignoter l’ampoule du couloir qui se trouve juste derrière la porte d’entrée de l’appartement qu’ils (anonymes grattes papiers) ont alloués à Poulu.
Vers 23 heures, épuisés d’avoir été piétinés toute la journée, les paliers et marches de bois vermoulus craquent pour reprendre une forme initiale qu’ils reperdent parfois dès le premier pied posé parfois dès 23 heures 01.
Il y a toutes sortes de bruits dans l’immeuble, depuis le sous-sol au toit, et une canalisation claque comme si un mystérieux prisonnier des caves, tentait de communiquer en morse avec un éventuel sauveteur.

En fait, c’est une bonne stratégie de la part de l’administration de loger les gens là dedans. Au moins, une chose est certaine, personne ne va prolonger son séjour plus que l’utile. Il faudrait être fou ou sérieusement masochiste pour poser ses valises dans ce cloaque plus longtemps que ne l’impose les événements.
La moitié des logements sont vides, donc habités par la vermine, l’autre moitié est occupée par une autre sorte de parasite, l’humain. Celle-ci, caractéristique du monde animal, est plus sale, bruyante et incivique.
Ses rejetons tarés font hurler leur chaine hifi de chants de haine contre la société. La femelle du groupe, crottée, utilise le puits central d’aération comme un vide-ordure sans fond, et le male incontinent, urine dans l’escalier de la cave, ou fait passer des messages à sa famille, depuis le rez-de-chaussée jusqu’au dernier étage, en hurlant comme un damné de l’enfer.

Arrivé devant la porte de l’appartement, Marcel sort sa clé et ouvre la porte branlante à laquelle il manque un gond en bas.
Le logement est vide, car madame parcours la ville à la recherche d’un lieu ou ils pourraient y poser ce qu’ils ont sut conserver le leur amour.
L’appartement est conforme à la montée d’escalier, vieux et abandonné aux naufragés.
Les murs sont recouverts de trois couches de papiers peint ou, aux endroits ou ils n’ont pas tenus, on devine les murs ou les enduits sont maintenant secs après avoir moisi l’hiver.
A certain endroits, surtout autour des fenêtres, les lès de cache-misère sont gondolés d’avoir condensé toute l’humidité du courant d’air, puis séché.
Meublé du strict nécessaire et d’un peu de superflu évoquant vainement l’abandon, l’appartement porte de nombreuses traces de passages et toutes sortes d’objets aussi parfaitement inutiles que laids, que l’on ne se résout jamais à jeter, préférant l’abandon, et délaisser à un autre l’odieuse tache d’en débarrasser la surface du globe pour toujours.
On y trouve une collection d’assiettes en plastique imitant un service d’assiettes de châtelain couvertes de scènes de chasse et de paysans au travail, une fausse marmotte mitée, portant sous ses pieds une plaque « Souvenir de Modane », un panier de tiges sèches séquelle d’une décoration de plantes et d’herbes séchées, fabriquée par mamie Claude le 12 juin 1989, à l’occasion d’une promenade en forêt des mouches de Tertur, une pendulette sans petite aiguille ornée d’un ange décapité en plâtre couvert de peinture or, une horrible poupée espagnole à qui une petite fille cruelle à arraché les yeux, une coupelle garnie de pièces de centimes de francs qui trouverons à nouveau de la valeur dans cinq ou dix mille ans, et aux murs, deux tableaux d’une laideur sans égale, réalisés par un illustre anonyme sans don, mais garni d’un ego et d’une autosatisfaction telle, que sa signature recouvre à peu près un huitième de la surface du gribouillis.
Le premier représente une tête de berger allemand (le chien) peut être après un gazage, et l’autre, une tête d’oiseau à vous passer l’envie de devenir ornithologue de peur de le rencontrer pour de vrai. Le genre de toile que l’on peut mettre sur Ebay en étant presque sur de ramasser deux sous versés par la société de télématique qui serait bien capable de vous payer pour que vous alliez la mettre en vente chez Aucland.
Une grande table bancale dans le centre du salon, deux chaises aux assises et dossiers tressés de plastique rouge, et un meuble de salon en formica et verre de couleur blanc sale achèvent le lieu.
A coté, une cuisine que l’on nomme joliment « kitchenette » est empestée des miasmes du puits-poubelle et dont l’utilisation du robinet d’eau froide, permet une réponse au mystérieux prisonnier de la cave, en faisant claquer si fort la tuyauterie, que l’on voit le tuyau bouger. Le robinet d’eau chaude déverse un jus rougeâtre et malodorant, dans un évier au relent d’urinoir public, sous lequel se trouve un placard abandonné aux insectes et rongeurs, organisés en chaine alimentaire.
Depuis le salon, un couloir s’étend desservant deux chambres dont une devait servir de chenil tant l’odeur d’urine, de poil, de transpiration et d’excrément canin y est forte. L’autre, moins pire, est décorée d’un grand poster de deux mètres sur trois, représentant un paysage qui doit être la Baie d’Along, avec des montagnes seules et quelques jonques, ou l’artiste illustre a, un soir d’inspiration sans égal, rajouté un guerrier avec sabre et bouclier, dont la mise à l’échelle donnerait un individu d’une centaine de mètres de haut. Il est flanqué d’un cheval nain à qui il manque les oreilles. Dans la pièce, observons un grand lit au matelas moucheté d’auréoles, mémoires d’incontinent, et de traces de sperme et de règles abondantes, sur lequel les Poulu ont disposé deux alèses les unes sur les autres, en attendant que leur propre matelas arrive avec les déménageurs au garde meuble, ou de s’installer dans leur appartement définitif.
L’intégralité du lieu est recouverte de linoleum, sous lequel on entend craquer à chaque pas ce qui fut le plancher.
Au dessus de leurs têtes. Lorsqu’ils sont allongés, le couple peut observer le plafond décrouté qui laisse deviner le plancher de l’appartement situé au dessus, heureusement vide, ceci leur donne à réfléchir sur l’état du sol ou ils posent leurs pieds inconscients.
Attenant à la chambre, une champignonnière odorante fait office de salle de bain.

Marcel s’allonge sans se dévêtir pour une tentative de sieste, en attendant sa femme.
« Pourvu que Denise ait trouvé un appartement aujourd’hui » Se dit-il en fermant les yeux.

Denise arrive une heure plus tard. C’est le bruit de la porte, je dirais même, c’est le cri, le hurlement, le viol de la porte qui le réveille. Elle a l’air extenuée et excitée à la fois (Denise, hein, pas la porte)
Marcel se lève rapidement pour embrasser sa concubine.

-      Bonjour.
-      Bonjour ma chérie, Alors, du nouveau ?
-      Non, j’ai visité six appartements aujourd’hui mais aucun ne me plait vraiment. Trop sombre, trop petit, trop grand, trop bruyant, trop vieux et trop cher. J’ai rendez vous demain pour six autres, je sens qu’on approche.
-      Ce serait bien qu’on en trouve un rapidement c’est lugubre ici.
-      Oui c’est ça !
-      C’est ça quoi ?
-      Lugubre, j’ai cherché toute la journée. Est-ce qu’on peut dire pathétique pour un appartement ?
-      Oui et non, pathétique, ce serait plutôt notre situation. Pour l’appartement, on pourrait dire glauque aussi ce qui veut dire vert.
-      Tu ne manques jamais de terme toi !
-      Tu devrais faire des mots fléchés ma chérie, ou des mots croisés.
-      Oh non, j’ai horreur de ça c’est pour les vieilles ! Et puis toutes ces cases blanches à remplir ça me stresse. On va diner ?
-      Quelle heure est-elle ?
-      Il est vingt heures.
-      Je vais me débarbouiller, et on y va.
-      Moi aussi je veux me changer, tous ces bus, ces métros, c’est sale Paris quand même, tu ne trouves pas ?
-      Comme toutes les villes.
-      Tu m’en veux ?
-      Non je ne t’en veux pas.
-      Tu m’aimes ?
-      Toi non plus.
-      Ou veux-tu diner ?
-      Je ne sais pas.
-      Une pizzeria ça te vas ?
-      Si tu veux.
-      Et bien, allons pour la pizzeria. Il y en a une pas très loin, je l’ai vue en revenant, c’est ça qui m’a donné l’idée.
-      Je suis prêt, on peut y aller si tu veux.
-      Attend une minute que je finisse de me changer. C’est embêtant de ne pas avoir toutes ses affaires, n’est ce pas.
-      Ou ce n’est pas agréable de ne pas se sentir chez soi.
-      Tu dis ça pour Paris ?
-      Mais non, mais, non.

Marcel ne voulait pas le dire mais évidement que c’était pour Paris. Quitter les bords de la Loire avec ses petits coins tranquilles pour voir passer les belles barques au rythme du fleuve poissonneux et propre, pour une seine odorante, grise, sale, parsemées de taches d’huile ou de gasoil, enfermée dans ses quais de béton et encerclée de goudron. Abandonner la tranquillité d’une vie réglée d’un statut de dirigeant conciliant et respecté, connu de tous, presque notable dans sa petite ville bourgeoise de province, pour l’anonyme effervescence bruyante de la capitale. Leur joli pavillon pour un appartement miteux, et leurs restaurants favoris pour des pizzerias de quartier, bien évidement que ça n’était pas agréable de ne pas se sentir chez soi.

Arriver dans une ville que l’on ne connait pas, et qui à première vue ne vous plait pas, ou tout, depuis les constructions, le rythme et l’odeur, vous incommode, ou la vue que l’on a depuis la fenêtre de son lieu de travail n’est pas agréable, et ou même le travail lui-même se présente sous de mauvais auspices, ne présente pas les conditions dans lesquelles ont peut se développer et trouver son rythme, son équilibre et pourquoi pas du plaisir, vraiment non, Poulu n’est pas au meilleur de sa forme.

Aujourd’hui, il a senti une odeur de brulé et de moisi en mettant les pieds dans le bureau du commissaire Douyoumdjian et il pressentait que ça ne venait pas que des murs, qu’il n’était pas au bout de ses surprises. Ça n’était pas un petit joueur le commissaire, et ses compagnons non plus on dirait bien. Toutes ses aventures du jour avaient eut le temps de trotter dans le crane de Poulu pendant qu’il faisait la sieste, et ça avait bien fait trois lieues, d’ailleurs ça trottait encore un peu, mais Marcel allait mettre tout ça a l’écurie le temps du repas avec Denise.

Au début de leur mariage, ils s’étaient bien entendus. Le travail, c’est de l’autre coté de la porte.
Pas de bureau à la maison, de groupe de vingt, aucun dossier, papier ou collègue, pas de discutions à râler à propos d’une chose ou d’une autre ou a faire des échafaudages concernant tel ou tel sujet professionnel qui ennuyait profondément le ou la partenaire, et qui, selon eux, nuisait plus au couple qu’il ne lui apportait quelque chose de positif. A tours, ils avaient fait une exception pour Jules Goumoux, un inspecteur, parce qu’ils se retrouvaient tous les trois au foyer rural pour le cours de Bonsaï.

Pour le reste, ils avaient leurs amis communs, rencontrés dans des activités extérieures à leurs travails respectifs.
Marcel et Denise cultivent un même amour, c’est pourquoi ils l’ont serré dans un étau et font en sorte de tenir leur bonheur en l’état. Ils se sont crées toutes sortes de petites habitudes qui font le ciment du plaisir qu’ils ont à être ensemble, et pour l’instant, à part ce triste épisode parisien qui gène surtout Marcel, ils s’en sortent plutôt bien.







Chapitre 8
Le Papagayo Private

Vingt heures, Melissa arrive au Papagayo ou elle passe quatre fois un quart d’heure. Une fois à vingt et une heure, une fois à vingt deux heures, une fois à vingt trois heures et encore une fois à minuit.
Dans sa loge aux grands portants chargés de costumes de danseuse et aux murs tapissés de photos d’artistes en vogue, une vingtaine de bouquets de fleurs et de compositions plus ou moins réussies sont installées sur une table à droite et remplissent l’air de leur odeur neutre de fleuriste. A gauche de la table, il y a un grand miroir rose, cerclé d’ampoules, situé au dessus de la coiffeuse ou elle se maquille. Au pied des bouquets, sont disposés de nombreux petits cadeaux.
L’ensemble constitue un appât à danseuse, les hameçons étant symbolisés par des cartes de visite attachées par une agrafe au ruban des cadeaux ou au papier glacé des bouquets.
Melissa trie les cartes de visite en fonction des cadeaux, C’est son premier travail de la journée en arrivant dans sa loge. Elle regarde les bouquets par curiosité, on ne sait jamais, mais elle a pris l’habitude de ne pas s’attacher la présence d’homme à fleurs qu’elle juge trop collants, ou frisant un romantisme écœurant, de plus, il y a en moyenne une chance sur dix qu’il n’ait pas composé le bouquet lui-même. Elle considère plutôt qu’un cadeau, un objet, peut mieux révéler un peu de la personnalité du propriétaire de la carte de visite.
Dans son musée personnel des cadeaux les moins propices à créer une relation, on peut voir, entres autres, 9 cravaches, 17 paires de menottes, 11 colliers et laisses pour gros chiens, 5 paquets neufs de boules de geisha non déballées, 6 complets cuir, diverses pinces à seins, chainettes, et un sécateur.
Cette fois ci, dans la nouvelle fournée, un cadeau la fait sourire. C’est un joli percolateur domestique rose, avec deux doses de café dorées, et une carte de visite qui dit :

« Auriez-vous le temps de prendre un café avec moi ? »
C’est signé JFC avec un numéro de mobile.

Melissa met la carte de visite dans son petit sac à main ou se trouve déjà son téléphone, ses produits de maquillage, un jeu de clés, un mini album photo, un paquet de cartes de visite à son nom portant sa photo, quelques tampons hygiéniques et une bombe anti agression, en se promettant d’appeler demain.
Ensuite, comme à son habitude, elle se déshabille, se maquille le corps, se coiffe, revêt ses sous vêtements à paillettes, un ensemble en voile transparent, ainsi que de grandes chaussures à talons pailletées elles aussi.
Ainsi vêtue, elle rejoint les autres filles dans la pièce qui leur est réservée pour s’échauffer ou se détendre entre chaque passage selon leurs habitudes personnelles. C’est une grande pièce d’une soixantaine de mètres carrés garnie d’un grand miroir et d’une barre fixe avec, dans un coin, un salon composé de trois canapés, d’une table base en verre et d’une cuisine américaine garnie d’un réfrigérateur.
Melissa se met à la barre pour ses exercices d’échauffement, d’autres filles s’échauffent au sol sur des tapis, certaines s’échauffent sur les canapés au whisky et à la cocaïne.
Chacune à son style, seul le résultat compte.

Pendant ce temps, Marcel et Denise se dirigent vers le lieu de leur repas de ce soir.
Là, curieux, je vous entends.
Qui est Denise ? Que fait-elle de ses journées ?
Et bien voila.
Denise est guide interprète international. Utilisant ses contacts, elle a trouvé une place au musée du Louvre ou elle doit commencer dans une dizaine de jours. Elle remplacera une femme qui part en congé parental, et qui guide actuellement dans la section égyptienne.
Pour l’instant, Denise passe ses journées entre le musée et différentes bibliothèques pour préparer ses fiches, et la visite d’appartements pour y mettre ses affaires et son mari.
Bien que l’actuelle guide ait une visite déjà rodée, Denise ne tient pas à la reprendre.
Elle a pour habitude de ne pas travailler avec la base des autres, parce qu’on a vite fait de reproduire des erreurs à l’infini, et puis elle a sa façon très personnelle de guider, mêlée d’humour et de sérieux, ce qui donne un rythme très particulier et pédagogue à ses interventions, quelque soit le sujet à propos duquel elle doit intéresser son public.

Denise à rencontré Marcel à Tours.
A l’époque, il était trésorier du foyer rural, et l’a remarqué à l’occasion d’une assemblée générale ou elle représentait exceptionnellement la responsable d’un atelier. Cette dernière était en train de piétiner sur un carrelage dans une salle d’attente pendant que sa fille accouchait.
Marcel avait tout de suite été troublé par cette femme, et avait fait sa petite enquête personnelle.
A Tours, Denise avait de drôles de copines.
La première fois que Marcel les a vues, directement, il a pensé à des tueuses de maris. Il n’avait évidement pas encore épousé Denise, qui, par ailleurs, était mariée et veuve deux fois. C’était sa vraie première rencontre en dehors de la réunion, et Marcel avait été ébloui par Denise.
Il a mit près de trois mois pour établir une relation d’amitié avec elle.
Le fait que Denise soit veuve deux fois l’a ébloui. Il s’est dit « Voila une mante religieuse, une étripeuse de concubin, le genre de femme avec qui on passe : De bons moment, ses journées au lit, devant le maire, chez le notaire, de vie à trépas ».
Il était bien placé pour le savoir, il suffisait de regarder son dossier.
Ses deux maris précédents étaient morts par accident.
Le premier avait fini écrasé par sa voiture pendant qu’il travaillait dessous. Quand le cric a lâché, la voiture a aplati le bonhomme.
On n’a pas remarqué la présence de calles sous les roues, el les agents avaient trouvé ça suspect. Denise n’était pas sur les lieux du crime ce jour là, elle était à l’atelier cuisine du foyer rural avec ses copines.
Le deuxième mari est mort en glissant dans les escaliers de la cave. On l’a retrouvé démembré, gisant un pied derrière la tête. Denise était chez son dentiste, un homme charmant qui la réconforta, et qu’elle épousa quelques mois plus tard.
C’est ce dernier qui mourut électrocuté en tentant lui-même de réparer son grille pain. Au même moment, Denise était au commissariat de police avec Marcel pour une histoire de dégradation de nains de jardin.
Directement, Marcel s’était dit qu’elle avait liquidé son bonhomme pour lui faire une place à lui, et ça lui avait fait plaisir. L’enquête a vite conclu à un accident domestique par mégarde.
C’est Marcel qui avait mené l’enquête. Évidement, le coup était bien calculé, et ça paraissait vraiment pour un accident. Même en cherchant bien, pas un seul indice ne laissait à supposer que l’homme avait été assassiné, tout était trop bien préparé. Peut être le fait que Denise ne versa pas une larme et qu’elle ne porta pas le deuil aurait put être une raison suffisante pour insister un peu. Avec un interrogatoire un peu serré, il est possible qu’elle ait avoué quelque chose, mais Marcel avait été tellement impressionné par sa capacité à organiser les disparitions de ses époux qu’au delà de son physique, c’est son cerveau à vingt ans ferme avec quinze ans de sureté qui avait fait vibrer la corde sensible du policier.
Dès lors, il s’était inscrit aux cours de cuisine.
A la première leçon à laquelle participa Marcel, on apprenait à faire une salade. Ça se passait dans la cuisine du foyer rural. Le cours était bien organisé sauf que le lieu manquait de plans de travail. La semaine suivante, Marcel était intervenu pour ajouter quelques espaces plus ergonomiques. Ça avait beaucoup plut à tout le monde, ce qui lui permit de faire sa place en tant qu’homme au milieu du groupe composé uniquement de femmes.
Durant plusieurs semaines, il s’était rendu aux leçons.
L’animatrice du groupe, une grande femme de près d’un mètre quatre vingt en d’environs quatre vingt dix kilos était une rousse au visage sévère, coiffée d’une longue natte. Ses yeux verts sous ses paupières toujours à demi fermées, semblait percer votre mémoire pour en tirer ce qu’il y en avait de plus noir, et de mieux caché, pour pouvoir, toujours sans un mot, vous les renvoyer à travers ses yeux de chats endormis. Elle mettait indéniablement mal à l’aise sauf quand elle ouvrait la bouche. Sa voix comme un chant de sirène, berçait l’âme et aurait pour attendrir le plus fanatique ayatollah iranien, c’est dire, ça faisait quand même bizarre.
Elle était veuve trois fois elle aussi, et avait une façon de tenir son couteau d’une manière tout à fait assassine. Marcel c’était dit que elle, elle devait agir à la main.
Personne ne savait qu’il était commissaire, sauf Denise, lui n’avait rien dit, savoir si elle avait prévenu ses copines reste un mystère pour lui. Il ne posa, et ne posera jamais la question à sa femme.
Un jour, l’atelier proposa comme thème : Le découpage du mouton.
La grande rousse avait commandé un mouton entier à l’abattoir. Il avait été livré directement dans la cuisine.
Quand Marcel vit de quelle manière l’animatrice du groupe maniait son couteau, et avec quelle facilité elle découpait et désossait la bête, il ne put s’empêcher de penser au troisième mari qui avait tout bonnement disparu. Il s’était dit « Elle l‘a découpé en morceau ». C’était évident. Mais là encore, pas de preuves, et puis le dossier était fermé, donc, pas de raison de chercher des histoires aux copines de Denise
Il y avait une autre femme à l’atelier, avec un air de vautour affamé.
Une femme maigre, un peu voutée car longue, avec un cou très fin. Marcel l’a toujours vue habillée en noir et blanc. Elle avait le visage marqué sous sa peau sèche, et l’on voyait bien la surface de son cuir chevelu sous ses cheveux durs et parsemés. Ses pommettes et mâchoires étaient proéminentes sous sa peau tendue, et ses yeux noirs étaient enfoncés sous ses orbites cernés. Il semblait qu’elle n’avait pas de chair, seulement une vieille peau sur un squelette aux jointures et extrémités saillantes.
Marcel s’était dit que s’il était vraiment au fond de la cambrousse, dans ces petits villages isolés au fond de vallées encaissées ou paumés au milieu des prés, et que ses enfants s’étaient blessés sur le parquet de chêne, c’est elle qu’il appellerait.
Elle avait l’allure de ces femmes qui enlèvent les échardes dans les doigts des gosses.
De ces femmes qui percent les furoncles, celles qui peuvent entendre un gamin hurler de souffrance pendant des heures sans cligner de l’œil. Une espèce de vautour humain.
En tout, une demi-douzaine de femmes suivait assidument les cours de cuisine, mais, même ensembles, les copines de Denise, c’étaient des solitaires.
Et puis, il y avait Denise au milieu de cette faune.
Elle ne faisait pas tache, sauf qu’elle était belle. Sa tête un peu ronde, son petit nez, son sourire généreux et communicatif, ses yeux coquins encadrés par ses cheveux blonds coupés au carré, sa petite fossette au menton mettaient bien sa personne en valeur. Elle avait un beau corps de femme qui n’a jamais eut d’enfant, et puis des mains fines, délicates, avec des gestes surs et mesurés, ses doigts agiles couverts de bagues, et à son annulaire droit, trois alliances. Comme un tableau de chasse.

Bien sur, pour un commissaire de police, ce n’est pas ce genre de femme qu’il aurait dut mettre à son coté, mais l’amour, le cœur a ses raison que la raison ignore, n’est ce pas ?
Il y eut nombre de poètes depuis l’invention de l’écriture, pour expliquer et excuser toutes les situations amoureuses, même les plus extravagantes.
De plus, Denise est quelqu’un avec qui on passe des heures agréables. C’est une femme cultivée, sociable, pleine d’humour et avenante. Elle est courageuse et volontaire, affirmée et discrète, elle est toujours occupée mais dispose toujours de temps à partager avec Marcel. Lui-même à pour priorité de satisfaire aux plaisirs de sa femme, et a la courtoisie concubine qui est la marque de respect la plus élémentaire pour un couple comme le leur.
Ces marques sont : s’effacer devant elle, ouvrir et tenir la porte ou portière du véhicule, proposer sa main s’il le faut ou son bras, tirer la chaise à table au restaurant, trouver toujours un sujet de conversation agréable, et éviter les conflits bien évidement.
Denise n’a qu’une seule mauvaise habitude, elle tend toujours les couteaux pointe vers l’avant quand elle les passe à quelqu’un, même à Marcel, et il s’était dit un jour que si jamais elle essayait de le tuer, ce serait au couteau, immanquablement.

Ils étaient à la « Pizzeria Vesuvio » avec des nappes à carreaux rouges et blancs, des photos de Pise, Rome, Venise, Florence et Naples contre les murs, le volcan était le Stromboli. Il y avait un grand four à pizza alimenté au feu de bois au milieu de la salle, et sur la table, un bouquet de fleurs en plastique, des salières et des poivrières presque vides, deux verres ballons et deux couverts mal essuyés Il n’y avait pas de serviette pour finir le travail du plongeur négligent et du serveur inattentif.
Elles arrivèrent avec le pain dans des corbeilles tressées qui devaient venir de chez un soldeur ou un fleuriste.
Ils commandèrent une reine pour Marcel et une quatre saisons pour Denise, un demi-chianti, et pour attendre, une salade mixte pour deux. Marcel et Denise ont pour habitude au restaurant de toujours commander un plat ou un dessert qu’ils mangent ensemble au milieu de la table, posé entre les verres, un rituel d’amoureux.
Le serveur leur amena aussi des gressins et de la tapenade. Ils étaient les seuls clients du restaurant dans la salle duquel étaient dressés une vingtaine de tables.
La salade était bonne, bien propre et fraiche, et les oignons coupés en rondelles fines faisaient un joli décor dessus. La sauce était à l’ail et à l’huile d’olive italienne, car douce.
C’est le patron qui leur amena les pizzas et qui leur souhaita un bon appétit.
Elles étaient énormes et fumantes, parfaites. La pate avait bon gout. Elle était bien fine et légèrement croustillante, la sauce tomate était maison c’est sur, elle n’avait pas cette pointe d’amertume qu’on les autres. Les ingrédients bien repartis et frais étaient uniformément recouverts d’une fine couche de fromage filant qui crépitait encore quand les assiettes arrivèrent à table, livrées par le sympathique moustachu vêtu de rouge et de blanc comme un jockey aux couleur de Monaco. Ça embaumait l’Italie. Denise et Marcel étaient aux anges (Al angeli) ils avaient dégotté une bonne adresse.
En dessert, ils commandèrent un tiramisu et une panna-cota que le patron leur porta, accompagnés d’une bouteille de limoncello maison qu’il abandonna sur la table après leur en avoir servi deux verres. Marcel et Denise se resservirent une tournée supplémentaire, demandèrent l’addition et payèrent.
Le patron les saluât d’une poignée de main amicale en les raccompagnant à la porte, et ils ne manquèrent pas de lui faire part de leur contentement.
Ils reviendront c’est garanti.

Pendant ce temps, Melissa dansait autour d’une barre torsadée sur une estrade qui s’avançait dans la salle ou étaient attablés une dizaine de clients, les pires, les seuls. Ceux qui passeront la nuit à boire et à regarder les danseuses avec leurs yeux avides au début de la soirée, puis jaloux du regard des autres au milieu, et enfin brumeux de whisky et de fantasmes à la fin.
Ceux que, par habitude, les employés raccompagneront à la sortie après avoir pompé avidement leurs cartes de crédit, et qu’ils laisseront ivres d’alcool et de solitude sur le trottoir devant la porte fermée et les néons éteints.
Pour l’instant, dans la salle embrumée de fumigènes, de cigarettes, de sécrétions hormonales et d’effluves d’alcool, Melissa se dandine au son d’une musique aux intonations érotiques rythmée par une basse et des jeux de lumières.

Melissa n’est pas là tous les soirs.
Comme les autres filles, elle a annoncé sa venue par téléphone, aux alentours de dix huit heures.
Le club embauche vingt danseuses par soirée, il y a cinq filles qui dansent en même temps, quatre fois un quart d’heure. Celles qui appellent après la vingtième n’ont pas de travail, et ne touchent donc pas les deux cent cinquante euros assurés par l’entreprise.
Le Papagayo a un peu plus d’une quarantaine de filles qui tournent pour lui, et beaucoup de client de tous les styles, mais avec de l’argent.
Les consommations sont à vingt euros quelque soit le choix du client, et elles doivent êtres renouvelées toutes les demi-heures. Pour les non habitués, l’entrée est à cinquante euros avec une boisson. On peut y diner d’un menu unique, le même depuis l’ouverture du club : Salade de mesclun et friand au fromage (décongelé), entrecôte maitre d’hôtel (sous vide) et garniture de petit pois et carotte (en boite) frites (surgelés), dessert glacé. Pour cinquante euros.
Peu de client viennent pour manger, la majorité vient ici pour boire, passer une bonne soirée après une réunion de conseil d’administration ou une longue séance à l’assemblée, regarder les filles qui dansent, fantasmer, en quelques mots, se détendre.

C’est Douyoumdjian qui a amené Melissa ici. A ce qu’elle savait à l’époque, il avait un morceau de la boite, et c’est lui qui tenait le business de la cocaïne, de l’extasy et du viagra. C’est le commissaire qui avait présenté Melissa au patron et qui avait insisté pour qu’il l’embauche.
A l’époque, elle n’avait pas encore modifié son corps, c’était déjà une jolie fille mais pas autant qu’aujourd’hui.
Au début, quand Melissa est arrivée à Paris, c’était une fille tout juste au dessus de la moyenne, jolie, mais pas plus. Elle transportait avec elle un accent du nord à couper au couteau et une démarche peu gracieuse.
Douyoumdjian la traitait comme sa fille.
Le brave commissaire lui avait trouvé des cours de danse, de chant, d’expression corporelle et de diction. Melissa crut comprendre qu’il devait quelque chose à sa mère, mais elle ne sut jamais quoi. En tout cas, il faisait tout son possible pour lui rendre la vie agréable et pour faciliter son quotidien.
Il l’avait placé dans l’agence d’escorte dont il faisait aussi partie en tant qu’actionnaire, et lui avait trouvé l’appartement ou elle logeait.
En échange, elle l’informait de ce qu’elle voyait, entendait et elle lui rendait quelques services en s’occupant de faire les courses qu’il lui demandait.
Lorsque Testula était venu la trouver au club pour qu’elle aille voir le détective à sa place, elle le connaissait déjà bien. Testula aimait tellement les femmes, et peut être Melissa, que c’en était son point faible. Il lui racontait toute sa vie, ses secrets de travail et ses extras avec toutes sortes de gens pas très clairs mais qui allaient l’aider à devenir le chef de l’état, disait-il.
Un peu comme pépère se confie à mémère à la maison, il lui racontait ses soucis, ses doutes, ses espoirs, ses projets, envies, désirs, rêves, combines, tout, sans secret. Il lui caressait longuement les cheveux et puis après, ils faisaient l’amour.
Si Testula était encore là, peut être qu’ils auraient fini par se marier.
Après tout, pour devenir président, c’est mieux d’être marié.
Beaucoup de choses avaient changé depuis peu. Testula avait disparu en même temps que le commissaire Douyoumdjian et qu’un certain Camillo Cornelli dont elle avait vaguement entendu parler, mais dont l’existence était baignée de mystère, jusqu'à ce que ce nom soit le centre de toutes les discutions un mercredi bourguignon.
Avec un peu de recul, elle y voyait plus clair, et était persuadée que tout cela était lié.
Douyoumdjian avait insisté pour qu’elle prenne contact avec le ministre pour se glisser à nouveau dans son lit, quand elle lui avait annoncé que Testula était à la recherche d’un document qu’un homme proche du ministre avait égaré dans un avion dont elle ne se rappelait pas le nom, et que, lorsqu’ils étaient allés fouiller l’avion, ils n’avaient évidement rien trouvé.
Le commissaire, apprenant la nouvelle s’était mit à transpirer abondement et à baver un peu. Le bouquet, c’est quand elle lui annonça que l’homme mystérieux avait décidé d’embaucher un détective privé, et que Testula voulait le court-circuiter en espionnant le détective pour saisir l’occasion au vol, et prendre possession du document au nez et à la barbe de tous.
Là, le gros libanais avait dut changer de serviette à main pour s’éponger tant il dégoulinait d’excitation.

-      Il va falloir bien travailler ma petite chérie, avait-il dit à l’intention de Melissa, ouvrir grand tes yeux et tes oreilles, et bien mémoriser tout ce que tu vas croiser comme informations, et si tu travailles bien, tu l’auras ton rôle au cinéma, on fera un film rien que pour toi, tu y prendras le premier rôle, ça je te le promets ma petite chérie, tu me crois n’est ce pas ?

Melissa avait fait de son mieux pour contenter son mentor et, malgré tous ses efforts, il avait disparu, et maintenant, elle était toute seule, sans personne, sauf des cartes de visite.
Ce soir, elle dansait comme d’habitude, l’esprit ailleurs car il faut manger.
Elle voulait changer, elle y pensait depuis que tous avaient disparu, elle y pensait encore plus depuis les réflexions du commissaire tout à l’heure.
Mais pour l’instant, hors de question.

A la ferme, à l’occasion de la visite chez le peintre Cloc avec son ami l’architecte, elle regardait par la fenêtre et réfléchissait.
Est-ce qu’il fallait qu’elle abandonne ses rêves et ses espoirs ? Qu’elle retourne dans le nord, dans leur petite maison au milieu des prés et des champs ? Dans cette famille, la sienne, qu’elle a délaissé depuis toutes ces années.
Est-ce qu’il fallait qu’elle s’accroche à son cher architecte qui lui aussi visiblement avait perdu tout ce qu’il possédait en même temps que tous ceux qui étaient présents ce jour là ?
Devait-elle envisager d’épouser le premier fortuné venu ?
Il faudrait repartir à zéro, encore…
C’était trop beau cette fête, ce faste, le spectacle du bateau, le feu d’artifice sur la cote d’azur. C’était presque prémonitoire, le bouquet final pour tous.

Melissa avait fini son quart d’heure et quittait son podium troublée par ces questions intérieures et par une hallucination.
Un moment, dans sa danse, les lumières lui avaient donné l’impression de voir Douyoumdjian à la place ou il s’installait d’habitude.

Presque tous les soirs, il était là, et la regardait danser. Ce soir, elle ne comprenait pas pourquoi, mais elle c’était aperçue qu’en fait, c’est pour lui qu’elle dansait tous les soirs depuis presque trois ans. Ce soir, elle s’était aperçue que ça ne servait à rien, qu’elle aurait tout aussi put danser devant une salle vide, ou bien ne pas venir, que ça n’aurait rien changé, que tout ça, c’était du temps perdu et qu’il n’y avait désormais plus rien à en tirer, qu’elle n’irait pas plus haut que là ou elle était maintenant, et qu’il lui fallait changer. C’était une question de survie.
Elle avait décidé, maintenant, elle prendrait ses affaires et quitterait Paris ce soir pour toujours, non, pas Paris.
Elle avait décidé, elle prendrait ses affaires maintenant, et ne reviendrait plus jamais au Papagayo.
Puisqu’il faut tourner la page, autant l’arracher pour ne plus jamais la voir.

Que fait l’architecte ?
Et s’ils allaient manger dans un restaurant tous les deux ? Sortir quelque part, loin du regard des gens du club, un diner aux chandelles ou elle pourrait lui dire oui à la question qu’il lui a souvent posé mais qu’elle faisait mine de ne pas entendre.
Elle tente un appel sur son portable mais il se perd sur une boite vocale.
Elle est dans sa loge et se regarde dans sa glace de star et n’y voit qu’une pauvre petite fille seule dans sa tenue de tristesse.
Elle n’a plus rien à faire ici, plus de mentor, Paul n’est pas au bar, tout est triste et laid. Son esprit est brumeux, il plane dans l’air quelque chose de malsain, une odeur de désespoir et d’abandon.
Elle attrape son sac et sort par derrière.
Elle marche seule.
Dans la nuit, la ville est grise, le son sourd des voitures, l’odeur qui s’échappe des aérations du métro, l’odeur du béton et du trottoir, la fumée d’un autobus qui démarre, tout ça la fait renifler encore et encore.
Bientôt, ses reniflements se transforment en soupirs, puis viennent des petits spasmes qui l’agitent et elle pleure en se mettant à courir pour rentrer chez elle.
Arrivée à son appartement, elle se jette sur son lit, et c’est là, entre deux crises de larmes, qu’elle s’aperçoit qu’elle ne s’est pas changée.
Dans les rues de Paris, cette nuit là, une jeune étoile brillante de milles paillettes couverte du voile d’une princesse improbable, avait glissé dans les rues sombres, pendant qu’au même moment, Marcel finissait sa Panna-cota et que le Papagayo explosait.







Chapitre 9
Le « Boss »

Il ne restait plus rien du Papagayo.
Juste une grotte noire, une bouche d’enfer, qui s’enfonçait sous un immeuble brulé et à demi en ruine, au milieu d’une rue jonchée de verre et de ce qu’il y avait dans la boite qui en avait été expulsé comme d’une pochette surprise.
Le souffle de l’explosion avait déménagé tout ce qui se trouvait dans le bar et qui n’était pas fixé au sol ou contre les murs.
Les objets propulsés comme d’un canon, étaient allés s’écraser sur la façade en face du club, en formant un tas à semi carbonisé. D’autres s’étaient introduits dans l’immeuble par la porte et les fenêtres, et commencé à répandre un incendie au rez-de-chaussée et au premier étage.
Plusieurs voitures, elles aussi garées devant le club, avaient été projetées de l’autre coté de la rue. En tout, ce sont quatre immeubles qui avaient pris feu. Celui du Papagayo, les deux qui le jouxtaient à droite et à gauche et celui d’en face.
Toutes les vitres des fenêtres et des devantures de magasins avaient été brisées à cent mètres à la ronde par l’onde de choc non prévue par les normes fabriquant.
La rue était fermée, et les occupants sous le même état que l’onde, étaient évacués vers des hôtels réquisitionnés à la hâte par la préfecture, et pour les moins chanceux, dans une salle polyvalente municipale ou les services livraient des lits de camp et des couvertures.
Des ambulances assuraient les liaisons entre le lieu du sinistre et le service des urgences, les pompiers arrosaient abondamment les habitations, proies faciles d’un élément avide et insatiable.
Donnez lui à manger et il grandira sans fin, donnez lui à boire et il mourra.

Marcel et Denise avaient flâné un peu après leur repas et agrandi le chemin qui les ramenait à leur cloaque.
Quand ils arrivèrent au coin de la rue, ils s’aperçurent qu’un véhicule de police était garé en bas de leur immeuble à la façade Haussmann (iene) dehors, Zola (esque) dedans.

Marcel allongeât le pas, et Denise râla un peu et pesta contre ce contre temps qui allait lui enlever son mari pour une partie de la nuit.

-      Il y a eut une nouvelle bombe ! Lui dit le fonctionnaire qui l’attendait pour lui dire bonsoir. Vous êtes attendu monsieur le commissaire.
-      Laissez moi encore une minute voulez vous ?
-      Oui monsieur le commissaire.

Marcel raccompagna sa femme jusqu’à l’appartement ou il entra calmement avec elle. Il l’embrassa avec amour en lui souhaitant une bonne nuit et en lui promettant de revenir le plus vite possible. Enfin, il sortit en refermant derrière lui et redescendit vers la voiture ou le chauffeur au volant attendait l’air impatient et le moteur allumé.

-      Où allons-nous ?
-      Au Papagayo.
-      Au Papagayo ?
-      Oui, c’est la boite de l’avocat qui a pété commissaire.
-      Mince, et il était dedans ?
-      Non.
-      Des témoins ?
-      Si les morts pouvaient parler…
-      Pas de témoin.
-      Combien de morts ?
-      Beaucoup ou peu, on ne sait pas, il était environ 21 heures 30, ça n’est pas l’heure de pointe, mais ça devait commencer à se remplir je pense. Le légiste est sur place, il vous en dira plus, vous devriez prendre un portable commissaire.
-      Non j’ai horreur de ce truc qui sonne à l’improviste, ma femme aussi d’ailleurs.

Ils s’arrêtent à l’entrée de la rue.
Les pompiers viennent de finir d’effacer les derniers indices quand Poulu pose les pieds sur le lieu du drame, ou tout désormais, dès la porte, baigne dans un jus noirâtre.

-      Bonsoir commissaire, vous avez diné ?
-      Oui très bien merci.
-      Et quoi donc ?
-      Salade, pizza, Panna-cota, chianti café et limoncello.
-      Parfait, tenez, un sac, vous venez visiter ?
-      Non, ça ira merci.
-      Vous devriez voir ça, on se croirait à Pompéi.
-      Vous connaissez Pompéi ?
-      Non mais j’ai vu des photos. Des cendres et des corps calcinés entourés d’images érotiques. Il y a des experts des RG dedans, vous êtes certain que vous ne voulez pas visiter ?
-      Oui j’en suis sur, soyez gentil, allez me chercher un gars de la sécurité intérieure.
-      Oui je vous en envoie un.
-      Je peux y aller moi ? Demanda le chauffeur.
-      Si ça vous amuse…

Au bout d’une dizaine de minutes un des experts arrive couvert de cendres mouillées.

-      Alors ?
-      Explosion au gaz par le conduit du local technique. De toute façon pour ce soir, on en saura pas plus.
-      Comment vous savez pour le conduit ?
-      Jusqu’à ce que les gens de GDF coupent, ça crachait encore comme s’il y avait un dragon planqué dans les coulisses. C’est la colonne de l’immeuble qui a été percée avec un coup de hache à incendie, ensuite, le gaz s’est rependu jusqu’à ce que quelqu’un allume la cigarette de trop. Vu la direction du souffle, la cigarette de trop devait être en coulisse.
-      Vous croyez que les gens n’ont pas senti l’odeur ?
-      Visiblement non, entre la fumée du tabac, l’alcool, l’odeur du lieu, les fumigènes et tout et tout, c’est possible que personne n’ai senti l’odeur du gaz en suspension dans la boite.
-      C’est malheureux.
-      Oui c’est dommage pour les gens.
-      Le propriétaire est là ?
-      Non, il est à l’hôpital, il a fait une crise de nerf quand il a vu ça. Il a fallut l’évacuer d’urgence, c’est un épileptique.
-      Et quoi d’autre ?
-      Rien pour ce soir, on en saura plus demain. Dans l’après midi ça ira ?
-      Ça ira merci.
-      Bien j’y retourne, bonsoir commissaire.
-      Merci, bonsoir, dites moi, vous pourriez m’envoyer le légiste tant que vous y êtes ?
-      Oui ne bougez pas.

Ça sentait un peu la même odeur que dans le métro. Est-ce que c’était l’odeur du gaz ou celle de la mort ? Un brouillard chaud chargé d’effluves mêlant plastique, bois et chairs cuites se rependait dans la rue au gré d’un vent d’ouest assez fort.
D’ici, l’odeur était particulièrement désagréable Poulu n’osait pas imaginer celle qui régnait sur le lieu même du drame.
De loin, on apercevait des corps chargés sur des civières qui étaient extraits de la caverne aux relents fétides. Ils étaient recouverts d’un drap qui collait et aspirait le jus mêlé de chair, de sang et d’eau. On arrivait même à deviner les postures des victimes.

Le pire des métiers ce disait Poulu, c’est pompier.
Ils arrivent toujours les premiers et doivent arrêter le brasier ou entrer dans des lieux enfumés ou l’on ne voit rien, et puis, petit à petit, plus ils arrêtent ou repoussent l’élément, plus la réalité leur apparait jusqu’à avoir devant les yeux, l’horreur totale.
Ce sont eux qui donnent le top pour que les services médicaux légaux puissent entrer à leur tour. C’est à eux qu’incombe la lourde charge de débarrasser le reste de ce qui furent des citoyens.
Entre un rêve d’enfant et la réalité de la responsabilité qu’on peut déléguer à un adulte, il y a un monde, et ce monde on l’appelle organique et il est bien réel. En chair et en os comme qui dirait.
Lorsque le 14 juillet, le petit garçon qui s’extasie les yeux brillants d’envie en regardant passer les gros camions rouges et les hommes casqués, déclare à ses parents qu’il veut devenir pompier, les parents se réjouissent et trouvent ça magnifique.
Aucun n’a en tête en ce moment de parade que les pompiers ne sont pas des mannequins.
Personne n’oserait dire au petit :
-      Ah bon, c’est bien, alors ce que tu souhaites c’est, aller griller comme une saucisse dans le Var pour protéger la villa payée par un caïd de la drogue en collant sa merde dans la poche des petits gosses comme toi ? Une maison que tu ne pourras jamais te payer toi-même avec ton salaire minable, c’est bien ça, l’altruisme… Ce que tu souhaite c’est ramasser le corps en décomposition d’une petite vielle morte depuis quinze jours dans son grabat de solitude et de misère, dit, c’est ça que tu veux ? Ou bien tu préfères marcher le long d’une voie de chemin de fer pour ramasser tous les bouts d’une suicidée qui s’est balancé sous le Paris-Nice, ou peut être préféreras tu encore descendre en rappel pour extraire la petite fille qui a glissé au fond du puits il y a trois jours ?

Bien sûr que non, personne ne prévient l’enfant parce qu’on ne parle pas comme ça aux enfants de la réalité de la vie, et surtout de celle du travail de pompier, et heureusement, sinon, il n’y aurait presque pas de pompiers, et ce ne serait pas super pour les gens.
Quand Poulu voulut devenir policier, c’était pour être celui d’un roman à gros tirage, un policier qui fait rêver et naitre des vocations. Finalement, sa vie ne correspond pas du tout à ses rêves d’enfant.
Les rêves d’enfant sont, comme leurs noms l’indiquent, des rêves, et l’enfant fera, sauf accident, irrémédiablement place à un adulte un jour.
La réalité des adultes est bien loin du rêve des enfants.

Le légiste arrive.
-      Qu’est ce que vous vouliez faire comme métier quand vous étiez gamin ?
-      Thanatopracteur pourquoi ?
-      Pour rien, quand est ce que je peux avoir votre rapport ?
-      Demain pour le gros œuvre et dans la semaine pour les enduits.
-      Et maintenant vous pouvez me dire quoi ?
-      Quoi ! Non je blague, Bon disons, peut être dix sept hommes et vingt trois femmes pour le club. Dans le voisinage, quatre hommes, deux femmes et deux enfants en bas âge. Pour le club, cuisson à point, bien cuit et saignant, toastés sur canapés garnis fripes.
-      Vous êtes dégoutant.
-      Vous trouvez ?
-      Oui.
-      Merci commissaire ! Bon à demain, j’y retourne avant que ça ne refroidisse.

Le légiste était reparti. Il avait vraiment l’air d’y prendre du plaisir, se disait Poulu, il retira donc ce qu’il avait pensé plus tôt.
Il retournait dans la voiture, le chauffeur n’était pas réapparu.
Il attendit un bon quart d’heure en silence et sans réfléchir (ce qui est le privilège du fonctionnaire) avant d’aller le faire chercher.
Ce dernier arriva blanc comme un mort et recouvert de cendres, ses habits étaient nappés de l’odeur du local.

-      Alors vous en avez vu assez ?
-      C’est écœurant, j’ai vomi.
-      Merci pour les détails, bon, on va à l’hôpital.
-      Non, ça va aller, pas besoin d’hôpital.
-      Pas pour vous, on va voir l’avocat.
-      Ah oui pardon.
-      Ce n’est pas grave mon vieux, allez roulez.

Après quelques minutes de silence complet ou Poulu se désespérait du niveau intellectuel de son subordonné, celui-ci (le subordonné) pris la parole.

-      Je venais souvent au Papagayo.
-      Ah oui et pourquoi ?
-      Pour les filles, l’ambiance, c’était bien comme boite, le boss…, je veux dire, le commissaire Douyoumdjian avait sa table en bas, réservée, et des fois, il nous invitait, il ne reste plus rien de sa table.
-      Douyoumdjian allait au Papagayo ?
-      Heu, oui… des fois….

Le chauffeur avait trop parlé, peut être à cause du choc ou des fumées, il avait oublié un instant que le système avait changé. Ce commissaire là, n’était pas un Douyoumdjian.

-      Vous l’appelez le « Boss » Douyoumdjian ?
-      Oui, c’était notre commissaire, notre parton, notre « Boss » quoi.
-      Dites-donc, ce n’est pas donné une soirée au Papagayo, comment il payait tout ça le commissaire ?
-      Je ne sais pas moi, je ne me mêlais pas de ses affaires.
-      Et comment vous expliqueriez sa disparition au commissaire Douyoumdjian, vous qui étiez presque… un intime ?
-      Je ne sais pas moi, peut être qu’il voulait changer d’air.
-      Le même jour que Testula et que les frères Cornelli ?
-      Je ne sais pas moi, peut être qu’il y avait une lune ?
-      Vous croyez à ça vous ?
-      Non, pas du tout. Dites moi commissaire, ça vous embêtes si je fume ?
-      Oui.
-      Ça veut dire que je ne peux pas fumer ?
-      Exactement.
-      Bon.

Faute de fumer, le chauffeur dévora l’ongle de son index droit en silence, ce qui donna à Poulu le temps de faire valser dans son esprit les infos qu’il avait récolté et engrangé dans sa mémoire pendant la journée.
Le commissaire Douyoumdjian traficotait avec des bordels, enfin, un bordel, parisien, et visiblement destiné à la crème du gratin.
Il passait ses soirées dans un bar de stripteaseuses, et y invitait les gars de la brigade qui le surnommaient le « Boss ».
Juste l’endroit ou travaillait cette… heu… Melissa et son copain qui avait perdu la boule station Pablo Picasso.
Est-ce que Melissa était dans la boite ce soir ?
Peut être qu’elle est morte, cuite dans l’œuf la petite poule de luxe qu’on ne déplume pas. « Cuisson au dur » aurait dit le légiste. Ce serait triste si elle était passée de l’autre coté du miroir, ça avait l’air d’une brave fille malgré toutes les zones d’ombre qu’elle entretenait autour d’elle. Bien sûr, elle cherchait à se protéger, rien de plus normal, à son âge, se retrouver dans la boue jusqu’aux genoux, ça n’est pas une perspective très reluisante. Cette fille avait le profil parfait de la pauvre victime d’un trafic de prostitution de luxe. Douyoumdjian paraissait être un peu plus qu’un chef de poste de police, il donnait l’image, bien qu’encore un peu floue, d’une espèce de chef de tout, tant qu’il y en avait qui rentrait dans la caisse… Le « Boss »…
Deux explosions au gaz dans la semaine, peut être que ça n’avait rien de lié, peut être pas.

Ils arrivaient à l’hôpital.
L’avocat était au service de réanimation. Il était allongé sur un brancard à roulettes et dormait calmement, le visage tout à fait détendu.
Ils le garderaient la nuit par principe, car ça avait été un vrai choc pour lui de voir les dégâts dans son club, les médecins voulaient voir ce qu’il en resterait à son réveil.
Le Docteur Doncier était présent car ce cas, encore, correspondait à sa spécialité. Quand Poulu l’informa que c’était le patron de Paul qui était allongé dans la salle, le spécialiste jugeât qu’il serait peut être opportun de mettre les deux en contact, que la vision de l’avocat pourrait, peut être, déclencher un mécanisme subtil dans l’esprit de Paul pour le conduire sur la voie de la guérison.
Un pas après l’autre…
Il fallait progresser avec minutie, et chaque petit millimètre dans la direction de la sortie du traumatisme était bon à prendre. Les médecins tinrent donc un conseil rapide, à l’issue duquel ils décidèrent de truquer l’électrocardiogramme de l’avocat qu’ils remplacèrent par celui d’une vieille femme de quatre vingt six ans avec un souffle au cœur, ceci pour justifier une observation pour une durée de trente six à quarante huit heures, le temps que les deux aient bien le temps de se voir.

Ils firent glisser une perfusion dans le bras de l’avocat, le brancard dans le couloir, le corps dans le lit blanc, le drap jusqu’au menton, leurs patins sur le carrelage et la porte dans ses gonds.

Marcel reviendra demain matin pour visiter le convalescent.
Il avait fini sa journée pathétique et pouvait rentrer dans les murs sinistres de son appartement glauque.







Chapitre 10
Des gestes et des gens.

Paul ouvrait les yeux.
On l’avait détaché, mais il ne pouvait pas bouger.
Autour de lui, il y avait plein d’avatars en blanc avec toutes sortes d’objets qui le touchaient, des objets à la fois froids et piquants.
Tous semblaient très affairés autour de lui. On soulevait ses membres et on le retournait. Il lui semblait être un objet que l’on observe avec curiosité.
Tout en le manipulant, ils semblaient échanger entre eux.
Il voyait toutes sortes de machines autour de lui et on lui passait un objet qui vibrait sur la tête. Le vrombissement lui parcourait la colonne vertébrale, et la sensation était dérangeante et agréable. On extrayait de lui de longs morceaux blonds et fins qu’il avait vu au somment de lui quand il était debout devant la glace qui lui renvoyait son image.
Cette image qui ne lui plaisait pas, principalement ces deux longues excroissances qui portaient son être avec ces horribles petites choses poilues et dures au bout qui bougeaient à la demande. Toutes ces formes sur son corps, ces carrés, ces démarcations trop franches, ce petit trou bouché au milieu, et ces horribles extrémités du dessus qui servent à attraper des choses ou la matière à mettre dans le gros trou à air, garnies de ces horribles petits bâtons qui ressemblent à ceux du bas mais horriblement plus longs et fins.
A chaque minute, des mots lui reviennent. Pieds, doigts, chaise, balle, clou, vélo, mer, hôpital, tête, maison…
Tout cela ne veut rien dire, mais au fond de lui, ces termes apparaissent et des images, des espaces, des lieux traversés, des couleurs, des objets qui volent, ronds ou long, des couleurs…
Autour de lui, les mêmes que lui, les mêmes extrémités, la même forme ronde au dessus avec ces trous qui bougent… La lumière blanche… Le plafond blanc…Les murs…
On lui colle des choses sur la tête, et la machine lui envoie des sensations.
Ça le pique un peu, on a mit une matière sur sa tête et il a froid comme à la mer.
Il se laisse glisser dans la sensation de la mer.
Le vent, le ciel, le soleil, le sable, la chaleur et le froid en même temps, c’est bon, mais ça ne dure pas. On le stimule, le touche, on l’empêche de partir.
Devant ses yeux, les extrémités d’une femme se secouent en un mouvement rapide.
Paul est choqué que la femme agisse de la sorte avec ses membres. Il juge cela indécent et laid.
Comment peut-on exhiber son anatomie de la sorte ? Pourquoi la femme l’oblige t’elle à regarder ces parties dénudées et vulgaire de son corps en mouvement ?
Les mains se touchent et l’on se transmet des objets. Ça écœure Paul et il ferme les yeux. A chaque fois, on le force à rouvrir les yeux pour regarder ça, on l’oblige à voir ces scènes pornographiques, dégoutantes.
Pourquoi est ce qu’ils s’exhibent de la sorte avec leurs gestes et leurs peaux roses qui entrent en contact, se frôlent, s’échangent ?
On met un carton devant ses yeux, il est bleu et Paul pense à la mer, un autre lui évoque la chaleur, un autre encore lui évoque son pied d’enfant posé sur un banc, séparé de son corps, son petit pied d’enfant, son pied de la plage, puis on lui présente toutes sortes de formes et de volumes qu’il ne perçoit pas au premier abord.
Tout ceci ne veut rien dire.
Au deuxième passage, les mots se forment dans son esprit, mais il n’en comprend pas le sens, et il ne fait aucun effort pour tenter d’éclaircir le message dissimulé dans ceux-ci.
Les gens ont l’air satisfaits et Paul sent autour de lui toutes sortes de sensations apaisantes.
Les gens retirent les choses qui étaient collées sur sa tête, et on le laisse aller à la mer. C’est Jaune et bleu.








Chapitre 11
L’avocat des diables

Le jour est levé sur Paris, et les rats font la java dans l’appartement au dessus du couple Poulu.
Un beau ciel d’un frais bleuté recouvre la cité ou, infatigables, à la croisée des chemins, des milliers de véhicules chargent et déchargent un flux ininterrompu d’homo-sapiens affairés à de nombreuses choses organisées : Livrer, porter, tenir, payer, percer, poncer, plier, penser, écrire, parler, peindre, compter, couvrir, vernir, chanter, bruler, saisir, répondre, gérer, laver, cuisiner, tisser, vendre, poser des bombes.

A des milliers de kilomètres de là, Bouha ould Ahmed Salem arrose les tomates d’un français dans un jardin oasien, mais ceci n’est pas le propos de ce chapitre.

L’appartement temporaire du couple est vide, car madame Poulu est repartie visiter des appartements aux quatre coins de la ville, et monsieur est dans un bus bondé qui se dirige (zigzaguant entre les travaux urbains et les voitures abandonnées « juste une minute » au beau milieu des couloirs réservés à l’usage des professionnels du transit intra-muros), vers l’hôpital qui contient le juriste.
Les cafards et souris peuvent donc, en toute quiétude, visiter les effets du couple sans souffrir du stress qui est le mal universel de tous les parasites curieux qu’il soit à huit ou à deux pattes.
De partout, les insectes émergent pour inspecter la table, les chaises, le lit, les chambres, la salle d’eau et la cuisine.
Aux murs, des milliers d’insectes grouillent, cherchent quelque petit morceau de mouche ou de vermisseau (J’ai déjà entendu ça quelque part, ou ? je ne sais pas, à la télé peut être, ou dans un jeu radiophonique, non ? Une chanson de starlette ? Non, surement sur internet. On trouve tout sur internet ! Ah, Internet, reconnaissez que c’est la vraie culture !).
Les arthropodes entrent sans vergogne dans les draps, parcourent les habits, à la recherche de quelques résidus émanant du corps humain.

A 9 heures, Poulu descend du bus ou se bousculaient les corps, les regards en coin, les mains baladeuses et les odeurs de laque, parfum et transpiration.
Il entre dans l’hôpital et monte rapidement dans la chambre ou sont installé Paul et l’avocat.
La voix de la défense parait accablée par la situation dans laquelle se trouve son porteur. Elle est éraillée et hésitante.
L’avocat a les cheveux en bataille, surtout à droite ou la grande mèche qu’il rabat pour cacher sa calvitie pend, laissant apparaitre à gauche, des cheveux coupés courts, et au centre, un crane brillant avec deux cheveux pionniers de sa reconstruction capillaire, ou survivant abandonnés de l’holocauste qui a dévasté la tête du trotskiste, soixante-huitard, hippie, farouche opposant à deux verges, Pompidolien, Giscardien de la première heure, planteur de rose mitterrandiste car opportuniste, re-planteur de rose mais plus blanche, croqueur de pomme et extincteur de phare, carriériste, ardent défendeur de la veuve et de l’orphelin, pourvu que le disparu ait été riche et célèbre et qu’il ait légué sa fortune au dernier des vivants.

L’avocat à un dossier personnel à la maison poulaga suffisamment lourd pour pouvoir caller la balance de la justice au maximum de sa tare, et dieu, le roi, les juges aux dentelles amidonnées, et les condamnés, savent à quel point la justice à ses tares.

L’homme en noir défendait les pires cas dans de nombreuses affaires compliquées ou il était question de millions.
Grand spécialiste du droit, il savait à chaque fois faire sauter les articulations bien fragiles de l’accusation, par des galipettes dignes d’un danseur du Bolchoï, ce qui faisait sa meilleure publicité et sa réputation, en rendant à la rue les pires prédateurs.
Les plus grands bandits, hommes compromis politiquement, capitaines ou chefs d’entreprises et représentant de la république des égouts, s’attachaient ses services à l’année, lui, homme bouclier ou venaient s’écraser les flèches des juges et des plaignants, comme les mouches sur les pare-brises des voitures d’aoutiens sur l’A7 le 12 aout à Valence (Drôme).
Pour l’instant, le roi des avocats ressemblait plus à un guacamole qu’a autre chose.

Le visage vert roulé dans son taco, l’avocat râlait et insistait pour qu’on le laisse sortir.
Lui montrant le cardiogramme de la vieille femme, l’infirmière chef lui répondait que tout à l’heure, le médecin viendrait lui parler, et qu’il faut être un peu patient quand on est malade.
Puis elle se lassa de ses Jérémiades, et partit dans une autre chambre, pendant que le commissaire tirait une chaise pour s’approcher de lui.

-      Bonjour maitre, vous nous avez fait une sacrée peur !
-      Bonjour commissaire, en effet, j’ai été très choqué par la vue du Private.
-      Vous dites le Private ?
-      Le club s’appelle le Papagayo Private.
-      Je ne savais pas.
-      Et bien voila…
-      C’est un drame qui c’est passé.
-      Un drame oui, j’espère qu’il n’y avait personne d’important hier soir, mais c’était encore un peu tôt.
-      Visiblement il y a une quarantaine de morts.
-      Pas de survivants ?
-      Non.
-      Ça fait donc, quarante, vingt, vingt, dix, dix, neuf hum… neuf clients.
-      Comment vous pouvez dire ça ?
-      Vingt danseuses, trois serveuses, deux barmans, un technicien son et lumières, le videur, la caissière-vestiaire, le disc jockey, l’homme d’entretien et le directeur, ça fait trente et un, plus neuf clients, ça fait quarante.
-      Vous êtes formel du compte ?
-      Je suis le propriétaire quand même, je connais mon affaire.
-      Depuis combien de temps possédez-vous le Papagayo ?
-      Une quinzaine d’années.
-      Vous avez de bons clients.
-      Oui, je les ai tous défendu à un moment ou un autre.
-      Vous êtes une star du barreau.
-      Vous savez qu’on m’a proposé la place de procureur ? Mais j’ai refusé, ce n’était pas assez bien payé.
-      Cornelli, il était de vos clients ?
-      Non, Camillo Cornelli, c’est monsieur Pampers, même mouillé il est sec, puissance et fortune, quand le tsunami dévaste le monde, dieu est au sec sur son nuage.
-      Et Testula ?
-      Vous sautez du coq à l’âne commissaire, je ne peux pas trahir de secrets de confidentialité de mes clients mais c’est écrit dans les journaux.
-      Ça veut dire oui ?
-      Tirez en les conclusions que vous voulez.
-      Et Douyoumdjian, le commissaire, qu’est ce qu’il était pour vous ? Un bon client ?
-      Plus qu’un client, le commissaire à quinze pour cent des actions du club et de quelques autres sociétés ou je suis aussi. Depuis une quinzaine d’années, Douyoumdjian me colle comme une tique.
-      Ah bon ?
-      En fait, je n’ai pas le choix, ses parts, il les a arrachés avec les descentes qu’il faisait dans le club ou chez mes clients, je n’avais vraiment pas le choix, à part m’expatrier… C’était ça ou la clé sous la porte, mes clients n’aiment pas être dérangés, surtout qu’il ne manquait pas d’utiliser mon nom comme d’un bélier pour enfoncer les portes.
-      C’est curieux, vous utilisez son nom et parlez de lui au présent.
-      Rien ne dit qu’il est mort, il a juste disparu.
-      Et les autres ?
-      Disparus aussi. Disparus, ça ne veut pas dire qu’ils ne vont pas réapparaitre. Tout le monde a l’habitude de rapidement parler au passé, moi, j’attends des preuves de leur mort avant de m’engager.
-      C’est vrai, vous avez raison, quant à moi, je vais continuer d’en parler au passé. De toute façon, Testula et Douyoumdjian étaient. Même s’ils reviennent, ils ne seront plus… Racontez-moi un peu les méthodes du commissaire.
-      Principalement des fouilles au corps ou ils découvraient généralement de la drogue ou des armes tachées d’un crime, mais le plus souvent de la drogue sur mes clients. Bien que ceux-ci m’assuraient, et je ne peux que les croire, qu’ils n’avaient rien sur eux avant la fouille, Douyoumdjian avait des dons de magiciens pour faire jaillir des petits sachets vous me suivez ?
-      Oui tout à fait, et vous n’avez pas put trouver une parade ? Une voie légale pour stopper ses exactions ?
-      Non commissaire et si j’avais voulu lui résister, il suffisait seulement d’une descente dans le secret des poches de mes clients pour que dans la minute, la grosse souris me colle une fermeture administrative garantie d’origine.
-      Oui je vois, vous connaissez vous des ennemis maitre ?
-      Oui des centaines, on ne se fait pas que des amis dans mon métier, surtout de ce coté là de la barre. On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs, le risque zéro n’existe pas, et puis, je sais que je suis attendu au tournant, je fait grincer des dents, à force de jeter des pavés dans la mare de la cours des grands, un jour ou l’autre, la vapeur se renverse.
-      Bien sur.
-      Ironie de l’histoire, depuis que Douyoumdjian c’est volatilisé, il n’y a plus personne pour faire régner l’ordre dans la ville.
-      Il y a la police.
-      Hum, la police d’une certaine façon, il faudrait qu’elle revoie sa copie… Je ne voudrai pas vous blesser commissaire, mais la police, vous savez… Douyoumdjian avait une manière bien à lui pour que tout le monde marche au pas.
-      Ah bon ? et laquelle selon vous ?
-      A qui profite le crime ? C’est ça la vraie question, C’était lui le patron c’est évident.
-      Pardon ?
-      Le Libanais avait toute la ville à sa botte, la technique du contre feu ! Pour éteindre l’incendie, il en allumait un lui-même. On peut dire qu’il jouait gagnant sur les deux tableaux mais les cartes étaient truquées. Douyoumdjian était à la fois le joueur, le croupier et la caisse, intouchable avec sa plaque.
-      Vous savez qui est le jeune homme dans l’autre lit ?
-      Oui c’est Paul, un des barmans du Private.
-      Et vous savez comment il est arrivé là ?
-      L’attentat de Pablo Picasso.
-      Vous êtes bien informé.
-      Bien sur, je lis les journaux et j’ai de très bon client dans tous les couloirs. Ces images ont fait le tour du monde, de plus, c’est quand même un de mes employés, et je connais mes employés, tous, de la caissière au directeur, de la femme de ménage aux danseuses.
-      Que pouvez-vous me dire de Melissa ?
-      Régulière, une bonne danseuse, gentille, un peu distraite, trop distante avec les clients, mais surement la plus belle fille que j’ai eut la joie de rencontrer de toute ma petite vie. Un corps unique au monde, ça oui !
-      Vous n’avez jamais eut de relation avec elle ?
-      Précisez pour voir ?
-      Coucher ?
-      Ah non, désolé commissaire, là, je botte en touche, jamais, je ne joue pas avec les employées, jamais, c’est une règle de tranquillité absolue, je suis marié vous savez.
-      C’est une bonne ligne de conduite.
-      Ce n’est pas tout les jours facile.
-      Ah, ah, ah ! je vous crois bien maitre.
-      Vous savez, pour moi, le Private, c’est un business comme un autre, ce n’est pas un territoire de chasse. Cette fille là, Mélissa, elle est gentille, bien élevée, pas vulgaire pour un sou, de plus elle sait bien se tenir en société.
-      Vous vous êtes déjà affiché avec elle ?
-      Cela va de soit commissaire ! Quand on a quelqu’un comme ça à disposition, on s’en sert forcement, c’est bon pour l’image. Ma femme ne souhaite pas être mise en lumière, elle est comme ça, je ne lui en veux pas au contraire, alors si je dois sortir, je prends cette fille ou une autre, c’est bon d’avoir une réputation de joli cœur, leurs beautés me met en valeur, c’est bon pour le groupe que je représente.
-      Vous connaissez bien son agence d’escorte ?
-      Oui, bien entendu puisque c’est la mienne !
-      Ah bon ? Ce n’est pas dans votre dossier.
-      Il y a votre dossier et mes papiers commissaire.
-      Hum…
-      Je ne voulais pas vous blesser commissaire.
-      Ce n’est pas grave, continuez.
-      L’agence, c’est « Vénus Strass », j’ai beaucoup d’autres affaires que le club et le cabinet, j’aime travailler, et je sers une clientèle exigeante quand on a le vent en poupe et qu’on caracole en tête…
-      Vous travaillez avec le grand monde…
-      Oui, je ne connait pas la crise, cerise sur le gâteau, ma clientèle est constituée des membres les plus en vue du gouvernent, de la finance et des affaires, des gens qui ont besoin d’hôtesses, de personnel de confiance, de garde du corps, de voitures, d’avions, de séjours, de locations, des tailleurs, médecins, chirurgiens esthétiques discrets et muets, et plein d’autres choses aux quatre coins de l’hexagone
-      Et vous, vous faites tout ça ?
-      Oui et non, disons, la balle est dans mon camp, j’ai un bon carnet d’adresses et pas mal de relations, et puis un petit pour cent par ci, un petit pour cent par là, les petits ruisseaux font les grandes rivières… Vous savez commissaire, quand un homme pressé trouve quelqu’un de confiance, il lui donne les clés de sa vie et s’occupe de ses priorités, il faut quelqu’un pour changer le rouleau de papier vide ou les pneus de la Rolls… Moi et mes équipes, on trouve les quelques uns qui en toute discrétion et efficacité peuvent assurer ces taches.
-      Une femme de ménage ou un chauffeur…
-      Oui et non, mes exemples sont aussi des métaphores.
-      Ah.
-      J’ai dit les clés de sa vie, pas des maisons ou de son parc de véhicules.
-      Vous pouvez me donner un exemple plus précis ?
-      Non je ne peux pas.
-      Bien, tant pis. Pour en revenir à Douyoumdjian, vous pensez qu’on se prépare à une guerre des gangs ? maintenant que le « Patron » c’est envolé ?
-      Non je pense que la guerre est commencée depuis un moment et qu’en fait elle n’est pas vraiment arrêtée, Nous nous enfonçons dans la crise, la nature à horreur du vide vous savez, c’est juste que Douyoumdjian avait l’ascendant pour un temps, c’était lui la partie émergée de l’iceberg, mais avant lui il y en avait un autre, croyez moi, il y en aura un autre après, c’est ainsi que fonctionne la nature. On dit que le Libanais à gagné le trône en fusillant son supérieur. C’est bien possible qu’il y soit passé à son tour.
-      C’est bien possible… honnêtement, entre nous, vous pensez que Douyoumdjian est mort ?
-      Je pense oui, mais je reste réservé.
-      Et Cornelli ?
-      Je ne sais pas, p’têt’bien qu’oui, p’têt’bien qu’non…
-      Vous êtes Normand ?
-      Non, je suis Parisien.
-      Et Testula ? Que pensez-vous de sa disparition ?
-      Je ne sais pas trop, mais on ne disparait pas comme ça à presque un an des présidentielle. Vous avez, il y avait de forte chance pour que Testula remporte les élections s’il s’était présenté. On fait beaucoup de bruit autour des problèmes judiciaires du ministre, mais ça n’est un secret pour personne, une fois qu’on a trompé le peuple avec des discours démagogiques callés sur l’opinion de la rue, n’oublions pas que Testula est un maitre dans l’exercice des palinodies, et que lorsqu’on est posé sur le fauteuil à l’Élysée, les juges peuvent toujours essayer de vous chercher des poux, vous avez cinq ans, et cinq ans de plus si vous êtes assez malin, pour clouer le bec ou couper les ailes des corbeaux de la justice. En calculant les bonnes grâces de son successeur, n’importe quel ex, actuel, ou futur président, peut bien dormir sur ses deux oreilles. Selon moi, au contraire de ce que disent les medias, Testula ne s’est pas enfuit pour éviter des problèmes judiciaires, sinon il ne se serait pas entouré d’une armada d’avocats. De toute façon, nous sommes plus nombreux, riches, forts, et armés, que quelques petits juges zélés dans les bureaux miteux de tribunaux en faillite. La justice n’a aucun moyen de s’attaquer à des gens comme nous. Croyez moi, qu’elle se suffise de ronger l’os de la petite délinquance et du commun des mortels pour justifier son budget, heureusement qu’il y a les pauvres pour alimenter l’ogresse judiciaire et pénale, ça lui donne la sensation de servir à quelque chose. Pour le reste, nous nous en chargeons.
-      Je vous crois maitre. Pour en revenir au Papagayo, vous n’avez pas une idée de qui aurait put faire ça ?
-      Aucune malheureusement.
-      Vous êtes assuré ?
-      Oui évidement, mais qu’est ce que vous insinuez ?
-      Rien, c’est une question comme une autre. Bien, merci, contactez-moi si vous avez une idée ou si vous recevez une revendication ou une menace d’accord ?
-      D’accord commissaire.
-      Merci maitre.
-      Une affaire à suivre commissaire mais vous me paraissez une bonne personne, j’ai confiance en vous, tenez, prenez donc ma carte personnelle, si vous avez besoin de quoi que ce soit, contactez moi ça me fait plaisir, appelez moi donc Laurent, gardons le maitre pour le prétoire nous sommes destinés à nous revoir je crois.
-      D’accord Laurent. Et bien à plus tard

Depuis le début de la conversation, Paul regardait les deux hommes. L’un sur un fauteuil avec un objet dans la main comme la femme qui vibre, sauf qu’il le grattait avec une grande extrémité noire. L’autre homme était assit sur son lit et il semblait avoir ouvert sa tête comme une boite à sucre.
Il les avait déjà vus, mais ça ne lui évoquait rien. Seulement, il sentait au fond de lui, dans son esprit, que quelque chose se passait. Un carré, trois, rouge, B, des lumières, un ticket jaune, le vent, des sièges, la mer, un gros homme aux cheveux roux, ses pieds avec ses doigts qui bougent, 43, gauche, stylo, voilà, stylo… Son nez qui pique et toujours cette tête qui sonne !








Chapitre 12
Ou l’on voit un fantôme qui n’en est pas,
Faire une entrée surprenante et s’évanouir.

Melissa se réveilla vers 8 heures 30.
Ça allait mieux.
La nuit l’avait reposée, et vers trois ou quatre heures du matin, elle s’était démaquillée et recouchée.
Ce matin, elle avait retrouvé ses esprits.
Elle voulait récupérer ses affaires au Papagayo.
Elle se leva, se doucha et s’habilla sobrement d’un jean, d’une chemise trop grande, d’une paire de basket blanches, d’un foulard par-dessus ses cheveux en chignon, puis elle sortit à pied en direction de la boite.
A peine eut elle prit le chemin du club qu’une voiture de police se garait devant chez elle.
Ils se loupèrent de quinze mètres.
L’agent frappa à sa porte, puis, comme elle ne répondait pas, il considéra qu’elle faisait sans doute partie des morts de la boite, et posa à tout hasard des scellés sur sa porte.
Quand Melissa arriva au niveau du Papagayo Private, elle découvrit la façade bâchée et les immeubles noircis. Une troupe de badauds s’étaient attroupé (puisque c’est une troupe) derrière les barrières qui bloquaient l’accès au milieu de la rue coupée, et commentaient avec force détails ce qu’ils ne pouvaient pas voir, donc imaginaient.
La façade de l’immeuble ainsi que le sol portaient des traces de brulé.
Il ne fallut pas longtemps pour que Melissa se rende à l’évidence qu’elle pouvait tirer un trait sur ses affaires, et faire deuil de son passé.
Cette fois ci, plus question de tergiverser entre le oui et le non pour prendre une décision, et revenir sur ses pas le lendemain. Il faut vraiment qu’elle trouve un autre travail.
Le fait que des gens aient put mourir dans la boite ainsi que celui qu’elle ait échappé miraculeusement aux flammes dévastatrices et à la mort ne l’effleura même pas.
Curieusement, elle pensa à son musée personnel, sa robe bleue, et le percolateur qu’elle avait reçu en cadeau.
Elle ne songeât pas une seconde à aller se présenter à la police, mais décida d’aller à l’hôpital pour visiter Paul.

Nous la voyons arriver dans la chambre de son ami, elle ouvre la porte et se trouve nez à nez avec le commissaire qui part, ayant terminé sa discutions avec l’avocat.

-      « …ommes destinés à nous revoir je crois.
-      D’accord Laurent. Et bien à plus tard.

Tous deux sont stupéfaits de la voir encadrée dans la porte. Ils la regardent comme une apparition de la sainte vierge à Lourdes et ont l’intime conviction d’avoir affaire à un fantôme.
Poulu fit un pas en arrière.

-      Qu’est ce que vous faites là ?
-      Je viens voir Paul pourquoi ?
-      Non, mais, nous vous croyions morte !
-      Hein ?
-      Vous n’étiez pas au club hier ?
-      Si, mais je suis partie vers 21 heures 15, juste après mon passage, je ne me sentais pas bien, une sensation difficile à expliquer, j’ai préféré partir.
-      Le gaz !
-      Hein ?
-      C’est le gaz qui vous a donné cette sensation étrange.
-      Hein ?
-      Il y a eut une attaque terroriste au club hier soir, juste après votre départ.
-      Ah bon ? Et il y des blessés ?
-      Non, aucun.
-      Tant mieux.

Poulu prend une poignée de seconde de réflexion dans son sac à temps…Comment annoncer ça ? Bon et puis, après tout…

-      Tout le monde est mort.
-      Oh mon dieu !

Melissa voit les deux visages des hommes.
Paul la regarde avec les yeux vides.
La fenêtre qui se met à gondoler, le siège vide du commissaire et le lit de l’avocat qui s’envole au plafond pendant que le sol se rapproche dangereusement de son visage, elle ne peut lutter.
Le commissaire Poulu la rattrape au vol pendant que l’avocat sonne le poste d’infirmerie.
Quelques secondes plus tard, deux infirmières entrent dans la chambre.

-      Que se passe-t-il monsieur ?
-      La demoiselle à fait un malaise.
-      Poussez vous maitre, laissez un peu de place sur votre lit voulez vous ?

L’avocat abandonne son lit. Il est vêtu d’un pyjama d’hôpital un peu court. Les deux infirmières aidées de Poulu installent Melissa qui est le centre de toutes les préoccupations.
En un tournemain, elles lui ont retiré sa chemise pour le grand plaisir des yeux de Poulu et de l’avocat.
Une des infirmières lui tâte discrètement un sein pour voir s’il est vrai, puis elles la couvrent d’un drap.
L’autre infirmière sort de sa poche un tensiomètre et un stéthoscope pour prendre la tension de Melissa et se faire une idée de la chose.
Le froid du stéthoscope sur le bras de Melissa la fait revenir à elle. Bien que son teint et ses yeux soient encore vaporeux, on voit bien qu’elle reprend pied dans la réalité.

-      Comment vous sentez vous mademoiselle ?
-      Ça va merci.
-      Non, ne bougez pas, détendez vous.
-      Oui. Les filles sont mortes ?
-      Malheureusement oui et les clients aussi.
-      Oh !

Melissa est maintenant bien revenue à elle, les infirmières quittent la chambre en lui conseillant de rester quelques minutes encore allongée.

-      Mais c’est horrible, qui a fait ça ?
-      Nous ne savons pas, oui, c’est horrible, vous et Paul avez des anges particulièrement efficaces, vous êtes des miraculés, surtout vous Melissa. Vous vous rendez compte de la chance que vous avez eut ?
-      Vous appelez ça de la chance vous (son visage avait bien repris de couleurs maintenant) J’ai perdu mes amies et mon travail, et vous dites que j’ai de la chance ?
-      Vous avez votre vie et votre santé, c’est l’essentiel non ? Ça pourrait être bien pire, vous pourriez être gravement mutilée ou morte, ça aurait été vraiment dommage, je vous assure que j’ai eut de la peine pour vous en pensant que vous pouviez être dans la boite. Croyez moi, vous avez eut une grande chance.
-      Si vous le dites… Comment va Paul ?
-      Rien de bien nouveau, le problème, ce sont les oreilles. Il faudrait qu’il retrouve l’ouïe pour que les médecins puissent garantir de réels progrès. Au vu des tests qui ont été faits, il n’a pas de problème cérébral, il réagit aux formes, aux couleurs et aux chiffres. Il fait des sons qui ne sont pas des mots, c’est bon signe, même si c’est assez impressionnant parait-il. Il semble bien que Paul ne soit pas perdu pour sa famille et ses amis. Cependant, il faudra du temps pour qu’il retrouve ses facultés, s’il les retrouve. Quand à vous, Melissa, il faudrait que vous me suiviez au commissariat pour votre déclaration d’accord ?
-      Oui commissaire.

Melissa se lève en tenant le drap contre elle. Un seul regard suffit pour que les deux hommes se retournent. Poulu du coté de la fenêtre. Elle enfile sa chemise. Les deux hommes lui font face à nouveau.

-      Nous nous voyons souvent en ce moment hein ?
-      Oui trop souvent commissaire.
-      Ça vous déplait ?
-      Énormément.
-      Vois êtes franche.
-      Ça vous déplait ?
-      Non ça va, allons y.
-      Vous avez une voiture ?
-      Non.
-      Bon, prenons un taxi.
-      Au revoir Laurent.
-      Au revoir commissaire.
-      Au revoir monsieur Geai-Lerougé-Levair.
-      Au revoir Melissa.







Chapitre 13
La caverne d’Ali Pérèz

Au numéro 12 de l’impasse des sinistrés, l’homme connu comme le délégué du syndic, accompagné du nouveau concierge, Ivo Molocovitch, découvraient, dans la cave de l’immeuble, au fond de la partie réservée au matériel d’entretien et aux organes vitaux du bâtiment, plusieurs congélateurs de marque [espace à vendre s’adresser à l’auteur] dont les portes étaient tenues fermées par de puissants cadenas de marque [espace à vendre s’adresser à l’auteur].
Apparemment, ces congélateurs devaient appartenir à Paco Pérèz, l’ancien gardien, et il n’avait pas jugé utile de les emmener avec lui lors de son départ précipité.
La curiosité ainsi que l’avidité de glaner quelques provisions, poussèrent les deux protagonistes de ce chapitre, en visite d’inspection afin d’installer le nouveau gardien dans ses fonctions, à forcer les cadenas.
Puisque les appareils à froid avaient été abandonnés là et que le concierge avait filé, les deux hommes considéraient que ceux-ci tombaient dans l’escarcelle du syndic.
Dans l’atelier réservé au matériel d’entretien de la bâtisse, ils trouvèrent une disqueuse qu’ils destinèrent à l’aventure de forcer les cerbères aux doigts d’acier.
Il y avait trois cadenas par congélateurs, et l’opération consistait à sectionner les arceaux à l’aide d’un disque pour contre-plaqué. L’action fut longue et dangereuse. Par miracle, le disque passa même à quelques millimètres des doigts du représentant du syndic, heureusement sans occasionner d’accident.
Quand ils eurent usé le disque complet, le troisième cadenas céda. La pièce était remplie d’une odeur de charbon et de plastique fondu. La disqueuse avait fini sa carrière.

Abandonnant cette dernière, les curieux investigateurs levèrent la grande porte du coffre surgelé.
A l’intérieur, bien rangés tête-pied comme des sardines (Les sardines n’ont pas de pieds) se trouvaient une dizaine de cadavres parfaitement bien conservés. (On ne chantera jamais assez les mérites de la congélation)
Le premier reflexe de l’homme du syndic fut de courir jusqu’au cinquième étage et d’aller sonner, essoufflé, à la porte du détective privé qui n’était pas là.
Prenant son désarroi et l’ascenseur, l’homme redescendit au rez-de-chaussée, sortit de l’immeuble et entra au numéro 14, deuxième étage.
Jean-François Cachakopoulos était dans le salon vidéo de son bureau et se lamentait sur la version cinématographique du « Da Vinci Code ».
Il éteignit sa télé, de toute façon, il était gavé.
L’homme du syndic était suivi d’un autre homme avec des yeux inquiétants fichés dans un visage dur et inexpressif.

-      Bonjour monsieur Cacha, excusez moi de vous déranger pendant votre travail, mais nous avons un souci, comme un problème gênant.
-      Bonjour, assoyez-vous donc. Vous aussi monsieur.

Les deux curieux mal placé prirent un siège pendant que Cacha se callait derrière son bureau de détective, il paraissait assez crédible pour le non initié.

-      Alors ? qu’est ce qui vous arrive mon cher ? Vous en faites une tête cocasse, dites donc.
-      Il arrive, il nous arrive, que nous sortons de la cave du 12 et qu’il y a des gens à la cave.
-      Oui et bien, ça n’est pas très grave, un peu de diplomatie et il doit bien être possible de leur dire de sortir non ?
-      C'est-à-dire qu’ils ne peuvent pas.
-      Et bien appelez la police mon vieux.
-      Non, pas police ! S’écria le concierge.

L’homme du syndic sursauta puis reprit.
Il parlait la tête basse, presque posée sur le bureau comme s’il s’adressait à l’encrier, ignorant par la même que quelques jours plus tôt, une équipe d’espion y avait placé un micro.
Il avait une belle tête de conspirateur.

-      Voila, la vérité c’est qu’ils ne peuvent pas sortir parce qu’ils sont au congélateur.
-      Au congélateur ?
-      Chut ! Moins fort ! Est-ce que… vous croyez que vous pourriez venir voir ?
-      Si vous voulez, je veux bien vous suivre, mais je ne sais pas trop à quoi je pourrais vous être utile.
Tous se levaient et sortaient.

-      Vous comprenez monsieur Cacha, c’est embêtant cette histoire, la réputation de l’immeuble, du syndic, de la rue. Après vous.
-      Non, je ne prends jamais l’ascenseur.
-      Ah bon ?
-      Non, le moins possible, merci, mais allez y sans moi, je vous retrouve en bas.
-      Comme vous voulez monsieur cacha.

Comme prévu par les équipes de la NASA mobilisée pour l’occasion, la rencontre eut donc lieu à la porte du 14 et c’est ensemble donc, quelques secondes plus tard qu’ils pénétrèrent au numéro 12. (Il y eut des cris de joie à Houston).

Ils se rendirent directement à la cave soigneusement refermée par les deux violeurs de sépulture improvisée.
En cherchant dans l’atelier, Jef trouva une grande pince monseigneur avec laquelle il fit sauter, en deux temps et trois mouvements, comme on dit, les autres cadenas qui fermaient les autres congélateurs, pour découvrir d’autres corps, eux aussi empilés en quinconce*.
Au dessus de l’un d’eux, madame Ledu et son chien, juste au dessous, Auguste Solas et d’autres anciens locataires de l’immeuble que Jef avait déjà aperçu dans les escaliers, ou à l’occasion d’une dispute avec Monsieur Pérèz .

Ils entreprirent de vider les congélateurs pour voir qui s’y trouvait.
Il y avait des huissiers de justice, une jeunette du recensement, un vendeur d’alarme, un autre d’aspirateur, un agent EDF, trois enquêteurs de la SOFRES, deux témoins de Jehova ainsi que le pauvre gosse qui les accompagne (destiné à servir d’attendrisseur à mémé et qui passe sont week-end à voir ses responsables se faire insulter, et lui-même se faire claquer la porte au nez, par des gens qui, la bonne parole, proposent aux emmerdeurs de se la mettre dans une partie de leur l’anatomie que je ne citerait pas ici).
Voici pour le premier congélateur.

*Observons ici un auteur quasi analphabète, la lie de ce métier, qui utilise trois fois « autre » dans la même phrase et des mots dont il ne connait pas la signification. Je me permets de rappeler à ce sinistre crétin que le mot « quinconce » se dit d’objets organisés par groupe de cinq, le bon terme est… et puis non, je ne le dirais pas. Je suis affligé ! Sur une terre qui a porté Madame de Sévigné !
Armand Mugne, l’académicien reconnu de tous.
Le second comprenait, toujours têtebêche, une ambassadrice de chez AVON, un SDF vendeur de calendriers, deux scouts, un plombier, un homme du service après vente d’une grande chaine d’électroménager [espace à vendre s’adresser à l’auteur], une petite fille à demi défigurée étranglée par sa corde à sauter, une femme au visage à demi arraché, l’ancien gardien de l’immeuble et sa femme.

Voila pour le second qui est en fait le premier, la preuve en est du corps des anciens gardiens.

Pour le troisième, comme je vous sens un peu blême dans cet inventaire à la Prévert, sachez qu’au sommet se trouvait un flic avec la cuisse déchiquetée et à qui il maquait les oreilles ainsi que le sexe, un peu dessous un garçon d’environs 14 ans, deux scientologues, et des autres types dont trois femmes dont il était impossible de connaitre l’activité civile.

Le nouveau concierge n’avait pas l’air mal à l’aise devant le spectacle. Cacha était troublé mais raisonnablement.
« Tout ceci parait tellement irréel que le choc viendrait surement un peu plus tard » pensa t’il.
Le plus blême de tous, c’était le responsable du syndic qui répétait « Mon dieu » comme s’il était rayé et qui tremblait comme s’il avait froid.
Il y avait un gros tas de morts surgelés par terre.
Ils ne pouvaient pas les laisser comme ça.
Cacha et monsieur Molocovitch remirent donc tout le monde au dur et refermèrent les portes.

-      Bon, je vous propose d’aller à mon bureau si vous voulez.
-      Mon dieu, bonne idée, oh mon dieu, je ne resterais pas une minute de plus dans cet antre du diable. Mon dieu, mon dieu, qu’est ce que nous allons faire ?
-      D’abord, conseil de pays, monsieur patron, mieux est boire ! Boire, toujours meilleur pour moral malade.
-      Ce n’est pas faux monsieur Molocovitch, allons y.

Au bureau, le responsable du syndic s’enfila trois whisky de cowboy quasiment d’affilée, puis le concierge pris la parole dans sa langue mi-Molière.

-      Devoir sortir tout ça discrétion obligatoire, cacher bien cadavre sinon problème international !
-      On ne peut pas faire venir la police.
-      Oui, police mauvais, mauvais.
-      Ça parait délicat et effet repris Cacha, vous savez qui c’est le type avec la jambe arrachée ?
-      Non.
-      C’est un policier que je connais.
-      Tout ceci sentir poudre pour nez.
-      A plein nez, la poudre à plein nez. Oh mon dieu ! On pourrait, peut être, continuer à les garder dans la cave et ne rien dire…
-      Ce n’est pas très prudent pour vous, le syndic, si jamais un jour il arrive un accident grave, inondation, coupure de courant de plus de trois jours… A moins que le syndic ne s’engage aujourd’hui par écrit à endosser toute la responsabilité des faits, je ne vois pas. Du coup je me trouve complice de votre affaire et ceci ne m’enchante pas trop, constatez le ?
-      Oui monsieur Cacha, je comprends bien votre position, si jamais quelqu’un venait à découvrir les corps, oh mon dieu !
-      Si vous voulez, appelons la police, ceci me semble la décision la plus sage.
-      Surtout pas, monsieur Cacha.
-      Non, pas police, pas police !
-      Bien, au moins c’est clair.
-      Si les gens apprennent ce qui c’est passé ici ! C’en est fini de l’immeuble, les gens viendront voir comme des curieux et pour le syndic, c’est fini.
-      Qu’est ce que vous voulez faire alors ?
-      Redonnez-moi un whisky.
-      Servez vous donc.
-      Débarrasser corps petites morceaux par petites morceaux. Dur avec la congélation, je pouvoir découper les avec bonne tronçonneuse. Et puis poubelle, un peu tous les jours.
-      Vous feriez ça vous ?
-      Oh oui, moi je déjà fais bien le pire vous savoir.
-      Ah oui ?
-      Oh oui, bien le pire, ça falloir lune bien pleine et nuit bien longue pour relation toutes les choses je fais moi avant.
-      Non, ça va aller. Bon, vous êtes vraiment certain de ne pas vouloir appeler la police.
-      Pas de police ! Répondirent les deux en chœur.
-      Dites-moi, une question comme ça là… Pourquoi êtes vous venu me chercher ?
-      Parce que ce n’est pas évident de débarrasser comme ça trente corps….
-      Trente et un avec petite chien.
-      Oui, ho ! trente...trente et un...corps congelés. D’un coup… c’est un peu délicat, je n’ai pas trop d’idées moi.
-      Première fin, être bruler immeuble total !
-      Non !
-      Bon, alors nous pouvoir dissoudre dans acide, mais dangereux pour manipulateur ou hacher et envoyer dans égouts, couper tout en tranches et envoyer morceaux dans fleuve de seine, mettre tout dans gros trou verser chaux vive et eau, bruler dans voiture ou enterre dans forêt, jeter sur autoroute pour faire charpie, donner pour manger avec les animaux du zoo ou avec cochons comme dans film drôle, coucher tout au sol cave et couler dalle béton dessus, fabriquer double cloison étanche dans mur ou faire container pour coté nuit de planète terre, faire inauguration restaurant Maoïste ou fast-food capitaliste, élevage piranha ou crocodile du Nil après vendre peau, organiser séjour dans catacombes parisiennes ou remplir puits à la campagne, sortir les un a un pour que rats fassent festin ou poser sur toit pour que pigeon, alimenter chaudière pour bon feu d’hiver ou…
-      Merci monsieur Molocovitch
-      Dites donc, vous n’êtes pas à court d’idées vous.
-      Moi je grande expérience la mort, si toi tu trouver pour moi grand camion et milles euros pour chacun des les gens du froid, moi je faire beau travail très propre, vous content Molocovitch…
-      Et vous allez faire ça tout seul ?
-      Non, moi je ici beaucoup les ami de mili… heu… de pays moi. C’est juste une chose je pas faire.
-      Et quoi donc ?
-      Le petite chien, moi je pas ne touche le petite chien ça est trop triste pour cœur de moi, ça faire pour moi beaucoup de peine, la pauvre bête.







Chapitre 14
Tsunami sous-jacent.

Marcel et Melissa arrivaient à la brigade en pleine tempête.
Il y avait une bande de hauts gradés et de décorés qui faisaient le siège de son bureau.
Tous exigeaient la libération immédiate et sans condition de la Comtesse Marie Madeleine Grandmont-Latouche-du-Dreil-de-Cartal retenue contre sa volonté, otage de la police nationale.
Ils avaient sortis leurs décorations et leurs costumes du dimanche, certains même portaient les uniformes de leurs « jeunesses allés se faire teindre ailleurs » comme chantait Léo.
Ils avaient sorti des drapeaux qui sentaient l’anti mite.
Il y en avait qui brandissaient leurs arbres généalogiques prouvant leurs origines contrôlées et la valeur historique des actes héroïques de leurs ancêtres homériques.
D’autres encore branlaient devant les yeux des policiers consternés, leurs curriculum-vitae noircis d’actions au service de la nation fragile.
Il avait suffit d’un seul coup de téléphone à son avocat, et la grosse dame à la moustache abondante avait levé une vague de scandale digne du tsunami japonais le plus dévastateur.
Pour l’instant, la vague restait mystérieusement figée, et n’attendait qu’un vent de Poséidon pour venir submerger d’encre marine les plages des calamars à sandales, heu, les pages des canards à scandales, ainsi que les magazines de salles d’attentes des dentistes ou salons de coiffure pour dame ou pour caniches nains.

-      « Nous ne permettrons jamais une telle indignation…
-       Je n’ai pas passé le meilleur de ma vie au front pour…
-      Il est inacceptable et hautement scandaleux…
-      Vous ne pouvez pas, ceci et une parjure….
-      De quel droit vous abrogez-vous le droit de…
-      Qui vous a permis ce genre de fantaisie anarchique qui…
-      Une résistante de premier plan qui n’a pas eut peur de sacrifier ce qu’elle avait de plus …
-      La Marianne de 43 !...
-      Il est des choses qui…
-      Une femme issue de la plus haute aristocratie dont l’ancêtre fut l’ami de droite de Louis XIV !...
-      Je connais personnellement monsieur le…
-      J’en référerais aux plus hautes autorités…
-      Je déjeune aujourd’hui même avec monsieur le ministre de…
-      Attendez que j’ai parlé à …
-      Ça ne se passera pas comme ça…
-      Vous ne savez pas à qui vous vous…etc.… »

Bref, tous parlaient en même temps, et Marcel Poulu ne comprit pas une seule phrase en entier.
En revanche, il n’eut pas de difficultés pour saisir l’idée générale des idées développées.
Madame la Baronne ou comtesse, aucune importance dans le détail puisque les titres de noblesse n’existent plus en France, (jetés au fumier par quelques roturiers élevé aux responsabilités), avait mit ses menaces à exécution, et c’était la première salve.
Poulu crut même que l’un d’entre eux allait lui jeter son gant pour le provoquer en duel au fleuret à 15 heures au pré des cailles.
Il proposa à tous ces messieurs bien bruyants de faire une déposition ou un dépôt de plainte auprès des agents. Celles-ci devaient, bien évidement, contenir précisément les détails des griefs que ceux-ci avaient contre lui.
Comme de bien entendu, comme conjecturé, personne de déposa.

Après le plan :
A comme Agitation, les énervés avaient un plan
B comme Bousculade,
C comme Cabinet,
D comme Député,
E comme Élysée…

Le téléphone du commissaire sonna en hurlant de rage comme si on l’appelait la bave aux lèvres, ce que oui.
Quand Poulu décrocha, une salve de mots orduriers vinrent lui exploser le tympan avant le l’interlocuteur anonyme ne raccroche avec courroux.
La matinée fut rythmée de coups de fils anonymes du même cru. Entre deux, Poulu pris la déposition de Melissa qui ne lui apporta pas plus d’éléments que ce qu’il savait déjà. Il l’informa qu’elle pouvait faire sauter elle-même les scellés de son appartement sans risquer de représailles. Elle le laissa dans son bureau pendant qu’un autre inconnu médaillé l’insultait au téléphone.
Le refrain était un peu toujours le même et s’axait autour des mots : république, égalité, famille, patrie, résistance, héroïsme, conséquence, haute instances, trainer dans la boue, descendre de son cheval, respect, vie privée, impuissant, pédéraste fétide, irréprochable, loi, écraser, te faire bouffer les couilles comme au bled, liberté, faire passer l’envie, n’est qu’une merde puante, honneur, Vichy, libre choix, Bordeaux, ultimatum dernier mot, fraternité, Saigon,  couper la queue, Pétain de ta race, je ne vous salue pas.

Puis, ce fut le tour du préfet, et là, on sentait l’homme habitué à gérer les situations de crise.
Tout d’abord, il l’appela cher ami, ce qui, de la part d’un supérieur hautement hiérarchique, est assez inhabituel pour être surprenant. Puis il lui souhaita la bienvenue dans ses nouvelles fonctions, se désolait de n’avoir pas put le visiter plus tôt, mais qu’il ne manquerait pas de le faire bien rapidement.
Était-il bien installé ?
Ne manquait-il de rien ?
Comment ! En ruine vous dites ! Mais non, non, je ne savais pas, personne ne l’avait mit au courant, il remédiera à la situation au plus vite.
Un incendie !
Oh ! Il s’en occupe ce jour.
Surtout que Poulu n’hésite jamais à le contacter.
Ils pourraient peut-être déjeuner ou bruncher sous peu ? Surtout que si les moyens lui manquent, ou quoi que ce soit, que jamais il n’hésite, qu’il sera ravi de pourvoir à ses besoins ou toutes autres choses qui lui serait indispensables pour mener à bien ses investigations, dans la limite de ses prérogatives, il va s’en dire.
Qu’à propos, il serait peut être plus judicieux d’axer toutes les forces disponibles sur ces histoires d’attentats, que de perdre son temps précieux, son énergie et l’argent du contribuable, dans des petites enquêtes parallèles qui ne servent ni l’intérêt de la nation, ni la sécurité du territoire.
Qu’il espérait s’être bien fait comprendre, et le remerciait par avance d’agir au plus vite.
Qu’il le saluait bien amicalement ainsi que madame s’il y en avait une, qu’il était tout bonnement ravi de savoir qu’en effet il y en avait une, et que Denise était un prénom divin.
Que maintenant que l’affaire était réglée, il allait raccrocher, car depuis le début de la conversation, il avait le ministre de l’intérieur sur l’autre ligne.
Et il raccrocha.

Poulu quitta le préfet, et fit libérer la Baronne qui lui offrit son plus beau sourire, et son plus long doigt (à se mettre au même endroit que la bonne parole du chapitre précédent) en trophée, avant de quitter le commissariat suivie de ses abeilles.







Chapitre 15
Un petit prince tout seul

Sortie du commissariat, Melissa refaisait le chemin à l’envers pour voir Paul.
Quand elle entra dans la chambre.
Il y avait la mère de Paul.
En voyant Melissa, elle ferma son livre et la regarda.
On pouvait lire l’accablement sur ses traits tirés vers le bas.
Elle regarda longuement Melissa en silence.
Il n’y avait pas de colère dans ses yeux, mais le désespoir d’une mère aimante au chevet de son fils.
Melissa s’attendait a ce que la femme se défoule sur elle avec des mots violents et coupants, qu’elle la considérerait responsable de la situation, ce dont elle était pour part, puisque c’est elle qui avait aidé Paul à la suivre à Paris en lui proposant un toit et un frigo, pour une autre part, elle n’était bien sûr pas responsable si Paul était à l’hôpital.
Au fond d’elle, Melissa se sentait responsable. Elle ne percevait pas tout à fait la raison de cet émoi, mais au fin fond de sa personne, quelque chose lui disait qu’elle avait sa part de responsabilité dans cette histoire.
Au chevet de son enfant, madame Denoulet était épuisée, usée par ces derniers jours d’attente et de lecture devant le corps sans blessure de son fils. Elle aurait préféré le voir bandé ou plâtré, ce qui aurait donné du corps au mal de son garçon, mais non, rien qu’un beau jeune homme aux cheveux tondus qui dormait beaucoup, et qui, réveillé, restait immobile, les yeux au plafond, fixant un point connu de lui seul, une petite tache noire parmi les milliers de petites taches noires des carrés de polystyrène disposés sur des réglettes d’aluminium.
Parfois, il restait plusieurs minutes sans cligner des yeux et les médecins avaient conseillé de laisser les stores tirés pour ne pas qu’il s’abime les yeux. Régulièrement, une infirmière venait lui mettre une goutte dans chaque œil puis repartait, laissant le collyre couler comme des larmes sur son visage inexpressif.
En quelques jours, les années d’efforts pour repousser les marques du temps à force de soins, d’une alimentation strictement gérée, et de nombreux exercices, avaient été réduites au néant, et le poids des années avait déferlé sur la mère de Paul comme un barrage qui lâche.

-      Bonjour Melissa.
-      Bonjour madame Denoulet.
-      Asseyez vous donc près de moi mon enfant.
-      Merci.

Dans le lit d’à coté, l’avocat dormait.
A la sortie du commissaire et de Melissa, deux heures plus tôt, il avait eut à nouveau un problème nerveux et les médecins avaient dut le droguer pour qu’il se calme.

-      Mon pauvre Paul, il voulait tellement venir à Paris. Je savais bien que ça lui causerait du tort, mais je ne pouvais pas l’en empêcher n’est ce pas ?
-      Vous n’êtes pas responsable.
-      Depuis que son père nous a quitté, je ne peux rien lui refuser, j’aurais dut l’empêcher de me quitter lui aussi, le garder près de moi. Je n’ai jamais sut aimer.
-      Ce n’est pas vrai et vous le savez, vous dites ça pour vous faire du mal, mais au fond, vous savez que c’est faux, Paul vous aime autant que vous l’aimez.
-      Vous êtes gentille Melissa.
-      Il ne faut pas vous abattre, tout finira par s’arranger, il faut être patiente.
-      Regardez le mon petit, quand je le vois, c’est mon bébé que je vois. J’ai toujours du mal à me dire que c’est un homme maintenant.
-      Ce sera toujours votre bébé. Il ne vous a pas laissé, seulement il doit faire la route de sa vie lui aussi, voir plus loin que son nid douillet, se forger une expérience de vie, il en va de même pour tous, vous comprenez n’est ce pas ?
-      Bien sur je comprends, moi aussi j’ai fait ma route j’ai essayé de me faire une vie différente mais finalement, tout ceci ne m’a pas mené bien loin. Regardez-moi avec mes rêves, j’ai conduit mon fils à l’hôpital. C’est moi qui lui ait mit ces idées de cirque dans la tête, je l’ai encouragé dans sa voie, j’aurais dut le retenir, l’empêcher, le forcer à faire autre chose.
-      Ce n’est pas un accident de cirque qui l’a conduit là, mais une explosion dans le métro. Rien n’est votre faute, c’est le destin, il ne faut surtout pas vous culpabiliser d’accord ? Que lisez-vous ?
-      Le petit Prince, de Saint-Exupéry, il a toujours adoré ce livre, je lui lisais déjà petit, un peu pour lui et un peu pour moi.
-      Ça n’est pas un gros livre, vous ne lui lisez que ça ?
-      Oui, tous les jours je lui lis ce livre et tous les jours, l’histoire est différente pour lui et pour moi.
-      Vous croyez qu’il vous entend, le commissaire m’a dit que son ouïe ne fonctionnait pas.
-      Non il ne m’entend pas, mais il me ressent je le sais. Il y a une phrase dans le livre qui dit « On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux » et je sais que cette phrase est exacte pour les oreilles aussi. Je ne cherche pas à m’adresser à ses tympans c’est à son âme que je m’adresse vous comprenez ?
-      Oui je vous comprends bien.
-      Vous êtes douce Melissa, Paul à de la chance de vous avoir.
-      Merci.

Les deux femmes restaient silencieuses à regarder le corps immobile de Paul. Il était réveillé, et pourtant, paraissait ailleurs, l’esprit posé sur ce petit point noir collé au plafond.
Autour de lui, il sentait un échange fort. Des vagues d’énergie chargée d’émotions se dégageaient des deux visiteuses et il s’en imprégnait. Il se sentait bien et se laissait flotter dans l’onde douce.
Madame Denoulet repris sa lecture.
-      « Si tu m’apprivoises, je serais à toi… »
Melissa tenait la main de Paul, et s’abandonnait à la douce voix de la conteuse.
Paul sentait la main de Melissa qui l’accompagnait. Maintenant, tenant cette main, il marchait sur la plage. La mer était partie et autour d’eux, tout était plat. Il n’avait pas peur parce qu’il n’était pas seul.
Il y avait la main de Melissa, le coucher de soleil, un milliers de roses qui parlent et un renard.

L’esprit emprunte des chemins bien étranges. D’aucun vous dirons qu’on entend par les oreilles ou qu’on voit par les yeux.
Des aveugles de naissance vous diront que c’est faux.
Paul entendait par son corps, pas des mots mais des idées, des intentions, des sensations dont l’importance est mille fois plus supérieure que des mots qui eux, mentent.
Paul, allongé sur son lit, à demi conscient, était avec l’amour, le vrai, celui qu’on voit avec le cœur, qu’on touche du regard et qu’on entend dans son corps.
Inconsciemment, il s’était mit à marcher en direction d’ailleurs, et, quand Melissa le quitta, sortant de l’hôpital en composant un numéro de téléphone sur son portable, Paul ne s’en rendit pas compte, monopolisé qu’il était par le chemin prépondérant qui lui restait à parcourir pour rejoindre les hommes, lui perdu, à mille milles de toutes terres habitées.







Chapitre 16
Piccadilly Peanuts

A 15 heures, le commissaire Poulu reçut les rapports promis par le légiste et les experts.
Il y avait vingt huit femmes et vingt trois hommes morts en comptant les habitants des immeubles qui avaient pris feu alentours.
Dans le Papagayo, on trouvait quarante deux morts, vingt trois femmes et dix neuf hommes. La thèse de l’attentat au gaz était confirmée, car on avait trouvé le soc de la hache malheureusement sans empreintes.
On avait interrogé les gens du voisinage, mais personne n’avait rien vu ni entendu de suspect avant l’explosion, et juste après, il régnait une telle cohue, que n’importe qui aurait put s’échapper ou observer la scène sans être remarqué.
Le rapport était accompagné d’une série de photos plus écœurantes les unes que les autres. Pourquoi est ce que le gars de l’expertise s’obstinait-il à cadrer les cadavres comme s’il était Helmut Newton ou qu’il bossait pour un magazine de photo-choc ? Il fallait être sacrement tordu pour agir de la sorte.
Toujours pas de revendication, la police piétinait.
Selon le rapport, aucun indice, pas de trace de la moindre piste à suivre, zéro plus zéro.
Quel point commun trouver entre la station de métro Pablo Picasso et un club de stripteaseuse, le Papagayo Private ? Quel lien mystérieux pouvait-il y avoir entre ces deux lieux ?
Hormis le fait que les deux lieux avaient explosé au gaz, Poulu ne voyait pas d’autres rapports. Sauf à viser quelqu’un qui se trouvait à Pablo Picasso et plus tard au club, mais pourquoi tuer autant de monde pour un seul ?
La thèse du terrorisme aveugle était la plus probable.
Tuer pour tuer paraissait être la trame.
Mais pourquoi ne pas revendiquer alors ?
S’il était à Tours, Poulu serait allé voir cette vieille gitane qui, plusieurs fois, l’avait mis sur la voie avec des formules alambiquées et des phrases à double sens.
S’il était à Tours, il irait emprunter le vélo de son voisin pour aller se balader au bord de la Loire, et réfléchir en regardant les nuages glisser dans le ciel propre, les pécheurs sonder l’eau profonde, l’esprit au bout de l’hameçon.
S’il était à Tours, mais il n’est pas à Tours et c’est l’entrée en trombe d’un policier dans son bureau qui le remit de plein pied dans la triste réalité.

Il y avait un nouvel attentat, cette fois ci dans un centre commercial, un magasin de vêtements, et le mode opératoire avait changé.
Les criminels avaient fait leurs achats dans le centre commercial, puis avaient enflammé le caddie plein dans un magasin situé dans la galerie marchande.
Le caddie devait contenir beaucoup de matière inflammable car l’incendie s’était propagé rapidement par le sol.
Les cameras de sécurité avaient tout filmé, et il y avait de forte chance de pouvoir identifier les terroristes qui étaient responsables du carnage.
Une équipe était déjà sur place pour étudier les bandes de vidéosurveillance du complexe afin d’isoler les portraits des hommes.
On cherchait aussi dans les mémoires de caisses enregistreuses le contenu du caddie et les modes de payement.
Le temple de la consommation se trouvait au nord de la juridiction et ils pouvaient s’y rendre en quelques minutes.

A grand renfort de gyrophare et de sirène, la voiture de police se frayait un chemin dans la circulation dense, faisant fit des feux de signalisation, des panneaux d’interdiction, des sens uniques de circulation et des informations d’obligation.
Les taxis insultaient le véhicule de police et certains automobilistes prenaient un malin plaisir à encombrer le passage de celui-ci.
Après plusieurs manœuvres périlleuses consistant à remonter une grande rue en sens interdit avec des voitures qui arrivaient en face et qui paniquaient, une marche arrière à fond la caisse à cause d’un camion poubelle qui bloquait une voie de circulation, et un saut par-dessus les jardinières qui bloquaient l’entrée du centre commercial dont l’accès était encombré par les curieux et les véhicules de secours, le chauffeur gara la voiture sur un trottoir.
Quand ils en sortirent, le châssis émit un couinement rhumatismal.
Ils entraient à pied dans le grand magasin, et s’engageaient dans le couloir qui sentait le plastique brulé. Une couche de mousse d’une dizaine de centimètres était rependue au sol, et se refermait derrière les pas des visiteurs, comme le nuage tendu à usage de moquette du paradis fantasmé des chrétiens.
Les pompiers couraient dans tous les sens, évacuant les clients vivants mais bien brulés par la fournaise. Elle s’était rapidement attisé par les vêtements synthétiques de la boutique et les liquides inflammables chauffés qui réagissaient entre eux par des petits jets brûlants qui couraient dans le couloir et se rependait dans les autres boutiques.
Le faux plafond avait fondu, faisant tomber sur les gens une pluie de feu digne de l’apocalypse.
Les blessés hurlaient comme des excommuniés.
On avait condamné cette aile du centre commercial, mais l’activité continuait dans le supermarché et les autres allées flanquées de négoces, car on ne clôt pas les temples comme ça.

Poulu finissait par se demander pourquoi il fallait à chaque fois qu’il se déplace sur le lieu des sinistres. Il ne pouvait pas faire grand-chose autre que de constater, tout ceci le dépassait en volume et le fatiguait.
La boutique d’où était parti l’incendie, se nommait le Piccadilly Peanuts, Marcel Poulu pensa que c’était un joli nom pour une boutique de fringue.
Piccadilly comme peccadille pris comme « Petit péché d’amour » en référence à la statue d’Éros et le rapport avec les cacahouètes… mais aussi qu’une peccadille ce n’est pas grand-chose et avoir pas grand-chose pour des cacahouètes, ça paraissait assez évident.
Il en était là des ses réflexions quand le téléphone de l’homme qui l’accompagnait sonna.
L’homme décrocha et son visage se décomposa.
Il regarda Poulu avec tristesse et gêne, embarrassé du poids de la nouvelle.
Ne sachant que faire, il passa le portable à Poulu.

-      Allo, c’est Marcel Poulu à l’appareil
-      …
-      Quoi un autre attentat !
-      …
-      Le Pocoloco Pub ! Une voiture piégée au sous sol !

Poulu regardait son chauffeur avec des yeux énuclées, il n’en croyait pas ses oreilles.
-      Le pilier de l’immeuble détruit, le pub soufflé, l’immeuble de huit étages chancelle…
-      …

Il notait tout sur son petit carnet noir relié 100% fleur de cuir de vachette.
-      Les pompiers ?
-      …
-      Avec les gendarmes, bien, très bien, bouclez moi la zone vous voulez ?
-      …
-      Oui c’est bien, je vous envoie deux équipes à nous. Je serais là dans une heure.
-      …
-      Quoi ? De toute façon que l’immeuble tienne debout ou non, ce n’est pas moi qui vais l’empêcher de tomber n’est ce pas.
-      …
-      C’est ça, c’est ça, faites de votre mieux, prenez garde à vous.
-      …
-      Oui à tout à l’heure.
Il raccrocha.

Je crois pouvoir affirmer que c’est a cet instant précis que se leva la tempête dans le crane de Poulu.
Pour lui, ça y était, c’était la guerre à Paris, son sentiment était que définitivement, on ne pouvait plus se sentir en sécurité dans la capitale, partout l’ennemi invisible préparait ses exactions, ses crimes aveugles et destructeurs.
Que voulaient donc ces gens ?
Était ce le même groupe qui attaquait tous les endroits à la fois ?
Pourquoi bon dieu ?
Pour quoi ?
Pourquoi ne revendiquaient ils pas ?
Est-ce que tout ceci était la face visible de la guerre des gangs ?
Pourquoi tuer des innocents justes à propos d’une cause ?
Ou était le « bon sens » dans tout ça ?
Fallait-il mêler des femmes et des enfants, des hommes innocents au tas de viande empilé par les revendicateurs de tout genre sur l’autel de leurs temples aux dieux frelatés et aux idées éventées ?
C’était à ne rien y comprendre.
Il faudrait que tout ceci se calme le temps d’y voir plus clair, s’il y avait un moyen de mettre tout ça sur pause… un coup de doigt sur la télécommande et tout s’arrête, mais non, ça, c’est dans les films, la réalité est sans fin, sans pause, sans arrêt sur image, la réalité est cruelle et teintée du sang des innocents.

-      Si toutes les cinq minutes il y a une bombe qui pète, quand est ce qu’on prend le temps de déjeuner ? Ils ne mangent pas les poseurs de bombe ?
-      Ça va commissaire ?
-      Oui, très bien et vous, dites, vous n’avez pas un creux vous ?
-      Mais commi…
-      Allons manger un bout, j’ai faim pas vous ?
-      Si mais,…
-      Bien, venez, on y va.

Installé dans une sandwicherie, ils avaient commandé un pan bagnat et un club. Poulu griffonnait sur son carnet sur lequel il notait ses idées, ses rendez vous, dessinait ou schématisait.
Après avoir noté le nom de tous les lieux qui avaient été victimes des odieux criminels, il s’aperçu, au moment ou arrivait son sandwich, que tous les lieux des attentats commençaient par P. et P., enfin un pas dans la direction du progrès.
Pablo Picasso
Papagayo Private
Piccadilly Peanuts
Pocoloco Pub.

Rapidement, Poulu donna des instructions pour qu’on dresse la liste de tous les lieux dont le nom composé était formé de deux mots commençant par P.

Avec ça, pensait-il, il avait une chance de prévenir le prochain attentat. Il fallait faire surveiller les endroits, renforcer les fouilles systématiques dans les lieux concernés, sur les visiteurs, ainsi que les employés, surveiller les environs, effectuer des contrôles et des rondes. Les ordres furent transmit grâce au portable du chauffeur depuis la table de restaurant.
Ce qui ne se spécifiait pas, à cet instant, dans l’esprit de Poulu, c’est que la tache à accomplir était tout simplement impossible.







Chapitre 17
Le Petit Paris

De son coté, Jean-François Cachakopoulos organisait le déménagement de la cave du 12, que Paco Pérèz utilisait à usage de conservatoire personnel.
Il était entendu que le syndic paierait, l’entreprise serait supervisée par Ivo Molocovitch et ses copains.

Jef fut chargé uniquement de trouver un véhicule réfrigéré de grande capacité, et d’élaborer un plan pour que l’immeuble soit sécurisé, le temps de charger les cadavres dans la cellule.
C’était prévu pour cette nuit.

-      Le plus vite sera le mieux ! Avait dit le responsable du syndic.

Quelques affichettes collées sur le tableau d’annonce de Paco Pérèz, informaient les habitants qu’un traitement insecticide allait avoir lieu dans la soirée.
L’accès, entrée et sortie de l’immeuble, était formellement interdit de 21 heures à 22 heures.
Sachant les gens bien dressés par Pérèz, il était certain que personne ne s’aviserait de passer à cette heure là. Monsieur Molocovitch avait pris au mot la demande de son nouveau patron, et organisé le départ des morts pour un autre monde, en quelques minutes au téléphone.
Ce soir, à 21 heures 30, pendant que tous seraient collé devant leur télé pour la …unième rediffusion du gendarme le plus célèbre de France sur la une, la …unième rediffusion de la grande vadrouille sur la deux, la …unième rediffusion de la vache et le prisonnier sur la trois, la …unième… bref, vous me comprenez.
Pour ceux qui ne comprennent pas, ouvrez votre magasine télé habituel. Merci.

Donc, pendant que tout le monde déposerait sur la table basse du salon son temps de cerveau disponible comme une offrande à monsieur B ou coca-cola, la joyeuse troupe de déménageurs Balkans ferait le vide dans la cave.
Ce qu’ils feront des corps ?
Mystère. Molocovitch avait refusé de répondre.

-      Plus vous pas savoir, mieux tout être pour vous c’est bien, avait il précisé.

Ce qui avait le mérite d’être clair.
Le nouveau concierge n’avait pas l’air de rigoler et son visage était durci, ses étaient yeux allumés d’une lueur mêlant la folie à l’abnégation.
Il avait les lèvres toutes blanches et tremblait un peu.
Une grosse veine apparaissait sur le coté gauche de son cou laissant apparaitre ce qui ressemblait à une vilaine cicatrice, et plus bas, un morceau de tatouage géométrique dépassait de son col roulé.
Cacha était impressionné par l’expression de cruauté qui émanait de ce visage. Il grava cette image dans sa mémoire. Si un jour il revoyait cette expression pendre au Balkan, il se méfierait de ne rien recevoir sur la tête.

Il laissa le concierge à ses affaires et remontait par l’escalier en direction de son appartement lorsque le téléphone sonna.
-      Allo ?
-      Allo ? C’est toujours d’accord pour le café ?
-      Mélissa ?
-      Oui c’est moi.
-      Retrouvons nous au Petit Paris si vous voulez bien, disons… dans une heure ça va ?
-      D’accord, à tout à l’heure

Quand elle raccrocha son téléphone, Melissa se dirigeât vers la zone ou attendaient les taxis, au pied de l’hôpital. Elle se fit ramener chez elle pour se préparer à rencontrer ce mystérieux JFC.
Elle n’en gardait aucun souvenir et se reprochait de ne pas lui avoir demandé son nom.
Elle décida d’arriver un peu en retard au rendez vous pour voir qui était le porteur de ces trois lettres, et puis elle aviserait le moment venu, s’il ne lui convenait pas, elle pourrait toujours le snober et s’écarter un peu pour filer à discrètement, c'est-à-dire à l’anglaise.
De son coté, Jef avait bien organisé sa rencontre et la suite des événements. Il avait élaboré dans son cerveau sans prix un discours à débiter à Melissa.
Après l’effervescence des derniers jours, la tête froide et reposée, il s’était aperçu qu’il y avait plusieurs failles dans le plan qu’ils avaient élaboré, et que, s’ils ne voulaient pas d’ennuis, tous, il était bon de s’assurer que l’intégralité des protagonistes du livre d’avant soient à l’abri du besoin.
Évidement, Melissa et la comtesse faisaient partie des gens qui avaient vu, et qui pouvaient soupçonner Jef d’être à l’origine de la disparition de la bande de mafieux.
Il ne pouvait pas faire grand-chose, ni contre, ni pour la comtesse qui, de toute façon, ne devait pas fanfaronner à l’heure qu’il est, et qui, selon les dires de Cornelli, était très riche et apparemment indépendante du système financier qu’avait mit en place Cornelli depuis plusieurs années.
Melissa, elle, n’était personne, elle n’existait même pas dans l’organigramme Cornelli, en tout cas pas, sous son prénom. Par sécurité, il était mieux qu’elle ne cause pas trop aux autorités, elle pouvait facilement nuire à l’intérêt général.
C’est pour ça que Jef voulait la voir, pour arroser le poisson rouge dans son bocal, lui garantir un avenir florissant à l’abri du besoin, et dans la mesure du possible, concrétiser ses rêves discrètement.
Jef avait passé un bon moment avec cette fille, et pour de vrai, il aurait bien retenté l’expérience avec elle, bien sur, hors de question de payer pour ça.
Heureusement qu’elle lui avait fait la confidence du Papagayo sinon il aurait eut du mal á la retrouver, alors que elle, elle pouvait facilement lui tomber dessus si elle avait voulu, et avec une armée de poulet même pourquoi pas.
En analysant la situation, Jef se disait qu’il s’était en fait mit dans un sale guêpier.

Cependant, elle n’avait rien fait contre lui, peut-être qu’elle ne pensait pas qu’il avait sa part de responsabilité dans l’évaporation du clan, peut-être au contraire qu’elle se préparait à l’attaque, peut-être qu’elle était vraiment aussi conne que la première impression qu’il avait eut, peut-être qu’il n’avait absolument rien à craindre.
Avec quatre peut-être dans le même chapitre, dans le doute, ne surtout pas s’abstenir.

Cette Melissa devait bien avoir besoin d’argent, tout le monde à besoin d’argent. Une chose était sure, avec ses rêves d’actrice, Melissa avait au moins besoin d’un truc : de reconnaissance très probablement.

Jef et Franck, utilisant les connaissances du métier de la cascadeuse qu’ils avaient déniché dans le carnet d’adresses de cette dernière, avaient organisé, en se présentant comme un groupe d’investissement, le tournage d’un film pour que les deux filles puissent vraiment jouer aux actrices. Il ne restait plus qu’à les faire se rencontrer, et si elles s’entendaient bien, les faire se présenter au casting bidon qu’ils avaient mit sur pied, ou elles seraient évidement prises.
Comme même les meilleurs réalisateurs ont besoin d’argent (la cocaïne est hors de prix vous ne trouvez pas ?), ils avaient contacté Hassan Pêcheur pour diriger la production, et acheté un scenario du prolifique Jean Touche.
Humour, aventure, suspense, sexy girls, fin moralisatrice, accessible tous publics, effets spéciaux, une belle chanson en générique, et tout et tout…
Succès assuré.
Ils avaient déjà pris une option pour un millions d’entrées qui seront distribuées dans les maisons des jeunes et les centres sportifs, s’assurant un succès au « box-office » dès la première semaine.
Même le piratage et le partage illégal sur internet étaient prévus.
Une équipe de spécialiste travaillait d’ores et déjà sur des supports publicitaires et les nombreux cadeaux à distribuer aux critiques et journalistes corruptibles, ainsi que sur des produits dérivés qui seraient mis en têtes de gondoles dans les supermarchés classiques et de la culture.
On pensait à des gadgets pour des boites de céréales et destinés à être vendus au plus vite avant que le soufflé ne retombe.
Les conseillers bien avisés qu’ils avaient visités, les avaient assurés qu’avec un million d’entrées annoncées dans les médias la première semaine, les moutons suivraient à raison de sept pour un.
Ils garantissaient, graphiques à l’appui, que le prix du film, plus les cadeaux aux medias, retirés des six millions d’entrées minimum, garantissaient le payement du produit avec certainement un bénéfice à la clé, sans compter les futurs, DVD et droits TV, et peut être, peut être, un film en papier (que l’on nomme livre) tiré du scenario original pour couronner le tout.

Ils louaient les services d’attachées de presses aux références longues comme un nom de famille Portugais, et qui étaient chargées de battre le pavé Parisien et d’organiser des fêtes ou l’on distribuerai du vin rouge millésimé et des dossiers de presse, des repas dans des restaurants portant des noms illustres ou simplement des prénoms, ainsi que quelques séjours pour s’assurer la disponibilité et l’affection des chroniqueurs.
Il est vrai qu’on écrit plus facilement la critique d’un film que l’on n’a pas vu, installé dans la suite Louis XIV du Royal-Lodge-and-Spa-Golf-Club du Château de Torcheville qu’au sous sol de n’importe quelle maison de rédaction.
Tout devait se passer comme prévu sur le papier, il n’y avait pas de raison. Les millions investis compenserons largement les éventuels ratés de l’œuvre artistique, car nous parlons évidement ici d’art, le 7ième, le même que le jour ou dieu ferma les yeux.

Jef se préparait façon rendez vous romantique.
Il avait remisé ses célèbres costumes à rayures dont Luc et monsieur Benbouhot, le nouveau tailleur de Jef, ne s’étaient pas gênés pour en dire le plus grand mal.
Il appela Franck pour se faire déposer au café.
Un quart d’heure plus tard, il était à la terrasse du Petit Paris.

Les grosses vasques abondamment fleuries ainsi que les arbres taillés plantés dans d’énormes pots en bois de teck équipés de roulettes qui étaient disposés un peu partout, créaient une ambiance agréable et intime, à la fois naturelle et artificielle, faussement campagnarde, rurale de magazine, vraiment urbaine engagée, chic et pompeuse.
De grands parasols de toile écrue couvraient l’ensemble de la grande terrasse et diffusaient une lumière filtrée et douce, fondant le tout dans un style bourgeois-bohème absolument crémeux.
L’endroit était meublé de grandes chaises en fer forgé ou de gros coussins couleur parasol bien molletonnés assuraient le confort des séants.
Les tables aux pieds de fonte ouvragés étaient ornées de plateaux sérigraphiés de peintures de Toulouse Lautrec représentant la Goulue, Aristide Bruant et son grand chapeau, l’affiche du chat noir.
Contre les murs, des affiches publicitaires d’époque, encadrées, vantant les villes et les hôtels desservis par la ligne P.L.M., achevaient d’affiner le délicieux décalage des lieux propice aux flâneurs, rêveurs et liseurs de journaux accrochés à leurs cannes de lecture.
Les serveurs zigzaguaient en silence entre les tables, vêtus de l’uniforme noir et blanc et d’un nœud papillon. Ils portaient leurs plateaux d’argent d’un autre siècle au niveau de l’épaule, servant et débarrassant les tables avec rapidité et élégance.
Il ne manquait qu’une bande de zazous parlant javanais pour compléter le tableau, ou une autre bande d’écrivain bourgeois et anarchistes philosophes menés par un Jean Paul Sartre au regard bidirectionnel, une Simone de Beauvoir amoureuse, un Boris chantant, peut être un André Breton exposant comme un souvenir typique ramené du Mexique, une Frida Kahlo qui ne disait rien mais n’en pensait pas moins.
Jef était vêtu d’un complet veste et pantalon en lin de couleur écrue sur des mocassins gris clair. Il avait dompté sa chevelure sous un canotier.
Il commanda un Perrier avec une rondelle de citron et attendait Melissa en visant les journaux.
Sur les gros titres, on pouvait lire :
« Paris la Terreur, deux explosions, la police se refuse à tous commentaires ».
Sur un autre on lisait « TERRORISME ! Islamistes ? Indépendantistes ? Ou est le ministre ? »
Un autre criait « ILS REVIENNENT ! » et développait sur le thème « l’anarchie aujourd’hui ».
Un autre développait sur la thèse indépendantiste, un autre encore crachait à la gueule des jeunes de banlieue.
Le dernier titrait « LA FRANCE À PEUR » ce qui est la preuve d’un manque évident :
1-   D’imagination
2-   De provincialisme, rappelons ici que Paris n’est pas la France, Paris est en France, c’en est la capitale politique.

En vérité, personne ne savait rien, mais ça n’était pas une raison pour ne rien écrire.
L’information, c’était secondaire, il fallait remplir les pages en noir et blanc pour y coincer les encarts publicitaires couleur des annonceurs, et puis tirer à tout prix.
Un bon titre à la une pour satisfaire son lectorat, et même si en pages intérieures, ça n’était pas la grande révélation, l’article du journaliste d’investigation, une fois que le couillon avait acheté le papier, l’affaire était faite.
Jef feuilletait.
Ses yeux tombaient sur les encarts couleur : Achetez une nouvelle voiture à crédit, accoutumez vos enfants à se gaver de hamburgers, changez de fournisseur de portable.
Le message principal était passé, demain est un autre jour.

Il la vit arriver comme dans la pub.
Elle était habillée en lin elle aussi, d’une grande robe droite qui tombait jusqu’aux chevilles, aux transparences sublimes, laissant deviner ses formes généreuses et bien proportionnées.
Trois ou quatre techniciens bien postés derrière les jarres géantes dirigeaient sur elle le souffle de leurs ventilateurs, faisant danser son tissu et ses quelques mèches de cheveux d’or qu’elle avait laissé libre, pendant qu’un stagiaire jetait des poignées de pétales de fleurs dans les courants ainsi crées synthétiquement.
L’ingénieur photo avait bien calculé son coup, et la lumière était parfaite.
Elle fit quatre pas bien répétés, puis s’arrêta comme à l’exercice, la jambe gauche un peu en retrait.
D’un geste de la main droite, elle releva une mèche préparée rebelle, puis saisit ses lunettes de soleil par un carreau, avant de les descendre légèrement pour regarder par-dessus, n’omettant pas de faire de sa bouche, un cœur.
Dans sa pose, la jambe décalée forçait la robe à se coller contre elle pour mettre ses courbes en valeur.
Elle s’était coiffée d’un chapeau de paille à grand bord ceint d’un ruban rose, d’un petit sac à main rose pale, et de chaussures à talons couts assorties.
Pendant qu’un serveur passait au ralentit lui aussi avant de s’effacer vers l’inconnu, un homme posa son journal et ses yeux sur l’apparition qu’on aurait put croire virginal tant la beauté de Melissa baignait l’entrée de lumière.
Les oiseaux vinrent se poser à ses pieds, ils étaient jaunes, bleus, rouges, orangés, les colombes était blanches… Ensemble, ils exécutèrent une révérence gracieuse, la tête légèrement penchée de coté pour ne pas perdre l’image de la douce créature qu’ils honoraient, et le temps s’arrêta…

Ok, pardon, j’en fais trop, d’accord, pardon, excusez moi, ok, je reprends, faites comme si je n’avais rien dit ça va ?

Alors :

Melissa arrivait.
Elle était super bonne dans son emballage d’origine, bien plus excitante en « Like a Virgin » qu’attifée en allumeuse épeurée.
Sa robe était un peu transparente et laissait apparaitre ses gros seins et ses fesses synthétiques ce qui ne laissait personne indifférent.
Il y avait un petit peu de vent, ça n’était pas désagréable.
Elle jeta un coup d’œil en chevauchant ses carreaux fumés en direction de Cacha l’air de dire, « Je vous ai vu ! » puis elle attendit qu’il se lève pour aller dans sa direction.
Un serveur qui passait ne put s’empêcher de la ploter avec ses gros yeux avait de se fondre dans son image, et un client dut poser son journal sur lui pour dissimuler une érection.

Encore un coup.

Jef tripatouillait sa rondelle avec son touilleur quand Ça arriva.
C’était bien garnie du même tissus que lui, comme s’ils jouaient dans le même orchestre, vraiment un beau morceau cette nana, bien qu’un peu voyante tout de même, à ne pas sortir dans une communion sinon, il y a un risque de bégayement du coté du prélat.
Tout le monde la reluquait comme une escalope en promo, elle était le centre de tous les regards parce que sa robe la déshabillait plus qu’elle ne la couvrait.
Le serveur qui la matait se prit les pieds dans une chaise mal garée et s’écrasa sur le dallage comme une grosse bouse.
Quand elle regarda Jef par-dessus les lunettes teintées, tous les regards se détournèrent vers lui.
Les femmes le regardant comme un étalon, les hommes comme si c’était le père de Ça.
Pendant qu’il se levait, il vit un des clients cacher son émoi sous un canard.

Une dernière pour le plaisir, après on y va.

Melissa glissait du taxi content d’avoir put mater ses genoux avec son rétroviseur.
Elle refusa la proposition malsaine de ce dernier, elle dut donc payer sa course.
Le Petit Paris, c’était une bonne idée pour un rendez vous, l’endroit lui plaisait.
Elle monta les marches décorées d’une main courante en fer aux reflets cuivrés et aperçu la terrasse ou elle avait déjà passé du temps avec l’architecte.
« Pourvu qu’il ne soit pas là » se dit elle.
Arrivée en haut des marches, elle était arrosée de soleil par l’arrière et, dans son ombre portée au sol, elle s’aperçu que sa robe neuve était transparente.
Au travers de ses lunettes noires, elle voyait que tout le monde la regardait.
C’était une bonne entrée.
Les femmes l’examinaient avec ce regard haineux qu’elle leur connait bien, et les hommes avec l’immoralité de leurs péchés en selles serfs vices.
Avec cette lumière, impossible de regarder à travers ses lunettes pour voir qui était le mystérieux JFC.
Un homme se leva.
« Tiens, le détective ! »
En une fraction de seconde, il lui revint à l’esprit le bon moment qu’elle avait passé avec lui sur son divan.
Un serveur passe à coté d’elle et lui chochotte quelque chose qu’elle ne comprend pas.
Elle le voit juste s’emmêler les pinceaux et disparaitre à plat ventre entre deux jardinières.
Elle s’approche de la table du détective.
Sur sa droite, un client fait glisser son journal pour lui faire découvrir, a travers on pantalon, son gros sexe gonflé, elle fait mine de ne pas le voir.
Elle s’installe sur une des grosses chaises en fer forgé couvert d’un confortable coussin, et, tout en croisant ses jambes d’un mètre vingt, ses yeux se posent sur le journal posé sur la table.

-      C’est affreux tous ces attentats n’est ce pas ?
-      Vous êtes superbe Melissa.
-      Merci, vous savez que j’ai failli mourir hier ? Un peu plus et notre rendez vous avait lieu à l’athanée vous imaginez ça ?
-      Non, je n’imagine pas.
-      Et bien vous devriez, j’ai raté ma mort de cinq minutes même pas. Votre cafetière ne fera plus jamais de café.
-      Elle n’en a jamais fait.
-      Et bien espérerons que là ou elle est, elle ne regrette pas ses actes manqués.
-      Que voulez vous boire ?
-      Votre carte parlait d’un café je crois.
-      Garçon ! S’il vous plait, deux cafés.
-      Oui monsieur tout de suite…Allo ! Deux cafés, deux !
-      Pourquoi voulez-vous me voir ?
-      Pour vous voir, disons que j’imagine, peut être à tord, que vous vous sentez un peu seule en ce moment, et qu’il vous faut un bras peut être.
-      Oui c’est possible, mais qu’est ce qui vous dit que votre bras sera à ma taille ?
-      Ma foi, rien, seulement il faut essayer pour savoir non ?
-      Si vous le dites.
-      J’ai beaucoup pensé à vous depuis notre dernière rencontre.
-      Notre première rencontre vous voulez dire !
-      Oui, j’en garde un souvenir impérissable.
-      Moi aussi Jef.

En fait, Jef était à demi-sincère. Ça tombait bien parce que Melissa aussi.
A deux, ça faisait un demi chacun, réuni, ça pouvait faire un entier même si les jointures n’étaient pas précisément étanches, ça restait tout de même un bon début.
Melissa calculait son avenir et Jef son silence.
Pour ça, il fallait qu’il arrive à savoir ce qu’elle avait comme informations, mais sans avoir l’air de la questionner. C’était ça le plus délicat dans cette affaire.

-      Vous avez perdu votre boulot au club du coup.
-      Oui, en ce moment, tout s’écroule autour de moi, en ce moment, c’est la cata en fait.
-      C’est Testula qui vous avait envoyé chez moi je crois, non ?
-      Oui, c’était lui mon « mari » qui était dans la voiture.
-      Vous l’avez revu depuis ?
-      Pas dernièrement.
-      Vous savez ou il est ?
-      Non et vous ?
-      Pas mieux.
-      Vous connaissez Daniel Marie Douyoumdjian ?
-      Oui, c’était un ami de ma famille.
-      Dites moi, Chisirophe Cachakopoulos, c’était votre père ?
-      Vous connaissiez mon père ?
-      Oui, un peu, j’ai eut l’occasion de le voir plusieurs fois au club et une fois au manoir.
-      C’est quoi ce manoir ?
-      Rien, une maison.
-      Avec Douyoumdjian ?
-      Oui, ces deux là, ils étaient toujours ensemble.
-      Mon père était un bandit.
-      Douyoumdjian aussi.
-      Et ce gars Cornelli, vous le connaissez ?
-      Plus ou moins et vous ?
-      Jef n’était pas chaud, chaud pour se dévoiler, mais il fallait abonder un peu dans le sens de la fille pour découvrir ce qu’elle savait.
-      Non pas plus que ça.
-      Testula était votre amant ?
-      Un peu, peut être… Dites moi monsieur Cachakopoulos, je peux vous demander un truc ?
-      Oui bien sur, allez y.
-      C’est vous qui les avez tué ?
-      Non. Je n’ai pas d’arme, mais pourquoi vous pensez ça ?
-      Parce qu’en réfléchissant bien, c’était vous qui faisiez le lien entre ces trois personnes. Douyoumdjian, Cornelli et Testula. Les trois sont venus vous voir le même jour aussi, alors je me disais qu’il y avait des hasards étranges et c’en est un vous remarquerez.
-      Oui, c’est vrai, mais ce n’est pas moi qui les ait tué, je peux vous le jurer. Je n’ai tiré qu’une seule balle de toute ma vie à l’école de police, et ça a été la catastrophe. Depuis, je n’ai plus jamais touché une arme.
-      Quand je vous écoute, vous avez l’air sincère, c’est étrange, j’étais persuadée que c’était vous.
-      Et vous êtes quand même venue au rendez vous ?
-      Oui, en fait je ne savais pas qui était ce mystérieux JFC, je suis venue pour voir, disons, par curiosité.
-      Vous n’avez pas peur des rendez-vous mystérieux.
-      Actuellement, je baigne dans le mystère, et j’ai l’impression de voir plus souvent la détresse et la mort que mon image dans la glace. Ça n’est pas mon heure je crois.
-      Tant mieux. Je voulais vous voir pour vous présenter une amie d’un ami qui fait du cinéma. C’est une cascadeuse, ça n’est pas vraiment une actrice mais elle connait pas mal de monde, ce qui ne veut pas dire que ça va donner quelque chose, mais on ne sait jamais.
-      Avec plaisir, toutes les opportunités sont bonnes à saisir.
-      Et bien allons y si vous voulez.
-      Oui, c’est gentil d’avoir pensé à moi.
-      Je ne fais que ça.
-      Arrêtez, je vais rougir.

Jef envoya un S.M.S. pour dire à Franck que la partie était jouée et qu’il pouvait venir les chercher.
Ayant abandonné un billet de dix euros sur la table, ils se levaient et quittaient le café.
Ils étaient sur le trottoir en bas des escaliers, et attendaient Franck, quand un souffle fit sauter le canotier de Jef, et qu’une table, (peut être la leurs) passa en volant au dessus de leurs têtes, suivie d’une chaise, d’un parasol en feu, de deux tasses à café sans soucoupe, d’un bras de serveur (reconnaissable à sa manche) suivi de son plateau, d’une plante déracinée et d’un billet de dix euros enflammé.
Une alarme de voiture se mit à sonner puis une autre, et quelques secondes plus tard, deux voitures de police arrivaient au coin de la rue.
Ceux là même qui avaient pour mission de protéger le Petit Paris, mais qui arrivaient un peu en retard.

Jef et Melissa étaient au sol, ils n’avaient rien. Une table était plantée à quelques millimètres de leurs corps allongés sur la chaussée, ils étaient recouverts de morceaux pailletés de la vitrine brisée du café.
La rue brillait comme si un négociant de Namur avait éternué en douane et qu’il avait semé des milliers de petits diamants.
Les agents de police sortaient du véhicule, la mine troublée, décontenancés par l’événement. L’un d’eux parlait dans une CIBIE.
Jef se relevait et aidait Melissa à reprendre pied, ses esprits, une allure présentable.
Elle était toute décoiffée et sa belle robe était déchirée de façon très sexy, découvrant toute la longueur d’une jambe épilée.
A part ça, elle avait l’air d’aller.

-      Partons, dit Jef.
-      Non, allons voir la police.
-      Vous voulez vraiment les voir ?
-      Oui.
-      D’accord, c’est comme vous souhaitez.

Ils se dirigèrent vers les deux voitures des retardataires et se présentaient.
Melissa commençait vraiment à croire qu’on en avait après elle. Partout ou elle allait, ça pétait.
Ça commençait à devenir sérieusement agaçant ces histoires de bombes.

-      Je crois qu’on cherche à me tuer, dit-elle à Jef.
-      Ah bon ? Et pourquoi donc ?
-      Mon ami Paul, et puis le Papagayo, maintenant le café, c’est beaucoup pour que ce ne soit que le fruit du hasard tout de même. Je voudrais parler au commissaire Poulu pour savoir ce qu’il en pense.
-      Le commissaire est en route, reprit un des flics.
-      On va l’attendre d’accord Jef ?
-      Si vous voulez Melissa.

Jef partit récupérer deux chaises volantes de l’autre coté de la rue, et les installa sur le trottoir vers les voitures de police.
Ils s’assirent et attendirent.
Une énorme grosse demi belle heure plus tard, Marcel Poulu arrivait.
Il sauta de sa voiture et se dirigeait directement sur Melissa.

-      Vous ici ? Encore !
-      Commissaire, je crois qu’on en a après moi !

Melissa ne sanglotait pas, mais des larmes coulaient de ses yeux comme une madone à miracles. Son visage était normalement superbe, ses yeux envoutants, seuls ses glandes lacrymales se rebellaient, ce qui lui donnait un air quasi divin.
Sa voix n’était pas saccadée, elle n’avait pas de gestes anormaux, seulement ces grosses larmes qui filaient au plus court alimenter le ru de sa vallée mammaire.

-      Qu’est ce qui vous fait dire ça, mademoiselle Feuillôt ?
-      Trois bombes ! Une sur mon ami, une sur mon lieu de travail, et la troisième, sur mon lieu de rendez vous, ça ne ressemble pas à un hasard.
-      Et pourtant, c’en est un, rassurez vous Melissa, ce ne sont pas trois bombes mais cinq dans des lieux ou les noms commencent par P et P.

Jean-François qui était avec eux n’en perdait, évidement, pas une miette.

-      Vous êtes le nouveau commissaire ?
-      Oui et vous ? A qui ai-je l’honneur ?
-      Jean- François Cachakopoulos, on m’appelle aussi Cacha ou Jef.

Il lui tendait la main.

-      Cacha, Cacha… Vous êtes le célèbre détective ! C’est vous qui avez découvert le corps de la banquière à Versailles ?
-      Oui c’est moi en effet.
-      Quel honneur de rencontrer le détective du siècle !
-      Ne vous arrêtez pas aux titres des journaux commissaire.
-      Poulu, Marcel Poulu, je suis votre plus grand admirateur monsieur Cacha !

Il sortait un stylo et son carnet noir.

-      Vous me signeriez un autographe ?
-      Vraiment, c’est gênant.
-      Oh ! S’il vous plait, monsieur Cacha.

C’était marrant de voir le commissaire avec sa ligne de moustache et son mini bouc qui trépignait comme un enfant de cinquante ans et des pelles, allumé du regard de celui qui rencontre son héro. Ambiance 14 juillet pompiers ou premier tour d’hélicoptère sur la Côte-d’Azur (Nous nous comprenons j’espère).
Jef sortit deux cartes de visite de Cacha-investigation, et en signa une pour le collector du commissaire, et lui donna l’autre pour son porte-carte a titre informatif.
Sur cette dernière, il nota son numéro de portable personnel.
Le commissaire regardait les cartes comme si elles étaient en or pur ou en chair et en os. Il regardait Jef comme un monstre sacré. Jef se sentait Cachaman ou SuperCacha.

-      Vous connaissez monsieur Cacha Melissa ?
-      Oui c’est un ami.

Marcel se disait qu’évidement, un super héro comme Cacha était forcement entouré de super belles filles.
L’attentat était passé au second plan.
Poulu ne pensait plus qu’à une chose, mettre le détective du siècle sur le coup mais il n’osait pas demander à son idole.
Il prit son courage à deux mains (à l’instant) et se jeta à l’eau (c’est une métaphore).

-      Dites-moi ? Je pourrais vous demander quelque chose ?
-      Oui je vous en prie.
-      Blablegueugoubidarougnafoubek avec nous ?
-      Pardon ?
-      Je me demandais si vous gneugnoubidabogna l’enquête avec nous ?
-      Excusez moi, je suis peut être un peu niait mais je ne saisis pas vos propos.
-      Je crois que le commissaire vous invite à partager l’enquête des terroristes avec lui.
-      Oui c’est ça !

Il était rougissant.

-      Moi ? Pourquoi donc ?
-      Parce que vous êtes Cacha, le Cacha !
-      Ou là ! C’est trop d’honneur !
-      S’il vous plait monsieur Cacha, un petit coup de main, même de pouce d’accord ?
-      Bien, si vous voulez, d’accord commissaire.
-      Oh ! Merci, merci ! C’est génial !
-      Si vous le permettez, je ne commencerais que demain, j’ai encore des affaires à régler pour aujourd’hui.
-      C’est vous qui décidez monsieur Cacha.
-      Merci, disons demain, vers 10 heures 30, au commissariat si ça vous va.
-      C’est vous le chef.
-      Bon. On peut vous laisser maintenant ?
-      Oui, on se voit demain alors ?
-      C’est ça, à demain commissaire.

Franck n’était pas arrivé.
A cause des tables volantes, la rue était bloquée.
Ils sortirent de la rue fermée par la police, espérant trouver le véhicule du taxi dans les parages.
Ça ne loupa pas, Franck était dans la foule des curieux avec un air angoissé.
Quand il aperçu Jef, il s’éclaira dans grand sourire et se jeta dans ses bras bien soulagé.

-      J’ai cru que tu étais…
-      Non, j’ai mon ange gardien, dit Jef en désignant Melissa. Vous êtes libre taxi ?
-      Vrai patron, on va où ?
-      Chercher ta copine non ?
-      C’est trop tôt encore, C’est vous Melissa ?
-      Oui c’est moi.
-      C’est vrai Jef, t’as pas menti, elle est super belle !

Melissa rougissait un peu, elle prit la parle :

-      Merci Franck, on pourrait passer chez moi pour que je me change, l’adresse c’est…
-      Oh ! Paco Pérèz ! dit Franck
-      Ah bon ? Où ça ?
-      Là, sur la moto, là !
-      On peut le suivre ?
-      Il a prit le sens interdit, on l’a perdu…
-      Qu’est ce qu’il pouvait bien faire ici ?
-      Qui est-ce ? Demanda Melissa.
-      Un gars qui a disparu il y a quelques jours.
-      Et ben on sait ou il est maint’nant.
-      Non, on ne sait pas.
-      Oui enfin, j’veux dire, on sait qu’il est par là quoi…







Chapitre 18
Edwige

Franck racontait à quel point le monde devenait dangereux et combien il fallait être prudent par les temps qui courraient. Qu’on ne pouvait plus faire confiance à personne et qu’a force de continuer comme ça, on finirait tous par avoir un poulet derrière son dos.
Qu’en calculant un peu, ça faisait trente deux millions de poulets pour suivre trente deux millions de citoyens et que la France était bien assez endettée comme ça pour qu’on se retrouve avec encore une flopée de fonctionnaires à payer.
La solution, c’était que chaque famille en prenne un à sa charge, parce que si le gars devait nous suivre toujours, il faudrait qu’il ne se trouve jamais trop loin, avec tous les problèmes de logistique que ça pouvait créer.
En ayant bien recalculé, il s’avérait que pour être bien surveillé, donc par extension protégé, c’est trois flics qu’il faudrait en comptant qu’ils faisaient les trois huit, avec un en réserve pour compenser les jours de maladie ou les congés, ça faisait quatre, ce qui portait en gros à cinquante millions de poulets pour surveiller douze virgule cinq millions de gens libres.

Moralité, ça ne pouvait pas coller.
Jef et Melissa étaient d’accord, ça ne pouvait pas coller.

Ils allaient à l’aéroport mais faisaient un détour parce qu’ils étaient en avance.

Pour l’instant, Jef et Franck étaient dans le taxi en train d’attendre que Melissa redescende de chez elle ou elle était montée se doucher, se changer et se recoiffer.

Non, n’insistez pas, nous n’irons pas la mater sous la douche.

Jef subissait un interrogatoire en règle de la part de Franck pour savoir s’il avait l’intention d’aller plus loin avec elle que le film et le fric.
Lui aussi n’étant pas resté insensible aux charmes de la demoiselle…

Bien évidement, se dépêchait-il de préciser, s’il faisait des plans, ça n’était pas pour lui, mais pour Jef, parce que lui, il a déjà, Edwige AAHH !
Il imaginait déjà un grand mariage ou il serait témoin.
La mariée serait en blanc, à la limite en crème, on mettrait des roses blanches pour compenser.

Le mariage aurait lieu à la campagne parce que ça rend mieux sur les photos (tant que les mariés ne tournent pas le dos à la centrale nucléaire).

-      Je n’ai pas été trop longue ?
-      Non ça va.
-      Hein que la campagne ça rend bien pour les photos ?
-      De quoi parlez vous Franck ?
-      Il parle de rien, allons y.
-      Oui patwon !

C’était l’heure ou l’avion se pose sur De Gaulle,
C’était l’heure ou chacun détachait sa ceinture,
C’est l’heure ou l’homme qui vole,
Remettait ses chaussures,
Et où, dans les salles au sol,
L’attente se faisait dure.
Ah la poésie !

Les présentations étaient faires autour du tapis roulant à bagages.
Plutôt sympa la copine de Franck.
Une espèce de boule d’énergie à fond de cinquième.
Elle racontait le tournage du James Bond d’où elle sortait (elle n’en était pas tout à fait sortie en fait).
Elle descendait de l’avion qui la ramenait d’Asie et elle était à bloc d’adrénaline.
Elle racontait comment elle avait pris feu huit fois, sauté d’un hors bord en marche trois fois, grimpé, sauté, tiré, feinté, lutté contre un sumo d’au moins six cent kilos (diviser par trois, n’en garder qu’un tiers et retrancher d’un quintal), fait du rodéo avec un pousse-pousse, et puis ce qui l’avait surchargé et mit hors service son thalamus pendant que son hypothalamus était sur marche forcée, c’est qu’elle avait aussi tourné une scène ou on  la voyait de face. Oh ! Pas grand-chose, elle descend du taxi que James va utiliser pour se rendre à la chancellerie après avoir récupéré une statuette de jade planqué dans un gars.
Le réalisateur était content parce qu’elle était bien sortie du véhicule sans regarder la camera.
A la première prise c’était bon, et ce n’est pas tous les jours que ça arrive.
Normalement la première crêpe, elle colle toujours un peu, elle est bonne mais elle n’est pas belle, généralement celle là, c’est pour le crêpier, mais non, là, le responsable avait dit « Génial ! », il lui avait dit que « Bien, on ne te remarque pas, tu as de la présence ! » mais en Américain parce que le réalisateur, c’était un Américain et puis il a dit « C’est bon on la garde » ça aussi en Américain pour la même raison qu’avant.
Remarque qu’elle à l’habitude de ne pas regarder la camera parce que c’est son métier, et puis, dans le cinéma, généralement, il ne faut pas regarder la camera, ça fait pas naturel, c’est la camera qui doit vous regarder, sauf si le metteur en scène dit « Regarde la camera et tu… » dans ce cas là, il ne faut pas hésiter à plonger ses yeux au plus profond de la lentille, parce que dedans, il y a des millions de gens qui attendent qu’on s’adresse à eux les yeux dans les yeux, sans cligner, sinon, c’est pas sincère, sauf si le metteur en scène dit « Tu regardes la camera droit dans les yeux sans loucher et tu clignes les yeux ».

Le cinéma, c’est tout con en fait, il suffit de faire ce qu’on te dit de faire autant de fois qu’on te dis de le faire, jusqu’à ce que le réalisateur dise « C’est bon, on l’a » après, tu passes à la scène suivante, sans t’occuper de la chronologie.
Pour ça, le réalisateur et son équipe, ils trient dans les poubelles du montage pour sortir les morceaux les moins mauvais, et si c’est un mon cuisinier, il peut transformer ça en huile de palmes de Cannes, s’il est mauvais, en Navet.
Avec un bon monteur pour la sauce et un bon mixeur pour le son, tout est possible.
C’est ce que l’on appelle, « la magie du cinéma ».
Finalement dans un film, les acteurs c’est secondaire, ça sert à porter des mots et des costumes d’époque, ce n’est pas important, le premier venu peut faire l’affaire.
Le plus important, c’est le réalisateur, la preuve ? On fait des films à succès avec des poissons, des pingouins, des oiseaux et même des fleurs ! Alors ?
Tu ne verras jamais un dauphin sur une scène de théâtre parce que c’est là, la place des acteurs ! Alors ? Hein ? Ce n’est pas une preuve ça ? Je n’ai pas raison là ? Hein ? Hein ? Ce n’est pas vrai ce que je dis ?

Jef compris tout de suite pourquoi Edwige était la copine de Franck.
C’était la première fois que Jef voyageait avec Franck qui ne disait pas un mot.
Il avait trouvé sa maitresses.
Cette Edwige ? Une fille incroyable ! Sur-boostée vous devriez la rencontrer pour voir j’vous jure ! Elle parlait plus que lui et sans raccourci.
Ça ne me devait pas être évident pour elle sur le plateau quand le gars criait « SILENCE ON TOURNE !»








Chapitre 19
Le secret de Madame Feuillôt

Franck avait des oreilles dans les yeux quand il la regardait parler.
A le voir écouter sa copine, on comprenait que leur histoire, elle était partie pour durer comme un mandat de député maire… Un truc qu’on peut même transmettre à ses enfants s’ils en veulent.
Ils allaient chez Edwige pour causer un peu, et puis Franck lui avait préparé une surprise.
Quand ils entrèrent dans la rue des moulins, Melissa se raidit un peu, si elle avait put sauter de la voiture en marche, elle l’aurait fait !
Mais la cascadeuse du livre, ce n’est pas elle, c’est l’autre fille, Melissa est plus, heu…réservée.

-      Qu’est ce qu’il y a Melissa ?

N’allez pas croire que c’est une question à la con, Jef n’est pas dupe, elle lui avait bien parlé du manoir dans la discussion du café.

-      On va ou là ?
-      Chez Edwige, au 11, détend toi. Qu’est ce qu’il t’arrive ?

Pendant que Franck, s’engageait sur la voie de gauche, Jef en profitait pour se glisser sur la voie du tu.

-      Non c’est rien, ça me rappelle un truc.
-      C’est quoi ce truc ?
-      Je ne veux pas en parler, c’est personnel.
-      Comme tu veux.
Il lui prit la main.

Melissa n’était pas entrée dans la rue du moulin depuis des années.
Pour la petite histoire (entre nous), c’est là que Douyoumdjian l’avait logé quand elle était venue se présenter au casting à Paris.
A l’origine, juste le temps de faire quelques photos.
Elle s’était pourtant retrouvée enfermée dans la pièce du haut avec d’autres filles aussi malchanceuses qu’elle.

C’est marrant le cerveau.
Non en fait ce n’est pas marrant, c’est bien fait, ça refoule.
Le cerveau, c’est un refouloir à mémoire, une gomme, une machine au pouvoir alchimique qui transforme l’encre de chine en jus de citron. C’est peut être pour ça que les asiatiques mangent beaucoup de poisson.

Le cerveau, c’est la meilleure des excuses.
Que répondre à quelqu’un qui vous dit qu’il a oublié, qu’il a mauvaise mémoire ? Rien.
Pas question d’aller fouiller dans ses pages de son vade-mecum spirituel. Une mauvaise mémoire, c’est le meilleur alibi pour perdre ses souvenirs.

Melissa avait complètement oublié son séjour à Chatou.
Mais là, d’un coup, tout lui était revenu comme le boomerang d’un chasseur aborigène bredouille.
Elle, les autres filles, les joints, l’alcool, le manque de sommeil, les formateurs du commissaire et de Dianus, des gars pas rigolos avec des vices à vous clouer au pieu pendant trois jours.
Parce que, soit dit entre nous, elle a quand même beau être super belle et tout et tout, mais Melissa, c’est quand même une pute.
Non mais attendez, fermez pas le livre !
Je m’explique quand même, je vous vois avec votre air de dire « oh la, la, comment il parle des gens lui ! ».
Premièrement, je vous répondrais que Melissa, je la connais mieux que vous, même si on n’est pas super intimes, c’est quand même moi qui l’ai créé, primo.
Deuxio, Je sais que ce n’est pas gentil de parler comme ça mais qu’est ce que vous vous le que je vous dise ? Call girl, entraineuse, péripatéticienne, trainée, fille de joie, ceinture dorée…
Tout ça n’est jamais que des mots pour dire pute et comment on dit client ?
Acheteur, abonné, chaland, habitué, acquéreur, preneur, pilier…
C’est lequel le plus difficile et le plus honnête des deux rôles ?
Travailler ou jouir ? Je vous laisse juge.
Troisio, y en a pas, on n’est pas là pour se fâcher.

Bref, dans la mémoire réchauffée de la pin-up, des mauvais souvenirs étaient apparus sur les pages acidulées de ses souvenir, mistral perdant, et ça n’était pas agréable, on disait bien.
Elle se souvenait avoir fait son baptême du feu dans la rue qu’elle avait vu deux fois, une fois à l’aller et une fois au retour, mais il y a des choses qu’on n’oublie pas, en fait on n’oublie rien, mais je ne vais pas me répéter.

Par respect pour la famille et pour Melissa qui m’est sympathique, je passerais sur les détails.
Laissez moi juste vous dire madame Feuillôt ce que je pense :
-      C’est bien beau d’abandonner sa fille chérie dans les paluches du gros commissaire mais il faut un peu surveiller pour voir ce qui se passe quand même. Flic, c’est un travail, un gagne pain, parfois un casse pipe, le plus souvent un casse couille, ce n’est pas une profession de foi si vous voyez ce que je veux dire.
 (Pour ceux qui ne comprennent pas, regardez autour de vous ou enfiler votre costume d’ethnologue et allez porter plainte par curiosité, mais pas contre moi, merci d’avance)
-      Pstpsit psit scrith scrith pzitk pzitk … (Ici conversation brouillée ambiance Canal + un samedi par moi)

-      Vous quoi ? Mais vous êtes une grosse… C’est dégueulasse ce que vous me dites là !
-      Pstpsit psit scrith scrith pzitk pzitk …
-      Quoi ? Vous n’aviez pas le choix ? Vraiment ? Vous me dégoutez, je sais que les gens ne savent pas ce que vous venez de me dire… J’ai presque honte de le répéter tellement c’est vache.
-      Eh oh ! Et nous, et nous ! crient les lecteurs.
-      Hein ? Quoi ? Vous voulez savoir vous autres ?
(L’interactivité littéraire, génial non ?)

Bon, attendez une minute, je fais un truc chez Edwige et je reviens vous dire.

Quand ils arrivèrent à la maison, Franck était tout blême et un peu tendu, ça se voyait bien malgré le fait qu’il essayait de se contrôler (peine perdue), Edwige qui le voyait perturbé se doutait de quelque chose.
« Il m’a fait crever mes plantes » se disait elle « Ça m’apprendra à faire confiance à un homme »
Intérieurement, elle bouillonnait et était prête à l’étriper.
En même temps, elle se disait que c’est elle qui avait insisté pour qu’elle s’occupe de la maison en son absence alors quelque part, elle se sentait responsable elle aussi, par délégation en quelque sorte.
J’accélère un peu mais pas trop parce que je sais que vous voulez savoir le secret à propos de Melissa…
Vous êtes curieux quand même.
Bon, c’est vrai, en même temps vous avez raison, parce que….c’est vraiment un truc fou si vous saviez !
Imaginez un peu pour voir…
S’il y en a qui ont trouvé, ne le dites pas à votre voisin, il faut ménager le suspense et gagner facile, une page encore, démonstration :

Donc ils arrivaient à la maison.
Franck garait sa belle voiture allemande.
Tout le monde ouvrait les portières pour sortir, tant il est vrai qu’il est plus facile et plus chic de sortir d’une voiture en ouvrant la portière que par la vitre baissée, sauf si la voiture est en mouvement, dans ce cas, pour des questions d’aérodynamisme et d’autres trucs, par exemple si l’on veut sauter dans l’autre voiture qui roule en parallèle, ou simplement monter sur le toit, c’est évidement plus pratique de sortir directement par la vitre, car la portière assure à se moment un rôle de siège improvisé.
Remarquez d’autre part que pour monter sur le toit de son propre véhicule il est préférable :
Petit un : que ce soit un autre qui tienne le volant.
Petit deux : qu’Il y ait une galerie sur le toit, cela facilite les prises.
Voila.

Ceci dit, pour l’instant, il s’agit simplement de quitter un véhicule arrêté sur un parking de graviers.
Tout se passe bien, les portières sont ouvertes et les passagers font pivoter la partie inférieure de leurs corps afin de poser leurs pieds sur le sol tapissé de gravier
Ils posent donc leurs pieds sur le parking gravillonné qui grince sous leurs semelles.
Ça n’est pas tellement que le gravier c’est bien, le gravier c’est plutôt méchant, surtout pour les genoux des enfants qui se vautrent à vélo dedans, en plus c’est assez bruyant le gravier quand on marche dessus, en plus ça prend vitre des marques, cela dit, il y a aussi des avantages.

Deux principalement :
Le premier avantage du gravier, c’est que c’est bien quand il pleut, car le gravier ne colle pas aux semelles des chaussures.
Le second, c’est que le gravier, ça ne pousse pas.
Pas besoin de tondre son gravier, un petit coup de râteau des fois, et voila.
Toutefois, si vous apercevez un jour quelqu’un tondre son gravier, sachez que cette personne n’agit pas dans la norme. On appelle ce genre de personnes des marginales si elles ont des cheveux longs et qu’elles sont habillées en sergent Pepper avec un chapeau melon sur la tête, ou des fous s’ils sont nus avec des palmes aux pieds et une casserole sur la tête.
Finalement, tout est affaire de couvre chef.

Bref, dernier avantage du gravier, et non des moindres, c’est que le gravier masque les traces d’huile et assure le drainage de nos pollutions quotidiennes.
Et voilà CQFD.

A la question : « Pourquoi met-on du gravier sur les parkings ? La réponse est plus haute.
Merci de votre attention, soyez gentils de refermez vos strapontins pour faciliter le travail de la femme de ménage.

Revenons à nos héros.
Les voila dans la maison après avoir ouvert la porte (Car le phénomène est le même pour une maison que pour une voiture, bien que la maison soit immobile, d’où le terme immobilier ou immeuble avec 2M notez bien.
A l’intérieur, plus d’espace que dans la voiture mais pas de volant, des rideaux).
Les plantes ne sont pas sèches, sauf un bouquet souvenir d’une balade en montagne.
Celui là, c’était normal qu’il soit sec.
Grand silence et suspense, quand je vous disais, facile une page ! Hé, hé, presque deux là !

Vous avez deviné parce que j’ai une confiance absolue dans votre imagination et que ça n’est surement pas la première fois qu’on vous fait le coup, Franck avait caché les amis d’Edwige dans la maison pour lui faite une surprise.
Il y en avait partout, derrière le comptoir du mini bar, allongé derrière les banquettes, derrière les coussins du salon, derrière les grosses plantes d’autres encore derrière la porte à gauche.

Remarquez bien que quand on veut cacher quelqu’un, on le met généralement derrière quelque chose.
Une glace sans tain, un réverbère, des lunettes de soleil, la personne concernée, le paravent de l’histoire, un journal avec un trou. Dans ce dernier cas, le trou ne doit pas être trop gros sinon le journal ne sert à rien.

Lorsque Franck dit le mot de huit lettres qui commence par « sur » et qui finit par « prise », tous les amis d’Edwige sortent de leurs cachettes, sauf le mec qui a préparé le punch et qui dort derrière le comptoir.
« Ah ! Ah ! Oh ! Oh ! Ouham ! Hé ! Waouh ! Toi aussi ! » et toute une autre série d’interjections suivis de points d’exclamation et de suspension dit aussi trois petit points, et cætera en latin, voir, etcétéra.
Réjouissances, cris de surprise, rires, sourires partagés, embrassades, joie, langues déliées, de belle mère, re-exclamation, re-suspension et cætera bis.

Je profite que tout le monde est très occupé et du bruit généré par le groupe pour vous chuchoter mon secret, non, pas le mien, mais celui que la mère de Melissa m’a glissé tout à l’heure en forme d’excuse, vous savez le truc crado… Mais je vous laisse juger par vous-même, attention, c’est maintenant.

Ceci est évidement un secret !
N’allez pas le chanter sur tous les toits hein ?
Ça doit rester entre nous, j’espère que je peux vous faire confiance.
A ce propos, arrachez la page suivante si vous prêtez ce livre à un ami (d’avance merci).

En fait, madame Feuillôt, sous ses airs de mère famille respectable et occupée dans sa cuisine, est en fait une sacrée garce, qui pendant longtemps, de très longues et dures années, pratiquait le plus vieux métier du monde après maquereau, et qui, non contente de s’offrir toutes sortes d’escapades anatomiques avec une clientèle nombreuse et avide d’action, en profitait pour tirer (pardonnez moi l’expression) le portrait (c’est une image) à ses passagers les plus aisés au moment le plus… machin.
Bien que la qualité des clichés ne soit pas d’une composition extrêmement artistique, elle arrivait toutefois à en tirer (deux fois) bon prix auprès des principaux intéressés.
Bien évidement, pour cela, elle utilisait les services d’un gogo qui faisait chanter les gugusses et ça lui rapportait bonbon.
Sauf qu’un jour, la malheureuse a fini par fixer sur ses petits rubans impressionnables l’image d’un gars qui le pris très, très (encore un) très mal.
Et un peu comme dans blanche neige, le gars avait embauché un chasseur pour trucider la belle cantatrice (maitresse chanteuse) sauf que le chasseur, c’était notre tout jeune Douyoumdjian pas encore obèse mais encore vivant, et sur la voie de la corruption. (Il allait entrer dans la police quelques jours plus tard, c’est dire l’importance du patron).

Pour des raisons sentimentales, face à l’objet qui lui valut de connaitre les plaisirs de l’acte quelques semaines plus tôt, le jeune homme fraichement débarqué de Beyrouth en feu, n’eut pas le cœur à trucider son con de baptême (passez moi l’expression et un doigt de vin merci) Donc, il la cacha (du verbe cacher) et assassina une innocente passante à sa place. Il vitriola la malheureuse pour la rendre méconnaissable, fit une photographie et s’en alla chercher sa prime.
Il fit promettre à madame Feuillôt de lui donner sa fille pour amende quand il lui demanderait. (On se croirait dans un conte d’effet)
Près de vingt ans plus tard, madame Feuillôt sans coeur, bien connue dans son quartier pour son pâté en croute au foie gras s’exécuta, Voila la dure réalité.
Mais ce n’est pas tout, sinon la tragédie ne serait pas complète, car ce que ne sut jamais Douyoumdjian, c’est que Melissa était sa fille née de sa coucherie avec la prostituée !
Oui je sais, facile… facile… Bien évident facile mais horrible non ?
Le père, inconscient des liens qu’il a avec sa fille unique et secrète, la forme à se prostituer pour lui !
Quand je vous disais crasseux ! Ça valait bien le coup d’attendre non ?
On se croirait dans un drame mythologique grec !

Voila, vous savez tout, les pages qui suivent sont blanches, c’était un gag.

Bon, je ne vous raconterais pas la fête parce que c’est une fête entre amis, si vous avez des amis, vous savez ce que c’est, et si vous n’en avez pas, ce n’est pas de ma faute.
Les bouchons pètent, les pètes tournent, les tournées sont servies, les servis sont ravis, on ravive les vieux tubes, les vieux tubes sortent des enceintes, personne n’attend de bébé.
Les invités rigolent, le punch coule à flot, tout le monde boit, demain les gueules de bois, écorce, liège, bouchon, la boucle est bouclée.

L’occasion pour Franck et Jef de laisser Melissa et Edwige faire connaissance, et qu’elles se lient (de vin) et nouent (des liens) une amitié durable (deux lapines).
Pendant toute la soirée, les filles restèrent ensemble à papoter comme deux vieilles qu’on pine (hommage à Fréderic Dard).
Melissa racontait sa vie à sa façon, et Edwige la sienne sans façon.

Cette même nuit, Paul se réveilla, quelque chose d’étrange se passait dans son corps, il se sentait dans une dimension tout à fait étrangère.
Ça lui fit peur et il n’osa pas bouger.
Le son de sa tête venait de disparaitre mystérieusement.
Il se força à rester silencieux et inerte.
L’esprit en alerte, il surveillait la nuit qui occupait le monde.

Au même moment dans son appartement miteux, Marcel Poulu ne trouvait pas le sommeil.
Dans l’appartement du dessus, les rats organisaient une boum, et Jean-François Cacha faisait les cent pas dans sa tête.
Denise dormait, sa respiration était régulière et silencieuse.
Dans la journée, elle avait visité encore des appartements, mais toujours rien de satisfaisant.
Pendant une partie de la journée, elle envisageât de chercher en banlieue puis se raisonnât.
Il y avait bien un appartement conforme à ses désirs dans les murs de la cité, il n’y a pas que des bureaux dans cette ville quand même !
Ce soir, ils avaient diné Marocain au « Jadida » un restaurant typique avec décoration Marocaine, banquettes et tables basses, brouhaha Marocain (que l’on nomme charabia) et narguilés (Égyptien).
Ils avaient pris une salade niçoise qui n’en avait que le nom couverte de mayonnaise pour deux, ensuite, lui un tagine kefta aux œufs ou se perdaient trois malheureuses boulettes de viandes dans une sauce tomate trop cuite au gout acide masqué par une pelleté de cumin, et Denise avait prit un tagine de poulet aux citrons confits déconfits, deux thés à la menthe insipides et en dessert, un assortiment de gâteaux trop sucrés et trop gras.
Le serveur était aussi absent à leur table que les droits de l’homme dans son pays, mais super présent à la table des clients marocains ou, régulièrement, il trempait un morceau de pain dans le grand plat des clients attablés.
Il n’y a que la facture qui arriva rapidement. Cinquante sept euros ! Un peu verts, ils payèrent en se promettant de ne plus jamais remettre les pieds ici.

Pendant ce temps, quelque part dans Paris, un camion réfrigéré tourne dans les rues en semant de façon aléatoire et à la va-vite, un peu partout, des corps congelés aux doigts coupés.
Quelques un dans la seine,
D’autre dans le bois de Vincennes, (à Göttingen, à Göttingen…)
Certains sur le périphérique,
Au volant Ivo Molocovitch.
Un tour au zoo de Thouary
Un corps avenue de Passy,
Un autre encore à la Villette,
Et encore un rue Barbette,
Deux à Beaubourg,
Un rue de Cherbourg,
Un p’tit quai Branly,
Un rue de Tassigny,
Madame Ledu au père Lachaise,
Monsieur Solas aux invalides,
Quelques corps vers le pont neuf,
Un rue du cherche midi,
Un sur les champs dans un tas de cartons,
Les autres par le train, un pour Menton, Port Bou et Irun, deux autres pour Bruxelles et Londres.
Molocovitch à des amis à la SNCF.
A court d’idées, ils envoient les quatre corps restants sur les voitures depuis des ponts autoroutiers.

Sa tache accomplie, satisfait du travail gâché mais riche de trente mille euros et d’un camion frigorifique, Molocovitch arrose la nuit avec ses copains miliciens autour d’un bon feu de doigts de toutes sortes.
Des caresseurs de pelage, des fripés, des bouffis, des manucurés et des porteurs de bonne parole, d’héroïques résistants ou manquent des phalanges, des coupeurs de jus, des contacteurs, des assureurs, des accusateurs, des pouces voyageurs, des interrogateurs, des petits nettoyeurs, d’autres connus pour leurs promesses de bonheur, des majeurs insultants, bref, des remplisseurs de gants.

A trois heures du matin, un agent tambourine à la porte branlante du logement des Poulu.
Il pleut des morts congelés sur la capitale !

A quatre heures de la nuit, un peu loin de Paris, les semeurs d’empreintes, les tapeurs de digicode, les impatients et les saisisseurs compulsifs ne sont plus que poussière de suif, digitaux scories.
Pas de bijou ni de dents en or, Pérèz avait nettoyé les corps.
Le foyer finit de crépiter et les livreurs commencent à cuver.
Quand ils furent rassasiés toutes les preuves avaient brulé.
Ils s’endormirent en paix.

Attention, moralité :

Quatre serbes imbibés ronflent d’avoir délesté,
Trois cent doigts serpés froids font des cendres chaudes.

Hallucinant non ?







Chapitre 20
Ce brave docteur…

Poulu se levait vite fait et s’habillait en descendant les escaliers.
On avait trouvé douze corps tous congelés avec pour point commun les doigts sectionnés.

-      Qu’est ce que c’est que ce bordel ! S’écria Poulu

Le policier qui lui servait de chauffeur se faisait tout petit.
Le commissaire avait mal mangé, presque pas dormit, et on venait le chercher parce que des corps sans doigts tombaient sur Paris !

-      Mais qu’est ce que c’est que cette ville de débiles ? Bon dieu ! Mais qu’est ce que je fous dans ce piège à con moi ? Qu’est ce que je fous là hein ? C’est toujours comme ça ici ? Ça pète dans tous les coins, il dégringole des cadavres, les appartements sont pourris, les flics ne le sont pas moins…C’est quoi ? une ville ou une poubelle ?
-      Ça va commissaire ?
-      Oui ça va ! Répondit-il sèchement. On va où là ?
-      A l’institut médico-légal Monsieur.
-      Au légiste ?
-      Oui Monsieur
-      Encore lui !
-      …

Le légiste était en transe, c’était trop beau !
Son laboratoire se remplissait comme si on rasait gratis. Toutes les cinq minutes, un nouveau cadavre faisait son entrée.
A ceux congelés, s’ajoutaient les automobilistes qui étaient entrés en contact avec eux.
C’était l’usine chez le nécrophile, et on travaillait à la chaine.
C’était facile de reconnaitre les uns des autres, même si la décongélation avait eut lieu pour certains, ce qui modifiait considérablement leur apparence et les extrémités. On reconnaissait les morts décongelés à leur absence de doigts, les autres, même en bouillie, c’était des accidentés traditionnels.
Il fallait faire des photos, des relevés de cicatrices ainsi que des empreintes dentaires, pour essayer de relever les identités des corps tombés du ciel avant que les dégâts de la décongélation ne rendent les corps vraiment méconnaissables.
Il aurait fallut les recongeler mais c’était déjà trop tard pour les tissus, recongeler aurait fait exploser ce qui restait de fibres et puis :

-      On ne recongèle pas un produit décongelé ! Avait précisé le punk légiste.

Le marchand de sale était passé.
Ce mec avait vraiment une façon d’envisager les événements qui choquait la morale de Poulu et donnait des coups de pieds dans les rotules de son éducation.

On se serait crut dans une cuisine de restaurant à l’heure du coup de feu, ça envoyait du gros !
Ça rentrait par là, passait sur la table des photos, celle des cicatrices, celle des empreintes dentaires, et hop ! Dans la housse et au frigo rythmé par le refrain :

-      Emballé c’est pesé !

L’atterrissage avait été un peu violent et certains corps avaient roulé sur quelques mètres avant de trouver un obstacle où s’arrêter, ce qui les avait tellement abimés, qu’on ne pourrait jamais les reconnaitre.
Avec un coup de chance il y aurait une possibilité de les identifier grâce au fichier des disparus, peut être avec leurs empreintes dentaires ou éventuellement avec leurs codes génétiques…
Pour les autres, ce sera tant pis pour les familles.

Le pire, c’était les enfants.
Non pas que ce ne soit pas dur de voir des adultes morts et traités comme ça, évidement que c’était dur, Poulu à un cœur quand même, si vous avez cerné le personnage...
Mais quand le premier petit paquet est arrivé devant Poulu, immédiatement, il a pensé à un nain.
L’esprit humain tente toujours une extrême galipette pour se préserver.
Pour l’esprit du commissaire, c’était évidement un nain, ça ne pouvait pas être autre chose…

C’est quand le légiste à ouvert le sac devant lui que là, pour Poulu, la terre s’arrêta au frein à main et son être trébucha, laissant sa conscience en retrait.
Voir ce petit être avec cette corde enchâssée dans son cou, ficelé, garrotté à l’espagnole, la poignée en bois du jouet ayant servi à tordre le fil pour serrer et empêcher le sang et l’air d’effectuer leurs allers retours vitaux dans le corps de la fillette, pauvre petite innocente aux mains d’un meurtrier sans scrupule, sans morale, sans dieu ni humanité, un meurtrier qui a tellement serré que la corde, incrustée profondément dans la chair de l’enfant, en était invisible…

Poulu était terrassé par la vision de l’enfant et ses jambes se firent de coton et de latex.
Malgré toute sa volonté, Marcel Poulu, brave type qui n’a rien demandé au monde, ne put se maitriser, c’en était trop pour lui, il sombra dans l’inconscience.

Allongé sur une table d’autopsie, ce sont quelques bonnes claques dans la truffe qui le rappelèrent à la réalité de sa fonction.
Poulu se réveilla en trembla sans pourvoir reprendre le contrôle de son corps.

-      Ça va commissaire ?
-      Les monstres, maudits soient ceux qui ont fait ça !
-      Qu’est ce qu’on fait commissaire ?
-      Ce qu’on fait ?
Poulu avait les yeux rougissants cernés de bleu, il suait à grosses gouttes et était pris de spasmes.
-      Ce qu’on fait ?
On déclenche !
On appuie sur tous les boutons, je veux un agent dans chaque rue d’Ile de France, Alerte rouge ! Plan Vigipirate ! Sécurité absolue !
Fouille, contrôle, recherche, interrogatoire, rafle, paranoïa générale et couvre feu comme en 40 !
Tout doit être mis en œuvre pour protéger l’honnête citoyen, je veux un couvercle de plomb sur la presse, pas un mot ne doit filtrer, s’ils éditent le moindre article, on fout toute la rédaction en tôle !
Je chie sur le droit à l’information compris ?
Je veux l’armée, s’il n’y en a pas assez, l’ONU, la CAFOR ou n’importe quel corps d’acronyme venu, avis à tous les postes de la police municipale, nationale, gendarmerie, interdiction de dormir !
Tous les congés et week-end sont annulés jusqu’à ce qu’on ait choppé ses enfants de putain !
Restez couchés dans vos lits les gens, la France à peur et moi aussi, et vous aussi vous devriez avoir peur ! L’ennemi invisible plane sur le monde, Ils sont parmi nous ! Les loups sont entrés dans Paris, les brigades franchissent les Pyrénées !
Ein zwei, ein, zwei !
La vengeance du couscoussier géant !
Espelette mon amour !
Si tu vois José, dit lui que les corses sont d’accord ! Les quatre cavaliers de l’apocalypse viennent venger le corps du fils de l’homme !
A genoux devant ton seigneur, c’est la fin du monde petite fourmi malodorante !
La foire à la tripaille, crue, cuit, congelé, c’est le bal à la momie ! Le retour de la colère de dieu !
Foi de Poulu, les carottes sont cuites !
Appelez l’intérieur, on ferme, c’est la faillite, on met la clé sous la porte, échec complet, ratatinage général sur toute la ligne. La saison des geulaces est arrivée, les sorcières de l’enfer livrent des corps congelés pour des vampires en chaleur !
Je crois que je dois vomir !
Des clopes ! Donnez-moi des clopes !
Une avalanche de cigarette s’abattait sur le commissaire…
-      Emballez c’est pesé !
…qui en alluma une puis la posa sur le cendrier qui était à son coté. Il en alluma une autre pour sa main droite, une pour la bouche puis sa main gauche et une autre encore. Il mit deux paquets et trois briquets dans ses poches avant de quitter l’institut le corps pris de spasmes.
Avant de passer le porche du bâtiment qui mène dans la rue, Poulu leva les yeux au ciel pour s’assurer qu’aucun cadavre n’allait se scratcher sur sa tête.
Il marchait à pas mesurés vers une destination inconnue et levait les yeux au ciel régulièrement pour se prémunir si des fois, un parachutiste sans parachute tentait un atterrissage sur Paname.
Sans préméditation, il se trouva devant une jolie petite église toute blanche, immaculée, lovée entre deux gros bâtiments et éclairée par un rayon de lune argentée et surtout des lampadaires au sodium.
Elle semblait surgie pour Poulu, apparue comme par miracle pour lui apporter une réponse, un réconfort.
Poulu désirait entrer dans le lieu, attiré par la force mystique qui s’échappait des murs du sanctuaire.
Il s’approcha de la porte et la poussa pour, une fois dans le sein du lieu de culte, se recueillir auprès du tout puissant, mais la porte resta immobile.
Même le seigneur avait plié boutique.
Sur une affichette, on pouvait lire :

Ouvert de 9 h 00 à 11 h 00
Et de 14 h 00 à 16 h 00.
En cas d’urgence demandez Bernadette,
Pour les miracles, prévoir un délai.
Merci.







Chapitre 21
La main passe

A dix heures et des prunes, Cacha entrait dans le bureau du commissaire Poulu.
Celui-ci dormait profondément, un mégot éteint dans sa main gauche, et dans sa main droite, un Bic fondu au bout avait coulé sur ses papiers.
Ça sentait le foie d’alcoolique et le désespoir.
Cacha secoua Poulu qui ouvrit un œil.

-      Et bien commissaire, qu’est ce qui vous arrive ?

Poulu émergeait avec difficulté de son coma. Il avait les joues grises marquées par les plis des papiers sur lesquels il s’était assoupit, et il portait des traces d’encre qui avaient coulé de son Bic sur ses doigts qu’il avait utilisé pour se gratter le coin de l’œil.

-      Bonjour monsieur Cachakopoulos, je suis fatigué, contemplez moi, que voyez vous ?
-      Un homme fatigué.
-      Oui, fatigué.
-      Vous êtes sorti ?
-      Non, ce sont les morts qui sont de sortie, oh ma tête !

Il ouvrit un tiroir de son bureau et s’enfila trois aspirines qu’il poussa avec un peu de gin.
Une bonne dizaine de minutes défilèrent comme à l’enterrement du temps, en silence.
Poulu reprit la parole.

-      Dans la nuit, les agents ont ramassé vingt trois cadavres tombés du ciel, vingt neuf accidentés de la route dont sept morts, le préfet est en transe, le ministre de l’intérieur veut mon scalp pour le poser sur sa cheminée, des terroristes bombardent les lieux publics, et en plus, j’ai repris la cigarette, nous, je nage en plein drame. Je suis trop vieux pour tout ça. j’ai dépassé la date limite de conservation, je suis au bout du rouleau, j’ai fait une grosse erreur de venir ici, tout était trop calme dans ma vie, je me sens comme un piranha au milieu d’une bande de poissons rouges, un surfeur entouré de requins blancs.
-      Ne vous abattez pas commissaire, tout ceci finira bien par s’arranger un jour, courage, reprenez du poil de la bête, tout ceci n’est qu’un mauvais rêve, ça va finir.
-      Vous croyez ça ?
-      J’en suis persuadé.
-      En plus le directeur refuse ma démission tant que les affaires ne sont pas résolues.
-      Et bien il ne nous reste plus qu’a résoudre ces énigmes une bonne fois pour toute, vous aurez ensuite bien le temps d’envisager votre départ ou pas.
-      C’est vrai, je ne vous ai pas convié pour pleurer sur mon sort, je suis désolé de vous offrir un tel spectacle.
-      Il n’y a pas de mal commissaire, je partage votre désarroi.
-      Sortons boire quelque chose, je déteste ce bureau.
-      Un café d’accord ?
-      Oui, un café si vous voulez.

Ils s’installèrent en face du poste de police ou se trouve le bar « Le tigre » clin d’œil aux brigades de Clemenceau.
Dans les faits, le rendez-vous des tirs-au-flanc et de ceux (nombreux) qui déjeunent liquide uniquement, principalement à la bière.
Le sandwich jambon-beurre (surnommé ici le « Raton-ralouf » par quelques flics bien fachos dont nous avons le secret au pays de la fraternité) sert uniquement d’éponge à Kro.

Pour l’heure, le bar à Poulet se trouve quasiment vide et sent le vieux pied, le tabac froid, et la bière éventée car toutes les équipes disponibles sont sur le terrain (pas de boule exceptionnellement), pour chercher les œufs de pâques disséminés dans la capitale par la cloche serbe, ainsi que de tenter d’éviter une nouvelle attaque terroriste.

L’histoire des atterrissages de cadavres était bien étanche, rien n’avait filtré, aucun canard n’avait tiré sur l’événement, ceci dans l’intérêt du peuple et la sérénité du citoyen consommateur.
-      Je n’aurais jamais cru qu’il s’en passait de telles dans la capitale, moi, je ne voulais pas venir, c’est ma femme qui a insisté vous savez. Si c’était de moi, je serais resté à Tours, j’étais bien à Tours, c’était tranquille, la vielle est jolie, les gens décontractés, à part quelques broutilles, des conneries de jeunes, ça allait.
-      C’est partout pareil non ?
-      Ah non, non ! Pas du tout ! Ici c’est fou ! Ici ? C’est des malades ! Les gens, les flics, le système, tout est pourri jusqu’à la racine ! En fait, ce qu’il faudrait, c’est raser la ville !
-      Vous parlez sérieusement commissaire ?
-      Qui moi ? Non, vous ne me comprenez pas, ce que je veux dire, c’est qu’on est en plein apocalypse ! Des commissaires ripoux, des bordels pour décorés de la rosette, des lieux publics qui se transforment en pop corn, des morts qui volent ! Si on était en Amérique, je veux bien, mais ici c’est Paris, on n’est pas des sauvages, ce n’est pas Roswell ou Chicago, on est à Paris, la ville lumière, petits meurtres très chic entre ami, mondains comme il faut quoi, vous me comprenez ? Normalement, les histoires d’attentat, c’est facile, c’est les arabes des banlieues pour Paris, les breton pour l’ouest, les indépendantistes Alsaciens pour l’est, les Basques pour le sud ouest et les corses pour le sud est, c’est simple, ils revendiquent, on s’emmerde pas à tergiverser pendant deux plombes pour chercher les coupables. C’est, comment dire ? Politiquement correct non ? Ça rentre dans l’ordre des choses quoi. Pour les breton, les alsaciens, les basques et les corses, on ne dit rien, c’est politique, ça sert toujours une opposition, les arabes on les dégomme d’une balle dans la tronche, ça fait bavure, mais l’état à des agents sur actifs qui nettoient les taches de beur et ça ne va pas plus loin… hein ?
-      Je vous sens surmené commissaire, votre discours est un peu limite si vous voulez mon avis.
-      Non, je vais bien, très bien en fait.

En trois minutes, le commissaire à l’œil de dalmatien avait allumé sept cigarettes, mit sa petite cuillère dans sa poche, et il était en train de boire le café de Cacha, le sien lui servant de cendrier.

-      Si on allait voir les dossiers dans votre bureau ?
-      Oui, vous avez raison, ça pue ici.

Ils sortirent du café. Poulu avec son café à la main sous le regard hagard du serveur qui n’osait prendre la voie du délestage en interpellant son dérobeur de céramique annelée (ou ansée).

De retour dans son bureau, éclairci par le café, Poulu se rendit compte des dégâts et constata le fait. Il avait carrément pété les plombs durant la nuit. Tout était sans dessus dessous, et il avait couvert des pages et des pages de dessins, symboles, de colonnes, de chiffres, plein de dessins de morts qui planent évacués par des soucoupes volantes.
Il y avait des mégots de cigarettes qui trainaient partout et deux bouteilles de gin dont il ne se souvenait pas où il avait put les acheter, s’il les avait but seul, ici ou ailleurs, rien de ce qu’il avait fait. Rien ! Trou noir complet !

Les dossiers des différents attentats étaient sur le bureau. Jef les compulsait et dressait sur une feuille la liste des lieux et le nombre de victimes.
Pablo Picasso : 17 morts et 1 blessé.
Papagayo Private : 42 morts et 2 blessés.
Piccadilly Peanuts : 44 morts et 6 blessés.
Pocoloco Pub : 24 morts et trois disparus.
Petit Paris : 15 morts.

-      Ça fait 142 morts, 9 blessés et 3 disparus, dites donc, ils ne rigolent pas les poseurs de bombes, c’est Bagdad !
-      Et vous ne savez pas tout Cacha, on à découvert les acheteurs du centre commercial.
-      Ah, voila une bonne nouvelle commissaire !
-      Non, pas du tout. C’est un clochard et un junky bien connus dans le quartier auquel quelqu’un a surement dut donner de l’argent, car le payement est en liquide pour acheter la valeur de deux caddies soit cent cinquante bouteilles d’alcool à bruler et cent cinquante bouteilles d’acide chlorhydrique, on a retrouvé les bandes de passages aux caisses ainsi que celle de l’achat au rayon produits d’entretien.
-      Et eux ?
-      Eux ? Ils devaient surement avoir un petit engin explosif avec eux, parce qu’ils ont explosé à la porte du magasin de fringues, les deux gars ont été les premiers à mourir, leurs restes brulés ou mangés par l’acide chlorhydrique, de nombreuses personnes sont mortes ou fortement intoxiquées par les émanations de gaz, pour les deux porteurs, zéro indice, eux, ce sont les dindons de la farce, ils se sont fait couillonner comme des chapons, on a les vidéos, ils ont flambé comme des moines tibétains.
-      Vous pensez qu’ils ont une part active ?
-      Non, ils ont certainement été utilisé à leur insu, le directeur du centre commercial est un brave type, il leur refilait presque tous les jours des produits la veille qu’ils soient invendables, et certains clients et propriétaires de boutiques leurs donnaient leurs voitures à garder ou à laver. Le directeur voulait les embaucher en gardiennage, mais le clochard était anarchiste et l’autre toujours défoncé à je ne sais quoi, alors, ils travaillaient plus ou moins bénévolement contre une petite pièce ou un billet, ils vivaient dans un boxe fermé situé sur le parking, ils n’avaient vraiment aucune raison de s’attaquer au magasin ! Tenez, ça c'est les photos de leur boxe, regardez, électricité fournie par le centre commercial, téléphone de gardien, donc internet, télé, réfrigérateur plein, mobilier d’exposition ou abimé donc invendable. D’extérieur, leur « Squat » ne payait pas de mine, mais dedans… Tout le monde n’est pas équipé comme eux l’étaient !
Non, ce que je pense, c’est que comme ils avaient l’habitude de surveiller les voitures des gens, les terroristes ont dut profiter de leur serviabilité et de leur disponibilité pour en abuser tout en sachant que personne ne se méfierait d’eux.
-      C’est donc qu’ils connaissaient les terroristes.
-      Oui c’est sur, seulement le problème c’est qu’ils ne sont plus là pour dire qui leur a refilé le pognon, ni même pour nous dresser une liste de leurs clients, le centre brasse environs quinze cinq milles visiteurs par jours, alors, allez trouver qui ! Pour l’instant, j’ai une équipe qui ne travaille que sur les bandes vidéo pour un résultat nul de nul. Vous voulez un gin ?
-      Non merci
-      Bah…
-      Le Papagayo, le Pocoloco, le Petit Paris…
-      Ouhai, pour tout ça, fait un paquet, même scenario, conduite de gaz de ville, coup d’hache dans l’tuyau principal, une tige de huit et badaboum boum !
-      Vous voulez une clope ?
-      Non merci.
-      Beuh… Si vous voulez des photos, y en a plus qu’il n’en faut, ce mec est immonde et méprisable.
-      Qui ?
-      Le photographe, regardez moi ça, c’est à gerber !
Poulu lui enseignait la photo de Pablo Picasso.
-      Arg. ! C’est répugnant !
-      Ce n’est pas la pire. Vous voulez voir les autres ?
-      Non, ça va, j’ai compris.
-      Avisez Cacha, le problème c’est qu’il n’y a pas de revendication, c’est ça qui ne va pas. Normalement, les gars qui font péter des bombes, c’est parce qu’il ne savent pas causer alors ils font péter, dénigrant le droit de vie des autres, centralisant tout sur leur cause individuelle ou sectaire, une espèce d’action egocentrique, le cœur du noyau, c’est le moi non exprimé, voir l’incapacité à exprimer son moi profond, né certainement d’un problème dans l’enfance ou l’incapacité à utiliser l’énergie sexuelle dans une utilisation constructive d’un environnement culturel ou social, enfin j’suis, j’dis des trucs, mais bon, je suis pas Schopenhauer…
-      Freud.
-      Hein ?
-      Freud.
-      Oui Freud, j’suis Poulu moi, si les gens nous parlent pas, on peut rien faire pour eux, si les terroristes disent rien, revendiquent rien, grand blanc. Pas un message à un journaliste, une ambassade, un politique, pas même des railleries en direction de la police pour se moquer de son incapacité à stopper l’œuvre et protéger le peuple, rien, rien, rien, vous êtes certain que vous voulez pas un gin ?
-      Non merci, vous ne devriez pas boire autant.
-      Bah ! Vous savez, on dirait que les terroristes, font ça juste pour tuer les gens, un truc gratuit, méchant, pour une raison inconnue, psychiatrique peut être, un truc qui m’échappe en fait, juste pour semer la terreur et la mort ou pour je ne sais quelle autre raison. Le seul point commun entre tous les lieux c’est P.P. Ça vous dit quelque chose à vous ?

Il faut moins d’un quart de seconde pour que Jef soupçonne que ce ne soit pas un groupe terrorisme mais un seul terroriste, le plus furieux tueur et sans raison apparente particulière que Jef connaisse, le seul qui sème la mort autour de lui parce que.
Bien confirmé ! Vous avez bien deviné, et oui, Paco Pérèz c’est évident !
Bravo ami lecteur ! Je reconnais bien là ton talent, toi que j’aime comme je m’aime. (Hommage à Franck Dubosc)
En fait, Jef avait passé tellement de temps à l’appeler Pépé, plus le fait de l’avoir vu s’enfuir à moto (selon Franck le taxi) juste après l’attentat du Petit Paris.
Le vice et la folie logée dans la tête du semeur de mort, aurait dut faire que Pérèz se calle dans la foule des curieux anonymes plutôt que de snober l’événement.
Jef calculait que si Paco Pérèz était parti si vite, sans même mettre son casque (puisque Franck l’a reconnu) c’est qu’il a dut avoir peur que justement, Jef ou Franck ne le reconnaisse dans la foule.
Il n’en fallut pas plus pour allumer une lumière rouge (symbole de danger) dans l’esprit du détective du siècle.
Mais il ne pouvait pas le sortir comme ça au commissaire Poulu.

-      « Le Terroriste ? Mais bien hardi que je le connais ! C’est mon concierge, le même qui a congelé les cadavres que mon nouveau concierge à semé dans les rues hier soir, ne vous faites pas de bile commissaire, tout ceci est une effroyable méprise ».

Non, il ne pouvait pas, ça la foutait mal, mettez vous à sa place.
Il fallait trouver une combine pour que ça paraisse plus réfléchit.
Il y avait surement un message codé dans les actions de Pérèz (non cotées à l’IBEX35), dans la façon, le nom des rues ou des lieux, surement des lieux d’ailleurs, c’est avec ça qu’il fallait concocter la soupe à servir au commissaire façon Dan Brown, spécialiste des messages codés… : « Frissonnons en subséquent les impressions de Robert Langdon, discernez le cryptogramme Léonard ? ».

Ce qu’il fallait que Jef s’assure à tout pris, c’est que la trace des congelés ne remonte pas au numéro 12 de l’impasse des sinistrés.
Molocovitch avait sacrement gâché le travail, balourder comme ça les gens dans la ville, ce n’était pas malin, ça faisait beaucoup de soupçons et d’événements autour de l’impasse des sinistrés.
De là à ce que ça fasse remontrer à la surface les événements du ball-trap entre bandits, ça n’était pas loin.
Par déduction, un flic moins bête que les autres (;¬º) pourrait même remontrer jusqu’à Cacha et alors là, pas cool, mais alors, pas cool du tout.
Poulu se resservait un gin.

-      Dites moi commissaire, vos morts qui volent, vous voyez ça comment vous ?
-      En levant la tête…
-      Non, sérieusement.
-      Sérieusement, j’avoue que je suis un peu sec.
-      Le fait qu’ils soient congelés, ça vous inspire quoi ?
-      Bof.
-      Est-ce que vous pensez que c’est au cours d’un vol qu’ils se sont congelés ? Peut être en tombant d’avion non ?
-      Possible, j’ai pensé à ça au début aussi, aux extra-terrestres aussi, ce qui reste la thèse la plus probable à mon idée, parce que les traces impacts montrent que les d’atterrissages n’étaient pas si violents. A mon avis, si on exclue les soucoupes volantes, il reste l’hypothèse de la chute d’un véhicule, mais vu le nombre, il aurait fallut un camion, qu’on les aurait jeté d’un camion réfrigéré en marche. Hum… Et puis ces histoires de doigts coupés, ça me titille…
-      Comme si on cherchait à masquer leur identité ?
-      Oui c’est ça comme si…
-      Comme on coupe les oreilles ou la peau de la cuisse des chiens des laboratoires ?
-      Oui c’est ça comme on…
-      Et il y a combien de chance de retrouver les identités des gens ?
-      Peu très peu, sauf s’ils avaient des dossiers ortho-dentaires des tatouages spéciaux, un fichage policier ou un handicap spécial, sinon la probabilité est d’une chance sur trente six virgule deux, c’est peu.

Un homme du commissaire entrait dans le bureau sans frapper, il regardait son chef un verre à la main, et constatait le bordel qui régnait dans l’antre de l’autorité fumée au gin.
Il avait des fiches faxées à la main, et s’annonçait à contre cœur comme si les policiers restés pour coordonner depuis leurs bureaux avaient tiré à la courte paille pour savoir qui irait porter la mauvaise nouvelle.
Poulu le regardait en silence, l’œil redevenu vitreux, le dos bien callé dans son fauteuil, bien croit, les bras croisés, plus que le regarder, il le toisait.
Le flic se sentait minuscule et sobre mais puisque être au bout du plongeoir, autant y aller.

-      Voila commissaire, j’amène de l’insolite.
-      Quoi donc mon petit, le peuple des catacombes sort de terre ?
On entend chanter « triller » dans les caveaux du père Lachaise ? Le soldat inconnu à décliné son identité ?
Le général revient pour la Xième fois ? Il tient la main de Napoléon le hun, Mitrant et Louis soleil ?
Il va falloir organiser une course à sac et une tombola pour savoir qui doit réoccuper la place ?
-      Non monsieur.
-      Bien tout va bien alors.
-      Non monsieur, on a six corps en plus, cinq dans des trains couchettes et un dans la seine.
-      Oh… ben ça va… oulala… Vous m’avez fait peur avec votre entrée de catafalque, bah ! Pfou ! J’ai cru un truc… « Paf ! » comme aurait dit Funès. Du genre mauvaise nouvelle, alors racontez moi un peu coco, contez moi les morts comme les moutons.
-      Voila le hic, c’est qu’il y a un homme à nous dans le lot.
-      Ah bon ? Je le connais ?
-      Non monsieur, il fait partie des disparus d’avant votre arrivée monsieur.
-      Bien, au moins on l’a retrouvé, figurez vous, vous m’avez fiché la trouille à cause des plannings, si c’était un gars à nous il y aurait fallut refaire les plannings alors là…Pfou, le boulot !
-      Ça va commissaire ? Demanda Cacha qui s’inquiétait de voir ce dernier les pupilles dilatées et plein de tics. Ça avait l’air super dur pour lui, Poulu se fendillait de la coquille.

Alors que c’était Jef qui avait posé la Question, Poulu répondait au policier.

-      Oui ça va, et vous mon petit, comment allez, vous ?
-      Bien monsieur Merci.
-      Ça vous plait votre travail ?
-      Bof, c’est un peu pénible en ce moment.
-      Oui c’est un peu raide hein ? Dites moi mon petit, vous êtes marié ?
-      Non monsieur.
-      Vous n’êtes pas pédé tout de même ?
-      Non j’ai une fiancée monsieur.
-      A c’est bien ça, c’est bien.
-      Des enfants ?
-      Non monsieur.
-      Ah tant mieux ! Si vous mourrez demain, vous ne laissez ni veuve officielle ni orphelin, c’est toujours déjà ça. C’est bon, c’est meilleur pour leur études, les pauvres petits sans papa. Et puis un sentiment de vengeance non assouvie, ce n’est pas bon pour la concentration, les études, ça force à intérioriser pour canaliser les mauvaises énergies, à la fin, ça vous mange.
-      J’ai du mal à vous suivre monsieur.
-      C’est parce que le terrain est glissant, mais ça n’est pas grave. Alors, parlez-moi un peu de ce flic inconnu de ma personne.
-      Émile Huissant, dans le service on l’appelait Mimile.
-      C’est une blague ?
-      Non.
-      C’est un nom ça ?
-      Oui monsieur, c’est même une des raisons pour laquelle il est rentré dans la police, tout ses anciens camarade de classe ont fait au moins cinq ans ferme.
-      Ce n’est pas vrai.
-      Si monsieur, garanti.
-      C’est un peu con comme nom non ?
-      Non monsieur.
-      Ah bon, moi je trouve ça un peu con et vous Cacha ?
-      …
-      Vous ne répondez pas, vous avez raison, Cacha avance masqué.
-      Et vous mon garçon comment vous appelez vous ?
-      Sisse monsieur, Paul.
-      Paul Sisse ! Ah ouhai, c’est pape mal non plus. Sérieusement hum, qu’est ce qu’il faisait dans le train l’autre ou est ce qu’il allait Huissant ?
-      A Londres monsieur.
-      Ah bon ? Mais qu’est ce qu’il allait faire à Londres, il est sur la piste d’irlandais ?
-      Non monsieur.
-      Alors ?!
-      Je ne sais pas monsieur.
-      Vous ne lui avez pas demandé ?
-      Il est mort monsieur.
-      Ah oui, c’est vrai, j’avais complètement zappé. Mais dites-moi il avait un billet ?
-      Non monsieur.
-      Oh ça ce n’est pas bien, vous lui mettrez un blâme, prendre le train sans billet, ce n’est pas honnête, même si les tarifs sont abusivement ruineux pour un service public, il ne doit pas refuser de se laisser traire comme les autres.
-      Excusez-moi, mais il est mort monsieur ! On lui a coupé les doigts, les oreilles et le sexe, de plus il a la cuisse déchiquetée. Mort de mort, l’odeur est pestilentielle parait-il, arrivé à Londres, il a été découvert dans un compartiment fermé à clé de l’extérieur, c’est sa carte de police située dans sa chaussure qui a permis son identification, évidement l’information est confidentielle, la SNCF refuse que les medias soient au courant, une baisse de fréquentation l’obligerait à adopter des prix de transport décent, moins cher que l’avion, c’est impensable !
-      Vous y allez au compte goutte Sisse. C’est quoi ? Un jeu de piste ?
-      Non, je vous ménage monsieur.
-      Oh, comme c’est gentil, approchez vous que je vous pince, la joue… Venez, approchez donc.
Gnac !
-      A l’eau z’âne ! Arrêtez de me ménager petit Sisse ! Ne soyez pas sot Sisse ! Ne vous embarrassez pas, mettez tout sur le coup tôt Sisse ! Il ne faut pas que ça dure Sisse ! Soyez franc Sisse, et dites moi quel sont les autres cas Sisse !
-      Wuatre atwes corrps en twain. RRahhhh ! Ça fait wal !
-      Tenez buvez !
-      Werwi !
-      Allons mon petit ! allons !
-      Bon qwatre autrwe corps en train. Irun, Port Bou, Bruxelles et Menton.
-      Poing dans la gueule !
-      Comment ?
-      Irons pour vous brusquer le menton : poing dans la gueule, c’est un message codé ! Enfin ! Appelez-moi Dan Brown !
-      Attendez, un autre dans la seine, tous les six ont les doigts coupés et sont décongelés, ceux des trains ne sont pas tombés du ciel.
-      Ou alors ils ont bien visé.
-      Comment vous sentez ça commissaire ?
-      Je sens mal, je ne sens pas en fait. Il y a surement un lien entre tous, un collectionneur de doigt comme les nazis ?
-      Vous devriez rentrer chez vous commissaire, vous reposer.
-      Où ça à Tours ?
-      Non, à l’appartement, dormir un peu, réfléchir, prendre du recul, je vous sens au bout du rouleau, sauf votre respect.
-      Pourquoi ? Non, je vais très bien.
-      Je crois que votre collègue à raison Commissaire vous devriez aller vous reposer un peu.
-      Non, je ne peux pas aller chez moi, c’est moche, ça pue, c’est sale, un appartement de merde dans une fille de cons, je ne veux pas aller la bas, c’est vilain !
-      Allez à l’hôtel ou à l’hôpital, mais il faut vous reposer, sinon vous aller péter les plombs, si vous rester ici, vous allez disjoncter c’est immanquable !
-      Vous croyez monsieur Cacha ?
-      C’est certain !
-      Bon d’accord, je vous écoute. Bien, je vous laisse la boutique, moi j’me casse, j’en ai plein le cul de toutes ces emmerdes ! Écoutez-moi bien Sète.
-      Sisse monsieur.
-      Personne ne rentre dans ce bureau à part mon bon ami Cacha ici présent, entendu ? Je lui laisse ma place et mes responsabilités le temps que je revienne. Je vous fais confiance Saint Queue.
-      Sisse.
-      Amenez lui du frais quand il y en a, même du congelé ce n’est pas grave. Maintenant le Chef c’est Cacha et si ça constipe ce vendu de préfet… J’m’en branle !

Le commissaire attrapait sa veste, et sortait en la trainant derrière lui comme un chiffon.
Un sale coup en vérité pour Poulu.

-      C’est trop dur pour lui. Le commissaire ne fait pas le poids, déclarait Sisse. Le pauvre, il vient juste d’arriver et c’est la guerre, ça n’arrête pas, ça n’est vraiment pas de bol pour lui, il n’a même pas eut le temps de s’adapter, c’est rude pour une fin de carrière.
-      Oui, mais on va l’aider, vous avez tous les dossiers là ?
-      Oui les deux en cours, attentats et corps congelés. Attention, ce sont des originaux !

Cacha s’intéressait plus particulièrement aux attentats, car il avait l’avantage sur la police de savoir qu’il n’y aurait plus de chutes de givrés. Les attentats, c’était le plus urgent.
S’il arrivait à goupiller un truc entre les deux affaires, ce serait pas mal. Une pierre deux coups, pointer Pérèz une bonne fois, et tout serait fini.
A la vue des dossiers des congelés, il lui revenait à l’esprit qu’il n’y avait pas tellement d’habitants du 12 selon l’inventaire qu’ils avaient fait dans le bloc (si je puis dire), il devait y en avoir quatre ou cinq fondus dans la masse (pardon vraiment) ça ne représentait pas un gros risque finalement, en tout cas, pas flagrant au point que toutes les polices de France s’acharnent sur la pauvre impasse des nouveaux milliardaires.
L’important était de deviner ou est ce que Pérèz allait faire péter les autres bombes s’il lui venait l’envie, il y avait surement une logique.

Le cerveau de Jef était aussi fertile que le plateau d’Oujeft pour ceux qui connaissent, pour les autres : 20º11’N – 13º03’O. Tourne vire, il n’y avait rien à l’horizon qu’une vague piste qui allait se perdre dans des dunes vierges et hostile, vraiment pas le genre d’endroit ou l’on se rend pour trouver la voie d’un avenir rutilant se profiler à l’horizon.

Comment se mettre dans la tête de celui qui avait fomenté les coups de gaz ? Jef imaginait que s’il avait fait péter Pablo Picasso, c’était peut être pour dire « Je suis espagnol et je suis un artiste ». Pour le Papagayo, un nom espagnol, peut être que le flic qu’il avait torturé avait parlé du club, le Piccadilly pour les cacahouètes du condamné, un hommage posthume en sorte, Le Pocoloco, encore un nom espagnol, ça veut dire un peu fou, est ce que Pub c’est pour publicité ? Et le Petit Paris, un étroit rapport au Grand Madrid ?
Voila ce que Cacha s’autorisait comme exercice mais rien ne disait que c’était bon.
Cette façon de procéder, il devait y avoir autre chose.
En tout cas, avec sa moto, il pouvait tourner en ville en toute liberté, Avant de l’attraper, accroche toi Simone.

Il était parti si vite, que Jef n’avait même pas vu la moto, et Franck n’avait rien put dire quand Jef lui avait demandé plus de détails.
Franck lui avait juste répondu que lui, les motos, il ne connait pas. Que si ça avait été une voiture, pas de problème, il aurait put lui dire, parce que les bagnoles, en tant que taxi, ça la foutrait mal de ne pas connaitre. Mais les motos, à part passer au rouge et faire des queues de poisson, et qu’un client à lui, un médecin, les appelait les donneur bike, rien à voir avec les Donner Kebab, et encore des fois… non, le médecin il disait « Donneur Bike » rapport aux accidents à répétition qui permettaient, quand les accidents n’étaient pas trop loin, les secours rapides et le choc pas trop violent, de faire une vraie cueillette d’organes bien frais, et en bonne forme, parce que c’était souvent des jeunes…
Sur le coup, Jef avait dut l’arrêter dans son monologue parce que Melissa ne se sentait pas bien.

Jef repensait à Pérèz dans les couloirs du 12 qui, non content de terroriser les habitants de l’immeuble, de les harceler avec son foot et son Mirror, s’amusait à ses heures perdues à torturer ses contemporains, les assassiner et les congeler.
Des phrases lui revenaient en tête que Pérèz lui avait dite :
-      « C’est un peu comme une réserve… » « Je l’aurais mit au congélateur ».
Ça devait être pour cette raison que Pérèz avait fuit. Dans sa folie de tueur, il avait trop parlé et avait dut s’en rendre compte trop tard.
Une chance que Doncier soit encore vivant.
C’est vrai qu’il n’avait pas l’air net ce Pérèz, remarquez que quand on connait les espagnols chez eux… Mais bon, de là à trucider tout le monde comme cela … Jef n’aurait jamais cru que le petit dégarni était capable de ça.
Une autre chose qui le dérangeait, c’était sa réaction à lui.
Tant que les corps étaient au congélateur, ça ne le choquait pas plus que ça, un peu oui, mais pas tant finalement.
Maintenant, de voir leurs mensurations, photo, si on peut appeler ceci une photo, relevés et tout et tout, ça le secouait un peu.
Quelque part, il avait gêné leur sommeil d’hibernatus, d’Otzi du 12, et Ivo Molocovitch avait poursuivit l’œuvre macabre de l’espagnol fou. Le pire c’est la fourberie du syndic profitant de la bonne volonté de Jef et cette sale façon de le compromettre, ça c’était le pire. Ils l’avaient bien roulé.

Jef enrageait.
Pourquoi fait-il ça ici ce gars ?
Il ne peut pas aller faire ses horreurs dans son pays ?
C’est quand même plus à la mode dans leur coin que dans le nôtre. Nous, on a pas une fosse commune dans chaque village, on a pas tué Garcia Lorca et surtout, notre gouvernement, avec tous ces défauts, il ne protège pas les coupable sous prétexte d’une loi d’amnistie à la con.
Si c’est tout ce qu’il avait à exporter le gaillard, ça ne valait pas la peine d’abandonner le touron, la paella et la tortilla pour venir faire des surgelés avec les citoyens de sa terre d’accueil.

Il y en a quand même, on se demande pourquoi ils ne restent pas chez eux…
A chacun ses traditions les gars, ne vous méprenez pas, ici c’est la France, on a déjà les nôtres, vous pouvez laisser les votre chez vous, c’est quand même gentil d’y avoir pensé mais on en a encore plein à partager, entrez donc, restez pas comme ça, essuyez vous les pieds avant d’entrer merci. Soyez les bienvenus !

Cette manie de garrotter les gens comme ça, comme chez le généralissime Franco, c’est dingo quand même !
Au moins, l’honneur est sauf, ce n’est pas un tricolore qui bousille tout et tout le monde.

Maintenant que Jef à la certitude que c’est Paco Pérèz qui est le responsable des bombes, il cherche un moyen pour le coincer. Pour ça, ce serait bien de savoir ou le trouver et savoir ou il va frapper, ce qui serait bien aussi c’est de savoir si il a un casier.
Jef sortait du bureau et trouvait Sisse dans le sien, voisin de celui du commissaire.

-      Dites moi Paul, je peux vous appeler Paul ?
-      Heu oui com… heu monsieur…
-      Jean-François Cacha.
-      Monsieur Cacha.
-      Est-ce que par hasard, vous pourriez vous renseigner un nommé Pérèz Paco à un dossier chez vous ?
-      Oui je peux.
-      Combien de temps il vous faut ?
-      Deux minutes.
-      D’accord, j’attends.

Après un habile pianotage sur son ordinateur, Paul regardait Jef, victorieux.

-      On a ça en réserve Monsieur.
-      Vous pourriez me le trouver et me l’amener ?
-      Je vais aller le chercher vous l’aurez dans une heure environ.
-      Tenez, voici ma carte avec mon numéro de mobile, appelez moi quand vous l’aurez, je vais déjeuner.
-      Entendu monsieur Cacha.
-      Merci, à plus tard Paul
-      Bon appétit monsieur le com… Cacha.







Chapitre 22
Le son Pol

Dans sa chambre, Paul avait retrouvé le son et l’image.
Il entendait les gens parler comme s’ils étaient loin, mais il entendait.
C’était désagréable.
On lui avait destiné un son pour lui-même : « Pol »
Ça lui faisait une impression à la fois intéressée et désagréable.
Tous ces sons qui sortaient des gens, ça ne voulait rien dire, et c’était plein de « Rheu ».
Les médecins étaient aux anges, et criaient au miracle, la mère de Paul aussi avait du baume au cœur, ça se voyait sur son visage qui avait repris un peu de lumière.
Paul, encore sur son coté de rive, trouvait encore plus impudique que les gestes, la façon dont les gens s’envoyaient des bruits avec leurs trous de tête qui décidément, servait à beaucoup de choses à la fois.
Inconsciemment, il laissait lui aussi sortir des sons identiques à ceux qu’on lui disait, ça lui donnait la sensation de marcher nu dans une foule. Les sons qu’il émettait n’étaient en rien identiques à ceux des médecins, cependant, ils faisaient le bonheur de l’équipe médicale.
On l’occulta dans tous les sens, et pour finir, les médecins partirent.
La mère de Paul prit son livre.

-      J’ai souvent vécu seul… »

Paul fermait les yeux et les mots prenaient des formes. Un éléphant dans un boa, un chapeau, un désert, un avion, un mouton dans une caisse avec des trous pour respirer…







Chapitre 23
Impasse des sinistrés.

Depuis qu’ils avaient tiré la timbale, le petit club de la rue des sinistrés étaient pleins de projets financés par des crédits en banque.
Les Claude avaient modifié leur bistrot en lui accolant une distillerie et une torréfaction artisanale.
C’était un vrai plaisir d’aller les voir. Ils avaient déménagé de deux, et vivaient désormais au 15, au dessus de la torréfaction. Par soucis de bien être, ils avaient conservé leur licence en ouvrant dans le mur du 13 au 15.
Monsieur Claude préparait l’inauguration sa distillerie et il nageait en plein bonheur entouré de toutes les sortes d’anisades disponibles.
Depuis l’accès du 13 au 15, ils faisaient des allers retours pour aider les deux nouveaux gérants à s’installer dans leurs habitudes et avec les clients.
Monsieur et madame Chastel, un couple marié avec alliances.

Lui était un petit bonhomme, les cheveux en crin noir avec une grosse verrue au coin du nez à droite sous l’œil, des mains avec des doigts trop longs par rapport à son corps et des jambes trop courtes par rapport à son tronc, un drôle de physique.
C’était un brave type, gentil, attentionné, au petit soin pour ses clients.
Le gars s’appelait Michel et sa femme Michelle. La tradition était respectée, ça collait bien, ils étaient devenus rapidement les Michel de la rue.

Les travaux de la torréfaction n’étaient plus si loin d’être terminés, et ça commençait à ressembler à quelque chose.

Dans l’impasse, ça sentait bon le café grillé.
Claude faisait toutes sortes de tests avec plus ou moins de réussites pour obtenir un mélange bien personnel, son café racé.
Depuis quelques temps, on avait ajouté deux couverts au « coin », parce que maintenant, les deux Claude déjeunaient aussi avec tout le monde, pour la raison qu’ils avaient quand même un gros patrimoine à gérer, et que les repas ressemblaient vraiment à des conseils d’administration, la première demi-heure en tout cas.
Une fois la séance levée, le repas se faisait d’amis.
Ils s’y étaient rapidement fait, conscient qu’il y avait tous les jours des décisions à prendre pour la bonne marche de « Charogne Corporation » dont le siège social était déposé en principauté de Monaco, à cause du décalage horaire.
A table, Claude riait gras parce qu’il avait surnommé Michelle Chastel « La mère Michelle » suite à un malheureux accident arrivé dans la matinée.
Pour vous raconter vite fait :
Les Claude avaient décidé de recouvrir le sol de leur nouveau commerce avec un linoleum imitation sable de rivière, ils trouvaient que ça faisait « Putain de classe ! » dans la boutique.
Ils avaient embauché un gars pour faire ça. Le type était déjà venu une fois pour tout mesurer, et ce coup ci, il venait poser le machin.
L’opération était simple.
Il étalait de la colle exprès en quantité puis il déroulait son gros rouleau découpé nickel à la bonne taille de la boutique.
Il promettait un résultat parfait.
C’est vrai que le rendu était impeccable, sauf un petit coin ou la colle avait dut s’accumuler, et ça faisait une petite bosse. Impossible de décoller le truc sans tout arracher.
La seule solution, sauter dessus pour répartir vite fait l’accumulation avant que la colle ne sèche et que la bosse ne reste pour toujours.
Le spécialiste avait posé un feutre sur le lino pour ne pas le rayer, et dessus, il avait mit une grosse planche sur laquelle, en tenant la grosse main de monsieur Claude, il sautait avec des mouvements de friction pour écraser la masse.
C’est ce moment cocasse que Michelle Chastel avait choisi pour passer sa petite tête trop colorée (Bob avait trouvé une nouvelle victime particulièrement docile) par l’ouverture entre les deux commerces, parce qu’elle venait d’égarer un des chatons angora dont elle fait l’élevage.
Les deux étaleurs de félin avaient réussi à garder leur sérieux jusqu’au coin, ou ils se refugièrent pour laisser exploser leurs rires sadiques, le même que celui dont la table venait d’être saisie.
Antoinette fila se refugier dans sa cuisine et madame Claude la rejoignait un peu écœurée.

Aujourd’hui au menu :
Rillettes,
Coq au vin et haricots beurre,
Prunes au sirop.

-      Que des conserves ! Avait joyeusement annoncé Antoinette, des bocaux achetés chez une petite vendeuse que je connais bien et qui arrête son exploitation.

Comme les Leval étaient eux aussi bien occupés dans des projets, la bande était chargée de manger les cagettes de conserves dont ils avaient remplis leur Nevada Break lors d’un de leurs incontournables dimanches Bourguignons.
Les Leval avaient acheté le magasin de chaussure situé dans la rue qui fait l’angle avec l’impasse et qui est voisin du « coin » (rappelons ici que le « Café du coin » à une façade sur la rue et une façade sur l’impasse) dans l’intention d’en faire un restaurant.
Antoinette s’était découverte une vocation de décoratrice, et passait ses journées à diriger les travaux de son futur restaurant.
Victorine qui avait retrouvé son prénom pour les intimes, mais que par habitude, tout le monde continuait à appeler « Madame », avait promis l’osso-buco pour demain histoire de changer un peu.
Depuis plus d’une semaine, les deux femmes étaient toujours ensembles, et écumaient les fournisseurs et les magasins d’ornementations.
Elles parlaient même de travailler conjointement dans le nouveau restaurant.
A table aujourd’hui, une fois réglées les questions concernant la gestion de la holding, la conversation se tourna naturellement autour de l’actualité, donc des attentats.
Chacun y allait de la sienne, prophétisant les pires catastrophes, certains que tout ceci n’était qu’un début.
C’était intéressant, car il suffisait d’entendre les compagnons attablés pour savoir quels journaux ils lisaient ou leurs chaines de télé favorites.
Chacun avait une idée bien précise et une information différente, voir contradictoire.

Le téléphone de Jef sonnait au moment ou le dernier noyau de prune tombait dans la soucoupe.
Jef sortait prendre l’appel dans la rue.

-      Allo ?
-      Bonjour monsieur Cacha, ici Sisse au téléphone.
-      Oui ?
-      Je viens de sortir le dossier Pérèz des archives, et je pense que vous avez tapé juste monsieur.
-      Ah oui ?
-      Oui, je vous lis ?
-      Oui allez y, je vous écoute.
-      Bien, Sordès-Pérèz Paco, Franco, Josué, Pedro, Maria de Jésus. Refugié politique depuis 1975. Dernière adresse connue en 1985, rue Mouffetard. L’individu est soupçonné du meurtre de six personnes d’origine maghrébine. Lors de la fouille de son appartement, les agents de l’époque ont retrouvé plusieurs corps congelés ainsi que deux bombes artisanales, depuis, pas de nouvelles de lui. Les murs de sa chambre étaient couverts de prospectus de propagande et d’affiches Franquistes et Nazie. Ses deux parents, Maria Teresa, Doña Carmen Sordès-Pérèz et Franco, Salazar, Cristobal Carlos Sordès-Pérèz étaient frère et sœur et anciens gardes civils réputés pour leurs exactions violentes. Ils ont fuit l’Espagne à la mort du dictateur. L’état français leur a donné l’asile pour toutes sortes de raisons obscures, visiblement, ils ont donné des informations concernant le Sahara occidental, mais ça n’est pas confirmé, en fait c’est assez flou. Les parents sont morts suicidés tous les deux en même temps. Les soupçons ont pesés sur leur fils, l’inspecteur de l’époque a émit l’hypothèse qu’il était bien possible que Pérèz ait « suicidé » ses parents, l’enquête n’est pas allée plus loin. Ce serait bien possible que Pérèz soit responsable de tout ce qui se passe dans la ville ces derniers temps.
-      Vous avez une photo ?
-      Oui mais il a 15 ans.
-      C’est un peu jeune.
-      Qu’est ce qu’on fait ?
-      Est-ce que vous pouvez essayer de faire vieillir la photo en mixant avec les parents, je ne sais pas, son père était chauve ?
-      Oui j’ai sa photo, il a un goitre aussi.
-      Quel âge à son père sur la photo ?
-      Disons une petite cinquantaine.
-      A mon avis, un mixe entre le père et le fils devrait donner de bons résultats.
-      Oui mais ça risque d’être long.
-      Nous n’avons pas vraiment le choix.
-      C’est vrai.
-      Bien je passerais plus tard d’accord ?
-      Monsieur Cacha ?
-      Oui ?
-      Comment vous avez fait pour trouver ça ?
-      L’instinct.
-      C’est tout ?
-      Non ce n’est pas tout mais je vous expliquerais plus tard si vous voulez bien, je ne peux pas parler maintenant.
-      Comme vous voulez monsieur.

Pérèz, c’était donc lui !
La bonne nouvelle, c’est qu’officiellement il n’habite pas au 12, ce qui est tout de même curieux rapport à son travail, mais enfin, des Paco Pérèz, ce n’est pas ce qui manque. Un peu comme les Pierre Dupont ou les Jean Durant.
Cependant, un truc grattait dans la tête de Jef, il devinait que seul un coup de fil au syndic lui permettrait de savoir.

-      Allo ?
-      Bonjour, c’est Jean François Cacha au téléphone.
-      Oh monsieur Cacha, comment allez-vous ?
-      Très mal, Molocovitch à fait un travail de sagouin.
-      Ah bon ? Je n’en ai pas entendu parler.
-      C’est parce que vous n’êtes pas dans les secrets de la police.
-      Ah.
-      Bon, je vous appelle pour autre chose, il faut que vous me parliez un peu de Pérèz.
-      Allez-y, je vous écoute.
-      Il était déclaré ?
-      Oh ! Quelle question !
-      Alors ?
-      C'est-à-dire, c’est un peu compliqué…
-      Je vous écoute.
-      En fait oui, mais non.
-      Continuez…
-      En fait non.
-      Développez mon vieux, développez !
-      Bon, en vérité, le gardien, c’est moi, le syndic, c’est du chiqué, une pompe à fric que j’ai inventé.
-      Quoi ?
-      Voila, c’est moi le gardien officiel pour 16 immeubles dans Paris, seulement, moi, je ne peux pas me couper en morceau hein ? Ah, ah ! Alors, j’embauche quoi, je sous traite.
-      Et comment vous les payez vous gardiens ?
-      En espèce, un peu, mais ils ont un logement de fonction.
-      Et c’est pour ça que vous ne vouliez pas appeler la police ! C’est parce que le responsable de tout ça, c’est vous et vous seul !
-      Mais je n’ai tué personne !
-      Non, vous, vous installez des tueurs un peu partout dans Paris c’est tout.
-      Pardonnez moi monsieur Cacha, mais pour trouver des gens qui acceptent de travailler sans contrat, pour peu d’argent et sans couverture sociale, si vous croyez que c’est facile ! Il faut bien qu’ils aient leurs raisons !
-      Et Molocovitch ?
-      Je l’ai pêché sur internet.
-      Comment ?
-      Lui non plus il n’est pas déclaré, il refuse qu’on déclare son identité, Molocovitch, ça n’est même pas son vrai nom, ce n’est pas de ma faute.
-      Et Pérèz, il ne voulait pas que vous déclariez son identité ?
-      Oui c’est ça, moi, ça m’arrangeait remarquez.
-      Paco Pérèz est recherché par la police depuis 1985 pour avoir tué et congelé six personnes.
-      Oh ! Quelle coïncidence !
-      Mais non, il n’y a pas de coïncidence crétin. Dites moi vous, si je vous dis morale, ça vous dit quelque chose ?
-      C’est un Algérien ?
-      Votre carrière est foutue mon gars.
-      Non ne faites pas ça !
-      Au revoir.

Jef raccrochait, halluciné, et retournait dans le coin ou Claude avait amené une mixture de sa conception. Serge tirait les premiers cafés sur sa machine à expresso réglée par le Marseillais. Pour la première fois depuis l’histoire du Café du Coin, l’expresso était bon et tout le monde s’en réjouissait.

Jef se tâtait la conscience. Devait-il annoncer à tous que le poseur de bombe était Paco Pérèz, passé de concierge à tueur en série ?
Après avoir trempé ses lèvres dans le café, il décida que non, ça n’était pas la peine de perturber tout le monde avec cette histoire.
A la fin du repas, il paya ses 12 euros et monta chez lui pour sa sieste digestive.








Chapitre 24
Traveling

A l’hôpital, Paul se remettait de plus en plus vite, chaque minutes passées le reconstruisait. Toute la matinée, il avait travaillé avec l’orthophoniste, il contrôlait de mieux en mieux ses sons et semblait prendre pied dans la réalité. Son esprit était encore embrumé, mais il avait compris des phrases simples et des ordres basiques comme : « lève ton bras » et son bras s’était levé sans qu’il ne fasse rien pour, « ferme les yeux, assied toi, lève toi… » et puis, vers 13 heures, il avait jonglé.
Lui-même ne savait pas pourquoi, mais son corps avait attrapé quatre oranges, et les envoyait danser dans les airs, après tout, pourquoi pas.
Les médecins, surtout le kiné, l’encourageaient dans cette pratique qu’ils jugeaient saine, et qui permettrait certainement de remettre les choses à leur place bien plus vite que n’importe quelle méthode psychomotrice.
Ils ne souhaitaient pas le forcer, sachant qu’il n’était pas encore soigné.
Désormais, ils considéraient que Paul était sauvé, il n’y avait plus qu’à attendre.
Vers 14 heures, Paul s’endormit.

Melissa était installée chez Edwige.
A la fin de la soirée, elle ne souhaitait pas renter chez elle et Edwige était heureuse d’avoir une Co-habitante. Ça lui faisait de la compagnie quand Franck était dans son taxi et quelqu’un à qui parler, parler, parler…

Poulu avait pris une chambre à l’hôtel Georges V et une bouteille de gin.
Dès son entrée dans sa chambre, il avait abattu la bouteille et dormi cinq heures. Il s’éveillait à peine encore bien ivre mais se sentait mieux.

Jef se réveillait de sa sieste, et Paul était tiré de son rêve de plage par un thermomètre rectal tenu par une main masculine gantée de rose.

Sisse revenait à la réalité après s’être assoupi dans son bureau. Il regardait la photo de Pérèz jeune.

Au même moment…








Chapitre 25
Parc des Princes.

Au même moment, Paris, la France, l’Europe, le Monde entier allumait radio et télévision pour se scotcher l’esprit sur les analphabètes en chaussettes.
Vous l’avez compris, cet après midi, il y a baballe pour les débiles.
La terre résonnait du « croc » des chips et du « pschitt » des bières car tous suivaient la finale de la coupe du championnat d’Europe des champions de la poule aux œufs d’or du sport de con destiné à faire rêver la plèbe.
Du pain et des jeux.

Aujourd’hui, deux pays spécialisés dans la vampirisation du tiers monde se disputaient les faveurs du graal audimatique.
Angleterre et Espagne.

Les joueurs se présentaient en ligne, tenant un enfant par la main, au milieu du gazon, sous un air d’opéra lyrique et les insultes du camp d’en face.

L’arbitre jetait une pièce en l’air, c’est messieurs les Anglais qui tireront les premiers.

Deux douzaines de surpayés à se bourrer de drogues et de sponsors, couverts de millions mafieux, se préparaient à quatre vingt dix minutes d’écrase gazon, pendant qu’à moins de cinq mille kilomètres de là, des mères au corps décharnés de trop de misère, regardaient leurs enfants aux ventres gonflés qui mouraient de faim, parce qu’elles n’avaient pas un euro pour les nourrir.
Il serait d’ailleurs intéressant de savoir la part que ces sportifs de haut niveau consacrent à la lutte contre les inégalités.

Les ex-buissonniers scolaires couraient dirigés par les hurlements d’un gars en costume.
Derrière lui, des sièges baquets rouges [espace à vendre s’adresser à l’auteur] et des gars assis dans des abris bus.
Les tarés se passaient la baballe sans trop progresser, surement faute à la came qui ne devait pas être très bonne, ou peut être que la dose n’était pas assez forte (quels salops ces dealers).
Les sigisbées du rond avaient l’air un peu moelleux.

Pendant que les commentateurs racistes attisaient la haine populaire, les cerfs de l’ile aux colons et les pions de la plaque tournante de la drogue, s’agitaient dans tous les sens autour de la sphère à gros sous.

Un match royal, la reine des blonds contre le roi des….
Les fanatiques chrétiens contre les anglicans discrets, les punks percés, contre les poupées au bras tueurs, les roules à gauche, contre les meneurs de mules.

Tout deux supportés par le même public de crétins beuglants, peinturlurés et déguisés comme des guerriers papous dégénérés par trop de consanguinité.

Partout dans le monde, à cette heure précise, des milliards d’abrutis affamés, se scotchaient ce qui leur restait de cerveau à regarder des pauvres types sans avenir se bousculer la possibilité de toucher le neurone commun, espérant l’action du siècle qui donnerait de la santé pour tous, de l’éducation et un avenir certain sans guerre et sans famine.

Partout, les grignotés du bulbe, lâchaient la triste activité qui organisait leur quotidien de misère, et assurait le repas de leurs pauvres familles, pour aller admirer vingt deux fausses stars, « d’artistes » de la papatte, de drogués au amphétamines, de marionnettes du show business, se déhancher sur le carré de pelouse qu’on leur avait imparti, attendant le moment d’un éventuel but pour se tripoter le cul ou les couilles, en se roulant des pelles comme une bande de tapettes en chaleur, soutenus par les juifs les plus fondamentalistes, les chrétiens les plus traditionnalistes et les musulmans les plus fanatiques.

Au même moment et dans le monde entier, Monsieur Obama ou l’un de ses remplaçants grignotait un hamburger devant sa télé, pendant que le remplaçant de monsieur Laden (celui qui lavait plus rouge) avait l’oreille collé à son poste de radio [espace à vendre s’adresser à l’auteur]  depuis sa grotte au bout du monde, que le Dalaï Lama peut être lui aussi (je ne sais pas si le Dalaï Lama aime le foot, si vous le rencontrez, pourrez vous lui demander pour moi ? D’avance merci) et la reine de Suède, celui des belges, les présidents élus et ceux qui bourrent les urnes, les directeurs de multinationales, les cireurs de tongs, les boursiers avides, les spéculateurs sabordeurs de l’économie, les intouchables indiens, les poussepousses chinois, les réducteurs de têtes, les pécheurs du ban d’Arguin, les Baïfals Sénégalais, les Gnawas, les cultivateurs de coca, les planteurs de kif, les mâcheurs de Qat, les marins du Nil, les transperceurs de bovins, les chauffeurs de taxis pakistanais, les griffeurs de bulbes, les pilotes de lignes, les égoutiers parisiens, les gondoliers vénitiens, les petits dealers, les patrons, les grands patrons, les ministres et leurs attachés, les hommes de paille, les hommes de papier et leurs avocats, les prévenus et les planqués, les braqueurs de banques, les vendeurs d’alarmes et les fabricants d’armes, les touaregs et les trappeurs, les métis d’Afrique du sud, les moros philippins, les propagateurs de bonnes paroles gravées sur leurs canons et leurs balles, les minorités cibles, les Égyptiens de profil, les russes blancs, rouges, bleus car gelés en Sibérie, les mémés en bikini sur les plages Dominicaines, les hommes chiens des andamans, les futurs grillés du Stromboli, les anciens rois vaudou, de la fête, de l’humour, du monde, les fossoyeurs, les prêtres déculottés, les enfants de cœurs habillés pour l’hiver, les corbeaux écriveurs de lettres, les diseuses de bonnes aventures, les femmes battues, les polygames coureurs de jupons, les tanneurs de cuirs, les imams aux barbes longues, les cueilleurs de thé, les tisseurs de soie végétale, les diamantaires juifs, les colons de toutes sortes, ne n’importe quel pays, de n’importe quelle couleur, de n’importe quel moyen, tout, tous, les vendeurs de cacahouètes, les artificiers sous marin, les foreurs, les généraux stratèges, les épiciers honnêtes, les hommes compatissants, les plombiers ponctuels, les pères noëls de grandes surfaces, les grooms, porteurs, sherpas, marins aux bons pieds, pilleurs de tombes en Amérique du sud, aventuriers couronnés d’or, les alpinistes sous oxygénés, les grabataires asthmatiques, les teinturiers de Fès, les fabricants de moquettes, les tisseurs de nattes plastiques,  les cueilleurs de bananes, les pigeurs de presses, vins, pommes, poires, riens, les pâtissiers , metteurs en pièce, scènes, plis, ceintes, boites, rangs, tôles, rognes, bières, écrit.
Tous, vous dis-je, tous !
Et même monsieur Jean Ticon, 1-ter place des Serfs-veulés à Magny-Pulley dans l’Eure, étaient, les yeux pour les sourds, les oreilles pour les aveugles (ceux doté des deux handicaps à la fois n’entrent pas dans cette sélection, une autre fois peut être…). Le monde entier dans ce qu’il a de plus complexe, véritable, traditionnel et indispensable, attendait, sursautait, ensemble coordonné à l’infini, mu par des poussées d’adrénaline hors du commun, transformant notre pauvre petit caillou épuisé en un espèce de cerveau lobotomisé par la carte VASE, des fast-food de merde [espace à vendre s’adresser à l’auteur] (c’est écrit sur la porte), des bagnoles qui tuent avant le terme du crédit arnaque de  la banque « TEUVAUL et Cie » ou d’une autre [espace à vendre s’adresser à l’auteur], des téléphones à cancer [espace à vendre s’adresser à l’auteur] des machines [espace à vendre s’adresser à l’auteur] destinées à pirater les œuvres cinématographiques qu’en c’en sont, ou des musiques, si c’en sont, attendaient donc qu’un post adolescent boutonneux et numéroté aille coller son projectile dans la cage du babouin (je n’ai rien contre ces animaux) sautant, faisant rêver les plus cancres scolaires en leur donnant une bonne raison de planter leurs études déficientes, afin se retrouver sur le terrain vague de leurs vies débutantes, dans le but aller télescoper la sphère pleine d’air fabriquée par des enfants du tiers monde dans des conditions animales, dans le vain espoir de faire fortune avec les pieds puisque la tête ne répond pas.

Les turlupins enragés, buvant, bavant, pétant et rotant camisolés dans les chemises frappée d’un numéro, poussaient toutes sortes de cris que l’on entend les soirs de pleine lune dans la campagne de Cadillac (33), s’impatientaient de ne pas voir la balle spéculative publicitaire décorée aux trois bandes qui firent la fortune du ministre de trois jours, aller se coincer comme un dauphin dans les filets de l’avidité.
Et ça grondait dans les gradins, ça insultait comme ça sait faire, la consternation planait.
Les annonceurs avaient vraiment l’impression d’avoir jeté l’argent des actionnaires à la poubelle.
S’il n’y a pas un but dans les minutes qui viennent, ce ne sera pas bon pour les ventes.
Une page de pub [espace à vendre s’adresser à l’auteur]
Dans les coulisses du cirque, on se prépare à des tractations secrètes.
Une page de pub [espace à vendre s’adresser à l’auteur]
Les entraineurs écument des conseils en forme de cri de guerre, et les insultés font de leur moins mal pour le bien de la société de consommation.
Le spectacle tourne à la cata, l’arbitre siffle la mi-temps Merde ! Zéro à zéro, Merde !

Une page de pub [espace à vendre s’adresser à l’auteur]

Dans le monde, la morosité s’installe.
En Iran, on caresse le bouton rouge.
Pas un seul petit morceau de but ou de penaud.
Ça ne va pas être la fête dans les vestiaires,
Il va y avoir des massages au nerf de beauf.

Les propriétaires de l’écurie,
Déboulent là dedans en furie
Et ils gueulent comme des mégères
Sur les avant, les arrières,
On remplit les joueurs de colère et de haine,
On promet des jours de peine.
Il était dit que ça allait,
Être terrible si jamais,
Ceux d’en face gagnait la coupe,
Si les ennemis bouffaient la soupe,
Que durant de longues années,
D’échauffement et de fausseté,
Ils avaient réussi à faire,
Que les autres l’aient dans le derrière.
(En fait ils disaient dans le cul mais ça ne rime pas)
Il y avait des promesses de millions,
Et des menaces d’exclusion,
On piquait un peu les cobayes,
Il fallait gagner vaille que vaille,
La coupe des rois plaqués en or,
Pas pour eux non ! Pour les sponsors !...

Une page de pub [espace à vendre s’adresser à l’auteur]

Ils étaient payé pour jouer, pas pour promener un ballon, il fallait se dépêcher de marquer et arrêter de faire les cons, sinon, pas d’avion pour rentrer au pays, ce serait billettes pour les uns et avirons pour les autres.

Une page de pub [espace à vendre s’adresser à l’auteur]

Deuxième mi-temps.

Une page de pub [espace à vendre s’adresser à l’auteur]

Tous remontés à bloc, les automates des deux cotés revenaient sur le carré grillagé, après avoir cédé la place aux spots longuement muris dans des bureaux de créateurs défoncés à l’extasy, dont la vie privée est aux antipodes de monsieur le mari de la ménagère de moins de cinquante ans, mais qui, fertiles cerveaux aux conceptions surréalistes, savent comment faire pour trouver et titiller le synapse sensible destiné à faire consommer l’abruti moyen.

Une page de pub [espace à vendre s’adresser à l’auteur]

Les drogués numérotés étaient tellement shootés qu’avant la fin des cinq premières minutes l’homme en noir avait déjà sorti quatre fois son carton jaune et une fois son carton rouge.
Deux cartons jaunes pour les en gliches et le reste pour les esses pas gnole.
Les cartons jaunes sont sponsorisés par [espace à vendre s’adresser à l’auteur]
Les cartons rouges sont sponsorisés par [espace à vendre s’adresser à l’auteur]
Visiblement, c’est les outres machins qui avaient le mieux assuré les lendemains de l’arbitre.
Un quart d’heure et toujours pas de bubut dans les cacages mais un carton rouge pour les pingouins et l’expulsion de l’Eton du corps de l’équipe.

Une page de pub [espace à vendre s’adresser à l’auteur]

Dans les gradins, ça gueule comme à Rome.
L’idée générale est de placer le garant du respect des règles du jeu dans le siège d’un lieu d’aisance, voir de réduire son existence au nadir. (A l’oméga si vous êtes grec)

C’est à ce moment là, point culminant du mécontentement populaire que les cameras se braquent sur un mouvement de foule ou des feux de Bengale de marque [espace à vendre s’adresser à l’auteur] pleuvent sur les anglais.
Un véritable raz de marée humain se produit et les spectateurs (sauvages animaux encagés) se ruent contre les grilles qui les séparent, en fait les protègent des opposants de l’autre coté.
Les feux de Bengale sont venus du coté des rouges et les Anglais, fiers hooligans combatifs et destructeurs de stade, n’ont pas l’intention de se laisser rôtir façon rosbif par une bande de pithécanthrope tout juste sortis de la préhistoire.

Des deux cotés, les animaux sauvages à la haine débridée forcent les barrières, bien décidés à aller en découdre, généreusement bercés par les coups de matraque des magnanimes hommes de la sécurité qui tentent, fort mal, de leur bloquer le passage.
Peine perdue ! Comme une soupape de cocotte minute [espace à vendre s’adresser à l’auteur] qui pète, les dégénérés des deux pôles de France se rencontrent avec mains, pieds, tête, siège, feux de Bengale, drapeaux comme javelots, corne de brume en lance flamme…

On remballe les nains à cent briques qui s’agitaient sur le gazon frais tondu et on laisse les ânes se tataner le temps que la bière les épuise.
Ensuite, ce sera au tour de la maréchaussée d’entrer en action pour une bastonnade en règle comme nos CRS savent faire depuis 1961.
L’affaire est dans le S.A.C. ! Comme aurait dit le général Frappart (Hommage à Leo Ferré).

Remplis de haine, de racisme et de bière, nos poulets élevés au hors normes joueront du bâton comme des majorettes et du bouclier s’il en faut.
On se croira en Inde !
Certains dans le lot, auront des armes de défense et viseront les têtes ce sera plus efficace. Avec des vraies balles ça aurait été plus dissuasif mais on fait avec ce qu’on n’a pas vrai ?

« Faute de grive, on mange des merles » disait le proverbe de ma mémé, aujourd’hui en France on dirait : faute de bœuf, on mange des vaches, faute de saumon on mange des truites et faute de riz, on mange du blé.
Aujourd’hui en Afrique on dit : Faute de riz, on ne mange pas !

Et alors là ! Surprise générale et consternation mondiale !
« Globalisation et consternation, de la mutualisation de l’émotion populaire ou, de l’équilibre des forces et des esprits par la sur-médiatisation d’événements sportifs de masse ou, doit on émettre en retransmission directe décalée dans le temps ».
Vous m’en ferez vingt pages.
Quoi ?
Si j’y arrive, vous y arriverez aussi, ne vous inquiétez de rien, de toute façon, personne ne vous lira.

Au même moment et dans le monde entier, Monsieur Obama ou l’un de ses remplaçants s’étouffait en avalant son hamburger, il le vomissait, le remplaçant de monsieur Laden délaissait son poste radio et, faisant fit de sa sécurité et des centaines de kamikazes douillets qui le couvraient. Il attrapait une mobylette pour aller tabasser une burka au village, le Dalaï Lama entrait en lévitation et dépassait la statue de mao d’une tête, la reine de Suède suait, celui des belges pensait choisir sa patrie, les présidents élus partaient à la campagne et ceux qui bourrent les urnes imprimaient des bulletins pré-remplis, les directeurs se débauchaient, les cireurs de tong se prenaient des coups d’orteils dans les ratiches, les boursiers déboursaient, la corbeille débordait, ils criaient :
VENDEZ !
Les spéculateurs sabordeurs de l’économie répondaient :
VENDUS !
Les intouchables indiens ramassaient les morceaux, les poussepousses chinois allumaient des encens au temple du bouddha-Mao, les réducteurs de têtes se remettaient en quête d’ethnographes, les pécheurs du ban d’Arguin construisaient des radeaux et jetaient des méduses à la gueules des Baïfals Sénégalais, les Gnawas buvaient à l’étang, les cultivateurs de coca collaient, les planteurs de kif fulminaient, les mâcheurs de Qat crachaient dans tous les coins, les marins du Nil s’ensablaient sur les bans sous le regard amoureux des crocodiles larmoyants, les transperceurs de bovins s’encornaient entre eux (moi d’abord ! moi d’abord !), les chauffeurs de taxis pakistanais s’affirmaient indiens, les griffeurs s’empâtaient, les pilotes de lignes reniflaient, les égoutiers parisiens se noyaient, les gondoliers vénitiens devenaient aphones, les petits dealers bradaient, les patrons dégriffaient, les grands patrons déstockaient, les ministres et leurs attachés comptaient pour du beurre, les hommes de paille s’enflammaient, les hommes de papier noircissaient et leurs avocats buvards, les prévenus avertis et les planqués en vos deux, les braqueurs de banques déposaient, les vendeurs s’alarmaient et les fabricants d’armes lançaient de nouveaux joujoux, les touaregs et les trappeurs perdaient le nord pour les uns l’honneur pour les autres, les métis d’Afrique du sud broyaient du noir, les moros philippins songeaient à leurs frères africains, les propagateurs de bonnes paroles gravées sur leurs canons et leurs balles tiraient sur tout ce qui bouge, les minorités cibles affolées, restaient figées. Les Égyptiens restaient de profil, les russes blancs rougissaient, rouges rosissaient, bleus car gelés en Sibérie, rien ne changeait, les mémés en bikini sur une plage Dominicaine faisaient de l’œil aux pépés octogénaires aux prostates à blattes, les hommes chiens des andamans hurlaient à l’amor, les futurs grillés du Stromboli hurlaient à la mort, les anciens rois vaudou duraient, de la fête s’achevaient, de l’humour noir, du monde les mains sur la tête, les fossoyeurs des lilas, les prêtres déculottés concupiscents, les enfants de cœurs habillés pour l’hiver cicatrisaient, les corbeaux écrivaient des lettres de recommandations, les diseuses de bonnes aventures médisaient leurs tristes aventuriers, les femmes battues collant assassinaient les polygames coureurs de jupon qu’elles émasculaient en criant qu’elles auraient put être plus grandes, les tanneurs de cuirs au fleuret, les imams aux barbes longues rasaient les murs, les cueilleurs de thé divers, les tisseurs de soie végétale végétaient, les diamantaires juifs jouaient aux bas carats, les colons de toutes sortes étaient de sortie, ne n’importe quel pays mais le leurre, de n’importe quelle couleur mais blanc, de n’importe quel moyen mi-lourd, tout tous, tous tout, les vendeurs de cacahouètes faisaient de l’huile, les artificiers sous marins s’en grillaient une dernière, les foreurs fusaient, les généraux stratèges baisaient les ames, les épiciers honnêtes (ceci n’existe pas), les hommes compatissants « AUX HOMMES COMPATISSANTS… », les plombiers ponctuels arrivaient heureux sans heurs, les pères noël de grandes surfaces attendait leurs reines, les grooms avaient des valises sous les yeux, les porteurs perdaient leurs charges patriarcales, sherpas pas, marins au beau pied bot, pilleurs de tombes en Amérique du sud (voir touareg et trappeurs), Cizia Zykë envoyait tout péter et partait pour une autre aventure, les alpinistes sous oxygénés crevaient au milieu de leurs poubelles à sept milles mètres, les grabataires asthmatiques aspiraient à mort, les teinturiers de Fès teintaient de fisses, les fabricants de moquettes s’en moquaient, les tisseurs de nattes plastiques ou de tapis vierges s'échevelaient, les cueilleurs de bananes étaient au régime, ils s’en bananaient, les pigeurs de presse restaient d’encre, vin dieu, pommes d’api, poire pour la soif, rien de rien je ne, les pâtissiers empâtaient , metteurs en pièces démontaient, scène pont de, pli hure, ceinte hure, boite hier, rang tiers, tôle kiene ? « Mon précieux oh ! », rogne hure, point hure, écrit hure, bière, leurrés, froissés, tous perdaient, ce qui était leur cas.

Mais ce n’était pas le pire NON !
Le pire !
L’horreur !
La monstruosité sans nom !
L’acte irréversible qui fit basculer le monde dans la folie furieuse digne d’un 2012 Maya, l’inconscience la plus totale !
Le déchainement d’événements qui changeât la face du monde et le reste de l’humanité pour jusqu'à sa fin,
L’acte inconscient le plus violent,
C’est Monsieur Jean Ticon qui le fit…
Ici fin de chapitre,
Suspense…







Chapitre suite
Le geste qui fit s’effondrer l’humanité.

Monsieur Jean Ticon quitta son fauteuil de relaxation gagné lors de la tombola annuelle de l’amicale des enfants de l’école primaire de Magny-Pulley et, avec son index tendu, accusateur, chargé de rancœur, il fit ce qu’il ne fallait surtout pas faire, il fut le domino d’un enchainement terrible et malheureusement irréversible…
Vous, générations future,
Vous qui avez découvert ce livre dans les ruines de ce qui fut la grande Babylone,
Sachez ce qu’un seul homme put faire.
Avec son index,
Jean Ticon.
Éteignit sa télévision !
Oui, je sais,
Ceci parait presque incroyable, et pourtant…
Monsieur Jean Ticon, spectateur moyen représentant des milliards de fourmis décervelées par la machine à dépenser, osa le geste sans nom, celui du rebelle.
* 6€10 le message plus tarif de l’operateur
Ce qu’il ne sut jamais, c’est qu’au même instant, partout dans le monde, des milliards d’autres petites fourmis sans noms agirent de la sorte, avec leurs télévisions, leurs ordinateurs, leurs radios, et que les fournisseurs d’énergie du monde ressentirent une baisse de consommation sans pareil, qui coutât au système, en quelques secondes, plus qu’il n’aurait suffit pour régler les problèmes de santé et de famine dans le monde.

La chute était engagée et ça n’était pas prévu au programme, on avait passé à peine un tiers des spots, les sommes étaient versées, les contrats signés, l’argent déjà dépensé.
Les commentateurs hurlaient.
-      UNE PAGE DE PUBLICITÉ NE QUITTEZ PAS, NOUS REVENONS JUSTE APRES ! NE QUITTEZ PAS !
[Espace à vendre s’adresser à l’auteur]

Mais c’était déjà trop tard !
Poulu sautait de son lit pendant que le légiste faisait de la place.

Les hôpitaux s’organisaient pendant que les ambulances s’élançaient.

Le ministre sonnait son nègre pour qu’il lui crache fissa une bafouille.

On préparait un flash spécial

On diffusait de la pub, de la pub, de la pub, [espace à vendre s’adresser à l’auteur] c’était dans le contrat de production, une bande déroulait en bas de l’écran :
VOS REACTIONS PAR SMS !*
On promettait de belles images, des bons poings comme à l’école.
Il n’y avait personne pour voir ça.

Le match avait viré au combat de catch, les lieux étaient évacués dans la pagaille, et ça se déroulait dans la rue.

Les têtes remplaçaient les ballons, plus pratique, chacun a une tête fournie d’origine, alors qu’au foot, il n’y a qu’un ballon, en plus, une tête, c’est plus résistant qu’une pelote de cuir synthétique.
Tout le monde s’en donnait à chœur joye.

Voila,
Normal quoi, le football, l’esprit du sport, la beauté du geste.




Fin de chapitre.
[Espace à vendre s’adresser à l’auteur].







Chapitre 26
Papillote de critique sociale sauce V. Hugo.
Garnie mauvaise foie.
Bon appétit.

A propos de geste, Cacha était le plus subjugué de tous.
Visiblement, s’il avait de bons yeux, il lui semblait bien que Pérèz était dans le coup.
En à peine une seconde, au début, il lui semblait que le geste du lanceur de feux de Bengale avait une tête.
Il sautait sur son téléphone (c’est une métaphore, vous aviez deviné) pour appeler Sisse.

-      Sisse ?
-      Oui ?
-      Vous avez vu le match ?
-      Oui à la radio.
-      …
-      Pourquoi ?
-      Trouvez-moi un enregistrement, je crois bien que Pérèz est dans le coup.
-      Oui monsieur, au plus vite.
-      Je vous rejoins dans une heure ça va ?
-      Ça devrait suffire merci.

« Le parc des princes » se disait Jef « encore deux P ».
Pérèz avait fait fort. Une mystérieuse combinaison se faisait dans l’esprit de Jef.
Pablo Picasso, le Papagayo, le Piccadilly, le Pocoloco, le Petit Paris, le Parc des Princes…
Jef pris un papier et écrivit :

Pablo
PApagayo
PiCcadilly
PocOloco
PEtit
PaRc

Là, il vit que Paco Pérèz écrivait son nom avec les lieux de ses crimes.
Il rappela Sisse.

-      Sisse, pardon, c’est encore moi.
-      A votre service, monsieur.
-      Voila, la prochaine explosion aura lieu dans un lieu dont le nom est formé par deux mots en P, comprenant un E en quatrième lettre du premier mot, vous m’avez bien compris ?
-      Heu, pas tout à fait.
-      Bon prenez un papier et notez bien d’accord ?
-      Oui, je suis prêt.
-      Prochaine explosion… dans un endroit… dont le nom… formé par… deux mots en P… comprenant un E… en quatrième… lettre du premier mot… c’est bon ?
-      Oui c’est bon.
-      Mettez-moi du monde là dessus, il faut la liste le plus vite possible.
-      Comment vous savez ça ?
-      Pérèz écrit son nom en lettres de sang, le parc des princes, le R de parc, c’est le R de Pérèz, le A de Papagayo c’est le A de Paco vous comprenez ?
-      Oui j’ai compris, je cherche les possibilités tout de suite.

La télé s’épuisait à renvoyer les meilleures images du combat du stade et de la rue. Sur toutes les chaines, les vampires avaient même trouvé les moyens de pomper un peu de tune, chacune en organisant un débat et en encourageant les gens à envoyer leurs réactions par S.M.S. surtaxés, quelques uns s’étaient laissé prendre au piège et les affaires reprenaient.
Les messages des gens étaient plus effarants les uns que les autres.

Quel malheur, et dire que ce sont les même gens qui votent, les mêmes qui beuglent dans les stades, ou engueulent les joueurs à travers leurs télés, les mêmes qui se font sucer par la pompe à euros, les mêmes qui émettrons leur avis quand on leur demandera la direction à donner à l’état.
Avec tout ça, il ne faut pas se demander pourquoi le pays est dans cet état de délabrement moral, civique et financier.
Partout dans le monde, les gens sont les mêmes, pas excessivement brillants mais largement manipulables.
Des consommateurs plus que des citoyens, forgés depuis plusieurs années à être de bons moutons influençables, à ne pas trop étudier ou réfléchir.
Ceci dans l’intérêt du pouvoir du démon, la démocratie.
Midi, sept heures, l’heure du berger.
Midi, minuit, l’heure du démon, éthylique, psychédélique, télégénique, v’là que j’te nique !
En regardant ce qui nous entoure, l’esprit au repos et l’œil propre, on se rend compte que le plus clinquant, celui qui porte le masque, c’est celui là qui dirige, qui avance dans les couloirs des palais du pouvoir.
Parfois le loup tombe mais les gens regardent le déguisement au sol plutôt que le visage qu’il cachait.
Pourtant, c’est à ce moment là que l’on peut voir qui est derrière, l’usurpateur, le plus compétent pour porter la cagoule, pas forcement pour diriger l’état, les états.

Demandons aux animaux de voter pour un chef. Les lions voteront pour les lions, les hyènes pour les hyènes, les vautours pour les vautours, les ânes pour les ânes.

Considérant que 51,2% des citoyens-consommateurs sont abrutis par les medias, qu’ils n’ont comme seul rêves que de gagner à la roue de la fortune, d’être sélectionnés pour le loft, gagner au juste prix ou à vidéo gag (quitte à mettre leurs enfants en péril)  considérant que ces derniers n’ont comme fonction obligatoire que de faire tourner la pompe à fric, à coup de sports de masse, de rêves en boites ou en tubes, considérant qu’en face d’eux, de l’autre coté du câble, une entreprise manipule son cerveau ramolli à coup de jeux bidons et d’argent tombé du ciel, entouré de lumière et de paillettes, dans des émissions qui brillent, mais dont le contenu ne dépasse que très rarement les 160 grammes du caleçon de l’invité, ou les 90 centimètres de la présentatrice…
Considérons tout cela, prenons du recul…
Voilà, regardons par exemple, l’Italie, et demandons-nous.
Demandons nous pour qui va voter le conditionné si on lui demande.

Dans une société qui met sur le devant de la scène des extrémistes de tout poils et de tous bords, des sports ou l’on fait l’apologie de la triche, de la haine, de la violence, de l’irrespect de l’autre et ou la drogue règne en maitre avec comme bouclier l’argent et les intérêts supérieurs des brasseurs de capitaux, dans une société qui élève au rang de la culture une bande de couineuses-chanteuses le cul à l’air dans des chorégraphies clairement pornographiques, dans une société ou l’on demande son avis sur la politique étrangère à un gardien de but qui a passé huit heures par jours depuis l’âge de 8 ans à essayer d’empêcher un ballon de rentrer dans une cage, pour qui un livre, c’est l’argent des anglais ou un demi kilo, ou un judoka qui arrive avec son air de nounours hormoné circule dans un véhicule de luxe payé par les petits sous des gentils donateurs qui croyaient faire le bien, ou l’on écoute plus un acteur de série B qu’un économiste de renom sur les sujets engageants l’avenir de la nation, ou l’on est riche et célèbre parce que on a fait le buz sur youtube en pissant dans une cabine téléphonique, ou l’on gave le peuple de violence policière sous le flambeau de la justice, ou les combines et exactions politiques sont les pavés qui conduisent sur la route de la réussite et du pouvoir, par toutes sortes de coups bas et de combines à vingt centimes d’euros…
A votre avis, pour qui va voter l’abruti ?

La réponse est simple, à celui qui représente le mieux cette société, un gars télégénique l’allure sportive avec une jolie femme choisie sur catalogue, arriviste, faisait son lit des règles, fanatique et momentanément brillant.
Pas assuré que ce soit le travailleur acharné, discret, compétant et responsable qui fasse rêver la plèbe.
Les gens voteront pour qui semblera matérialiser leurs rêves de tricheurs, leurs rêves.
Les gens voteront pour qui ils aimeraient être, quelque en soit le moyen.
Quelle tristesse !
Triste réalité, télé réalité, télé commandé, guidés…
Un guide, un état, un peuple.
A bon entendeur, salut.






Chapitre 27
M6

Jef était dans le bureau de Sisse.
-      Alors, du nouveau ?
-      Oui monsieur, quarante huit lieux dont le nom est formé de deux mots en P et un E en quatrième lettre : La Paneteria Pizza, un restaurant, Le Pise Pocket, un magasin d’articles de fête, Le Pépère Poulet, plat à emporter, Les Papes Paul, vêtements liturgiques et sacerdotaux, Pipes et Pots, un bureau de tabac, Le Page à Page, un libraire, le Pâte à Pain, un boulanger, le…
-      Ok, ça va, arrêtez vous j’ai le mal de mer. Qu’est ce que vous avez fait ?
-      J’ai envoyé des équipes.
-      Parfait Paul, des nouvelles du commissaire ?
-      Oui justement il est derrière vous.

Poulu était planté à la porte du bureau et observait le déroulement des opérations.

-      Vous êtes très efficace cacha, un vrai chef, vous feriez un excellent commissaire principal.
-      Non merci, très peu pour moi, j’ai déjà été recalé il y a longtemps.
-      Dommage pour la police.
-      Et puis je suis un piètre tireur.
-      Sinon, du 9, 6 ?
-      Oui monsieur, l’assassin et sans doute le terroriste se nomme, attendez… voila, Sordès-Pérèz Paco, Franco, Josué, Pedro, Maria de Jésus.
-      D’où tenez-vous ça ?
-      De votre adjoint de luxe monsieur.
-      Au fait, vous avez les cassettes ? Coupa Cacha.
-      Oui elles sont là.
-      Et un magnétoscope ?
-      Ah, non…
-      Vous n’avez pas l’adresse d’un labo vidéo ?
-      Heu… Je ne sais pas, dit Sisse (seize).
-      Bon, nous ne sommes pas très avancés avec ces boites plastiques du coup.
-      Allez à France Télévision, j’ai ma copine là-bas.
-      Votre copine bosse pour la télé ?
-      Oui, pourquoi ? C’est interdit.
-      Non, c’est bien, c’est pratique.
-      Allez y, elle s’appelle Aime Séguin, je l’appelle, elle vous attendra sur le parvis.
-      C’est joli comme nom Aime.
-      Oui mais ça pose un problème dans notre couple parce qu’elle ne veut pas se marier avec moi, Aime Sisse, ce n’est pas bon pour travailler à France télévision.
-      Oui, je la comprends.
-      Moi aussi, bon, allez, je l’appelle.
-      Oui j’y vais, à plus tard.
-      Bonne chance com.… Cacha.
-      Dites vous ne voulez pas venir avec moi Sisse ?
-      Non, ma copine ne veut pas que je vienne à son boulot.
-      Ok, salut.
-      Salut.







Chapitre 28
Résurgence [rezyryãs] n.f.  Didact.
Eaux souterraines qui ressortent à la surface.
Micro Robert édition 1973
« Jusant caché lequel découle à l´étendu ».


A la vue du match depuis sa chambre d’hôpital, Paul à tressailli.
Il a reconnu Pérèz et, dans son esprit, la violence déchainée, les feux de Bengale et les mouvements de foule du fait de la cohue, tout ça à fait émerger en lui une foule d’image confuses et d’idées, le souvenir de quelque chose dans le métro, quoi ?
Il est dans un wagon avec d’autres personnes.
Des jeunes turbulents crient et s’amusent saccager une banquette à coups de cutter.
Les passagers regardent ailleurs et font mine d’être très préoccupés par leurs pensées.
Une jeune femme lit son magasine à l’envers.
« Elle est jolie » se dit Paul.
Il se surprend parce que c’est la première fois qu’il trouve une fille jolie.
Elle le regarde et fait semblant de lire.

« En sortant, se dit il, je vais l’inviter à boire un verre si elle veut.
Il est bizarre ce type, il n’a pas l’esprit tranquille à sa façon de jouer avec ses doigts, on dirait un accordéoniste qui jouerait sur un instrument invisible.
Tiens, la fille à rangé son magazine, elle se lève.
C’est bon de sortir, ce gitan avec ses bagages et sa voix cassé qui chante, c’est sinistre.
C’est quoi la station ?
Pablo Picasso ?
C’est loin de mon rendez-vous…
Bon, tant pis.
J’arriverais en retard au cours de jonglage ou je n’arriverais pas, ça n’est pas grave, je ne doit pas perdre cette fille de vue…
Merde, mes balles !
Je ne peux pas laisser mes balles, vite, le wagon, sous le siège.

Aie, ce bruit !
Qu’est ce qui c’est passé ?
Ma tête, qu’est ce qui m’arrive ?
Oh mon dieu qu’est ce qui c’est passé ici ?
Pourquoi est ce qu’il n’y a plus de gens ?
On y voit plus rien, mes oreilles !
Cette odeur !
Le gitan qui part en courant !
Oh mon dieu, ils sont tous morts, les gens, les enfants, la fille !
Ma tête, ah ma tête !
POURQUOI ?
NON !
POURQUOI ?»

Off.

Chapitre 29
Interaction littéraire :
Marque ici le titre supposé du chapitre
«                                                                                »

A France télévision, Aime attend Jef.
C’est une grande fille rousse et très agitée.
Elle fait de grands gestes, on dirait une espèce d’actrice de théâtre de l’avant dernier siècle.

-      Caâchaaâ ?
-      Oui c’est moi.
-      Saouivaez maoah, monsaieu Caâchaaâ.

Ils s’engagent dans une série interminable de couloirs et débouchent dans un bureau.

-      Vaoualàa le Studiauô.
-      Merci mademoiselle.
-      Oh ! Ah ! Quelle histoaâre ce matcheuû ! jheu vaous paraisanteuh Mi’ha’ka’ha’haèl qui s’aoccupera’ha’ de vaouûs. Je sauis traès occoupa’hé’ahe je vaous lahaiasse !
-      Qu’est ce qu’il y a pour vous servir monsieur ?
-      Bonjour, je voudrais visionner ça c’est possible ?
-      C’est la cassette que j’ai préparé tout à l’heure ! Qu’est ce que vous voulez faire de ça ?
-      Je voudrai isoler une image.
-      Vous êtes de la police ?
-      Non, je suis un privé, en extra pour la police.
-      Ah ouhai, je vois.
-      Vous voyez quoi ?
-      Rien, c’est une expression, quelque chose de tout fait qui ne veut pas dire grand-chose que des sons, c’est comme heu… disons, dans le genre, Mais bien sur ! ou c’est entendu ! Ah intéressant ! ou je vous suis ! voyez ?
-      Oui.
-      Vous cherchez quoi en particulier ?
-      Un jeteur de feux de Bengale, au début.

Michael fait défiler la bande.
Au début de la bataille entre les suppositaires, au loin, on reconnait Pérèz.
Pour moi qui le connait, en tout cas, je le vois bien.

-      Stop, c’est lui, c’est lui, ce gars que je veux. On peut agrandir l’image ?
-      Oui mais la qualité sera minable, j’ai d'autres plans en réserve, d’autres cameras qui filmaient. Celui là, je l’ai presque en gros plan sur des images non diffusées, sur des plans public, de la première mi-temps.
-      Je peux voir ?
-      Mais bien entendu.

Le technicien enfonçait des espèces de cassettes bizarres dans des sortes de magnétoscopes pour professionnels. Sur les écrans du mur, une dizaine de plans du stade se découpaient avec la vue de toutes les cameras.

-      Je crois que c’était sur la quatre, attendez voir.

Avec sa grosse molette, Michael faisait défiler les images en accéléré, les joueurs paraissaient en meilleure forme.

-      Bingo !
La face de Pérèz s’affichait en gros plan.

-      C’est lui n’est ce pas ?
-      Oui c’est lui, bravo Michael.

D’une pression sur un des je-ne-sais-combien-de-boutons de sa console, il isolait l’image, puis, d’un coup de pied, il envoyait son fauteuil valser avec lui dessus, et se retrouvait de l’autre coté de la pièce, à un bureau comportant un ordinateur, un tas de papier en bordel et un sandwich moisi.
Il captura l’image dans un dossier situé à des clics et des clics de Mes Documents, puis il imprima l’image une fois en couleur, une autre fois en noir et blanc.

-      C’est qui ce gars ?
-      Un homme qui sème le trouble.
-      Ah.
-      Soyez gentil, ça reste entre nous d’accord, et je vous promets que vous serez les premier informés quand tout sera fini ?
-      Mais bien sur, c’est entendu.
-      Vous pouvez me la refaire sans formule toute faite ?
-      D’accord Monsieur.
-      Merci Michael.

De retour au poste, Cacha brandissait la photo du criminel.

-      Alors Cacha ? Bonne pêche ?
-      Oui, je l’ai, voici notre terroriste !
-      Commissaire, commissaire ! Nous avons la photo de Pérèz !
-      Très bien, formidable Cacha ! Vous, Sisse, faites moi autant de copies qu’il y a de papier dans la photocopieuse. Avec le filigrane confidentiel ! Je veux que toutes les forces aient une photo de lui dans tous les services. Étiquetez la confidentielle n’oubliez pas ! Il ne faut pas que Pérèz voit qu’on le recherche, s’il voit sa tête dans un poste de police, pire dans la presse ou la télé, il va s’enfuir et c’est foutu. Et bien ? Qu’est ce que vous attendez mon vieux ? Hop-hop, aller ! Vous devriez déjà être parti !
-      Oui commissaire.
-      Cacha ? Vous pouvez me suivre dans mon bureau ?
-      Bien sur.
-      Prenez un siège, installez vous, je peux vous tutoyer ?
-      Bien sur.
-      Jean-François, je suis super content, je suis admiratif de ton travail, vraiment, maintenant que je t’ai vu à l’œuvre, je te félicite, vraiment, mais dit moi, comment tu es arrivé à ce résultat ?
-      Une association d’idée avec la première affaire, sûrement un truc sur lequel à dut bosser mon père et causer à table, je ne sais pas, c’est venu comme ça, le coté espagnol, les attentats, le garrottage ainsi que les PP répétés sans fin. Je me suis dit qu’il devait surement y avoir un message dissimulé, alors j’ai cherché jusqu’à voir que les lettres se décalaient, je ne sais pas, un coup de bol je crois.
-      Un super coup de bol !
-      Oui, j’espère seulement que maintenant on l’aura avant le E et le Z parce que s’il a l’intention d’écrire son nom complet, ça fait 43 lettres !
-      Un agent entrait en trombe dans le bureau.
-      Commissaire ! Le Pise-Pocket vient d’exploser, les deux agents qui le gardaient on sauté avec et…
-      Merde ! Merde ! Merde ! Et re merde ! Voila !
-      On y va ?
-      Oui, allons-y, dites à Sisse de prendre le volant, vous le replacez à la photocopieuse.
-      Oui chef, tout de suite. Sisse ! Sisse !
-      Tu viens Jef ?
-      Non, j’ai autre chose à faire, et puis ce n’est pas un spectacle qui me plait.
-      Je te comprends Jef, moi-même ça ne me plait pas mais il y a de mes hommes qui sont morts dans l’affaire et puis c’est moi le commissaire n’est ce pas ?
-      Oui c’est toi.
-      Et oui…C’est moi… Bon. J’y vais.







Chapitre 30
Le Pise Pocket

Marcel Poulu courait dans le couloir.
Une voiture attendait devant la porte, moteur en marche. Sisse était au volant.
A peine la porte fermée, la voiture s’élançait comme Karl Lewis toutes sirènes hurlantes dans les rues encombrées de la capitale.
C’est Sébastien Loeb qui jouait le rôle de Sisse.
Il fonçait à toute allure, prenant les sens interdits à contre sens, roulant sur le trottoir et emboutissant les poubelles négligemment laissées à l’abandon devant les entrées d’immeuble par des concierges flémards.
Il rata de peu une petite vieille qui promenait son chien et un gamin en skate-board.
La voiture n’avait pas été préparée pour ce genre d’expédition et le châssis souffrait en grinçant à chaque montée et descente de trottoir.
Sisse était super concentré sur sa conduite.
Il avait une grosse ride entre ses sourcils et son visage se crispait.
Ses gestes étaient précis et rapides. (Sébastien Loeb quand même !)
Secoué comme un prunier, Poulu restait britaniquement flegmatique et l’esprit absent.
Sisse passait les virages au frein à main et la voiture couinait dans les rues, on se serait cru dans une série américaine.
Il y eut même le plan traditionnel de la voiture qui rebondit, les quatre roues en l’air et l’autre scène non moins inévitable de la voiture de police à fond la caisse sur un terrain vaguement désert couvert de flaques d’eau.
La voiture roule dedans envoyant des gouttes boueuses sur l’objectif de la caméra, suivit d’un traveling avec passage sous un pont en fer (ambiance New York) qui s’avère être une voie ferrée aérienne ou passe le métro parisien en même temps que la bagnole.
(Note au décorateur, prévoir de faire repeindre un métro au propre.)
Au loin, on voit… heu, on voit une grande tour très moderne, en verre et en fer, pour rappeler au spectateur qu’on est en ville quand même.
Reprise de la scène avec un plan de face de la voiture qui roule vite.
Elle soulève beaucoup de poussière.
Plan rapproché, les deux passagers.
Changement de plan.
Pour donner une bonne impression de vitesse, on fait passer la voiture à fond au dessus d’une caméra posée sur le sol, espérant que le souffle la fera basculer dans un nuage de poussière et de gravier.
Au visionnage, c’est bien l’effet qu’a donné l’air brassé sous le châssis.
Super, on la garde.
Une bosse.
La voiture s’envole et atterri sur trois roues.
Un plan.
Deux clochards sous leurs cartons d’électroménager haut de gamme [espace à vendre s’adresser à l’auteur] et de tv à écran plasma hors de prix, regardent arriver le véhicule qui déjà s’éloigne.
Un clochard se gratte, ils baissent leurs cartons et continuent leur repas avec les doigts directement dans une boite de raviolis [espace à vendre s’adresser à l’auteur] froids.
Re-plan sur la voiture.
Sans transition, la cops-car entre dans un tunnel et double périlleusement.
Les murs du tunnel reflètent la lumière du gyrophare.
Les autres automobilistes klaxonnent et font des appels de phare (le klaxon et les appels de phare, ça rend super dans un tunnel, ça ajoute au stress du spectateur). Imperturbable, secoué comme dans un appareil destiné à éliminer la cellulite, Poulu s’allume une cigarette [publicité interdite, consommation mortelle] et baisse légèrement sa vitre ce qui agite ses cheveux à la teinte disponible au rayon mémé de votre supermarché favori [espace à vendre s’adresser à l’auteur].
Les voitures qui vont être doublées font des grandes embardées pour ne pas se faire enculer par la voiture des poulets.
Pour finir en beauté, Loeb saute sur la voie de gauche et emprunte une sortie qui est normalement une entrée.
On voit quelques voitures se rétamer et au fond, quelques motard qui volent.
Ça rend bien.
A quelques mètres de là, les voitures de police et de secours sont emboitées comme dans un Tétris géant.
Loeb gare la voiture au frein à main pour faire une ligne supplémentaire, et Sisse coupe le contact, ce qui ne sert à rien car le moteur continue de tourner à une vitesse de dingue.
Il claque, crie, tourne de plus en plus vite, les courroies hurlent, les pistons martèlent, le moteur siffle en suraigu, la voiture fini pas décéder dans la minute, surement à cause d’un joint de culasse ou d’une bielle.
La voiture à trop chauffé, il en sort de l’huile par dessous et de la vapeur par-dessus.
Photographiquement parlant, avec la lumière de la rue, ça rend super bien, c’est très ambiance et ça prépare pour la scène suivante.
A noter, les voitures françaises portent leurs faiblesses dans leurs noms, Peu-je-eau, Rune-eau, Si-troène…

Retour sur le plateau.
La voiture qui fume.
Mouvement de camera.
Dans la rue, on se croirait au nouvel an chinois.
La boutique du Pise Pocket est en feu et sa devanture est arrachée.
Depuis l’intérieur, elle pétarade furieusement, ça explose à qui mieux-mieux.
Des feux d’artifices s’échappent à grands cris depuis les entrailles du local et vont se planter dans les bâtiments alentours.
(Dommage que ce ne soit pas la nuit parce que ça doit être joli à voir.)
La rue est couverte de confettis et de langues de belles mères.
Les boules en papier et les serpentins multicolores se propagent enflammés portés, soit par le vent, soit par le souffle d’une explosion qui envoie voler dans la rue une nouvelle cargaison de marchandise, à l’heure ou j’écris, des pochettes surprises roses pour les filles et bleu pour les garçons, banal à pleurer (hommage à Édith Piaf).
Les bombes aérosols, dilatées par la chaleur de la fournaise qu’est devenu le local, explosent les unes après les autres avec une régularité qu’on croirait écrite sur partition.
Un long sifflement suivit d’un BOUM ! Envoie dans le ciel des ronds de fumée noires qui se mêlent aux émanations, rouges, roses, vertes, bleues, grises, orangées, parfois jaunes, qui s’envolent au dessus des toits.
Les pompiers ont développés de grandes couvertures ignifugées pour évacuer les habitants des immeubles voisins victimes des attaques volantes nées de la boutique de farce et attrape qui semble être un dragon en colère.
Les murs chauffés à blanc se fendent et il ne faut pas longtemps pour que le bâtiment cède.
Une déflagration envoie dans la rue toutes sortes de masques et de postiches à demi fondus.
Les stars de cinéma se fondent dans les personnages de dessins animés, pendant que les costumes de clowns accompagnent les robes de princesses et les costumes de Batman dans les flammes pour, peut être, aller garnir la garde robe des anges du paradis (latin).
Il y a un grand bruit suivit d’un retour de flamme énorme qui vient lécher la façade d’en face, annonçant que le plafond de la boutique vient de céder.
Tout le monde fait marche arrière et tente de récupérer les voitures, sauf que la voiture de Sisse bloque tout.
Il ne faut pas trois minutes pour que l’ordre d’évacuer soit donné, et que policiers et pompiers partent en courant s’abriter dans un coin de rue dans un mouvement d’une pagaille sans pareille, pendant que l’immeuble du Pise Pocket s’effondre ! BROUF !
Il entraine dans sa chute ses petits camarades adjacents à sa droite et à sa gauche.
Les façades s’écroulent en chœur pulvérisant les véhicules de secours et de police, lézardant les immeubles d’en face, on a jamais vu ça !
Les réservoirs percés de la quinzaine de véhicules immobilisés et pulvérisés déversent leurs contenus inflammables, et il y a à nouveau une série d’explosions avec des voitures qui volent, des loopings de camions et des doubles saltos d’estafettes ainsi qu’un saut périlleux de monospace.
Tout saute comme si Isaac Newton n’avait jamais été dessiné par Gotlib.
Les parpaings constituant 75,1303 pour cent des gravats, évidement, s’envolent eux aussi, et un l’hélicoptère chargé de nous livrer un plan aérien de la scène s’en prend un gros dans les pales.
La caméra embarquée est hors d’usage, mais d’où nous sommes, nous le voyons vaciller et rencontrer de graves difficultés pour garder son assiette propre.
Quelques secondes plus tard il disparait derrière la ligne des immeubles, on entend un gros son étouffé par les constructions puis de la fumée qui s’élève.
Ici, plan large.
Les gens sont silencieux, on n’entend même plus le bruit de l’incendie, on lit la tristesse sur les visages maquillés, même l’équipe technique est stupéfaite.
Cependant,
« ! Ze chaud meust Gaud honne ! ».
Le spectacle doit continuer, inutile de baisser le rideau, il prendrait feu.
Retour sur le pied de guerre, le tas de gravas est plein de machines à coudre, laver, la vaisselle, fours micros ondes et traditionnels, Cafetière Nesp… oh ! [Espace à vendre s’adresser à l’auteur] il y a plein d’objets personnels qui avaient appartenu à des gens et qui sont déversés par les immeubles vomissant.
Des bouteilles de gaz crachent des flammes bleues sous pression dans un bruit sourd, dirigeants leurs rots dans toutes les directions.
Quand la bouteille est vide, un ultime retour de flamme la fait exploser gare ! Gare !
Écrasés par la masse de débris et la chaleur qui couve attisée par l’essence, les contenants qui n’avaient pas encore pétés en profitent pour se libérer pendant que d’autres se projettent dans l’espace mut par la pression dégagée par leurs embouchures de plastique fondues.
Oh la-la ! Tout ceci dure bien une demi-heure de Baou ! Paf ! Fling ! Graoum ! Prackakakakakbizzziiittt Taoum ! Un truc de fou ! Baoum ! Et encore, Dang ! Oh ! La belle rouge ! Paf ! GRAOUAMMMM ! POF ! Floc !
Au bout d’un moment les pompiers tentent de s’approcher du sinistre, paf, un est décapité par un feu d’artifice retardataire !
Cinq immeubles sont la proie des flammes, et les rues sont bloquées par les curieux et les voitures endommagées par le retour d’Isaac, donc le retour des lancés sur le sol, ce jusqu'à près de cent mètres autour du Pise Pocket.
Conscients du risque qu’ils encourent, d’autres hélicoptères ont tout de même décidé de s’approcher du lieu du sinistre.
C’est la nuit des héros ! (sauf qu’il fait jour).
Nous, nous sommes au sol, nous les voyons arriver. Attention, activation des supers pouvoirs, paf !
Un coup de talon dans le bitume de la chaussée, et nous effectuons un saut hors du commun qui nous permet de nous accrocher à l’un d’eux.
Que voit-on ?
Rien !
Les hélicoptères balancent des tonnes de retardateur en poudre de couleur bleue comme dans les incendies du Var ou des Alpes-Maritimes et s’échappent à toute berzingue. Sans peur, Belmondo du 21ième siècle, je m’éjecte, plane et atterrit sans la moindre égratignure à coté de Poulu et de Sisse qui me dévisagent comme si j’étais sorti de mon rôle.
J’observe.
Quoi ?
Les gaziers qui coupent.
Quoi ?
Le gaz ducon !
Les pompiers déroulent des kilomètres de tuyaux, on dirait qu’ils ont vu les cameras cachées, ils font des gestes inutiles mais très visuels, c’est bon, c’est génial !
Un nous offre la destruction d’une borne à incendie, ambiance le Bronx.
Près des trois quart des pompiers de Paris sont mobilisés pour tenter de maitriser l’incendie digne de Néron.
On attend du renfort venu des banlieues.
-      Ça devient de pire en pire ces histoire d’attentat, il faut arrêter ce type au plus vite, même l’auteur pète les plombs.
-      Oui, j’ai vu commissaire qu’est ce qu’on fait ?
-      On retourne au bureau, conseil de guerre, tout le monde sur le pont.
-      Pourquoi on est venu ici commissaire ?
-      Pour le chapitre
-      Il est fini là ?
-      Oui.
-      On peut changer alors ?
-      Si vous voulez Sisse.
-      Changement de chapitre, les lecteurs qui souhaitent descendre peuvent profiter de la halte. Ceux qui souhaitent continuer sont priés de changer de page merci, changement de chapitre, deux minutes d’arrêt, madame, madame, votre marque page s’il vous plait !
-      Tenez.
-      Merci
-      Est-ce que c’est un direct ?
-      Non il nous reste quelques chapitres encore mais les pauses sont limitées à un verre d’eau, un pipi ou une petite chose.
-      Est-ce qu’il y aura du sexe ?
-      Oui madame, un peu plus tard.
-      Bien, alors je viens.
-      Changement de chapitre, tout le monde remonte en voiture s’il vous plait !





Chapitre 31
Pérèz Paja

Les deux policiers réquisitionnèrent un taxi curieux et se firent ramener au poste.
Pendant ce temps, Jef avait travaillé dur.
Il avait préparé un « Piège à Pérèz ».
Son portable sonnait, parce que Sisse voulait lui demander s’il voulait bien participer au conseil de guerre.
Notre détective laissait les ouvriers au travail, et rejoignait le bureau du commissaire qui se préparait à son long monologue pour super-motiver les troupes, en vue du match final qui devait voir la victoire de la police française républicaine et nationale, contre l’odieux fils d’inceste de Pérèz.
En attendant que tout le monde soit là, Poulu parcourait le rapport du Parc des Princes.

Les premiers éléments donnaient quelques chiffres.
Coté anglais 17 morts et 176 blessés.
Pour l’espagnol 24 mort et 162 blessés.
Le légiste avait ajouté une annexe personnelle sur un post-It ou il expliquait que, si on calculait que deux blessés faisaient la valeur d’un mort, ça faisait 105 pour les anglais et 105 pour les espagnols.
En bas de son calcul, il avait marqué égalité avec un stylo rouge.
Une équipe avait dressé la liste des lieux avec un Z en cinquième lettre du premier mot on en trouvait trente sept dont : le Pañez-Piano, instrument de musique, le Prezzo-Picollo, un soldeur de chaussures italiennes, le Pureza-Paloma, un vendeur d’animaux de compagnie…etc.

Jef ajouta à la liste le « Pérèz Paja » qu’il avait fait construire, avec les ouvriers du coin et du 15, en utilisant un local qu’il savait désaffecté et qui se trouvait sur les propriétés subtilisées au clan Cornelli.
Ils avaient transformé la façade rapidement, et le local à rien devint en moins d’une heure un Bar, Sauna, Massage, Salon, Vidéo, Boutique, Club réservé à une clientèle gay masculine uniquement.

Le plan de Jef était de diffuser par télé et radio l’existence de ce lieu, afin que Pérèz entende que son nom était utilisé, de façon à ce que, connaissant l’homme, il se fâche et tout à la fois souhaite terminer la série sur son nom.
Comme ça, Jef espérait que même si l’ibérique furieux avait décidé de faire exploser un autre endroit, finalement, il se rabattrait sur ce dernier.

J’espère que je me suis bien fait comprendre.

Le plan plut prestement aux poulets qui prirent pied, parant au plus pressé, porter plein pot la pub pour promouvoir par plein de prospectus promotionnels, papotage phonographiques, la prestation du Pérèz Paja Place Pigalle à Paris.

Personne ne pouvait prétendre parler plus que Patrick. Pause sur les programmes, priorité à la propagande. Patrick Piment parle pour Pierrot. Paf ! Sur le prompteur parait la priorité des priorités. La phrase à propager.
Patient, Professionnel et prompt à pirouetter, pas la peine de le prier pendant la pub, Patrick plante là Pierre pour se plier aux prérogatives de la postproduction.
De plein pied, paré de pic et de pioche, le présentateur populaire parle du Pérèz Paja, il est parfait.

« Le Pérèz Paja, palais pour pédérasties, photos, pornographie, et produits pour pénétration pratique et permises. Poupées, poignées, pinces, plaisir, prestations professionnelles.
Place parfaite pour petit poilus, pénis pointant, et postérieurs potelés, plaisirs pervers et pelviens pour patachons peloteurs, pénombre pour jeunes perdreaux, plus et plus… »

En moins d’une heure, la France entière est couverte par l’événement.
Les mémés s’outrent, les pépés soupirent, les mamans s’inquiètent, les papas se tâtent. Les enfants n’y comprennent rien et tant mieux.
Pour ceux qui comprennent, ce ne sont plus ces petits anges blancs qu’on croyait par le fait.
« Où est ce que tu as appris ça ? » et Bam ! Rampono dans les ratiches !

Les ados, pré ados pour qui les cacas prout ont depuis la cinquième cédés la place aux pédés-gouines entrent eux dans la catégorie des adultes, ceci pour cause à la cour de recréation de leurs établissement hermétiques.
Le gay savoir en quelque sorte.
En fait on s’en fout, continuons.

Allez vlan ! CHAPITRE !







Chapitre 32
Et un Chapitre qui marche, un !

Ici, apprenant la nouvelle, on s’imagine aisément Paco Pérèz qui enrage.
Et là, j’entends une question dans votre tête.

-      Pourquoi ce livre n’aborde pas Paco Pérèz en tant qu’être humain, en tout les cas en tant qu’être qui pense ? J’veux dire.

La réponse est simple, et pourtant bien plus compliqué qu’il n’y parait.
Tout d’abord, je souhaiterais vous remercier de l’avoir posé, tant il est rare qu’une bonne question arrive comme ça, en premier, direct.

Premièrement.
Si vous avez vu les visiteurs 2 après les visiteurs 1, vous avez fait partie, comme moi, du public déstabilisé de voir le personnage féminin principal joué par Valérie Lemercier, changer du tout au tout entre les deux films et devenir Muriel Robin (Cet aparté n’a pas pour but de remettre en cause la prestation de notre Muriel Robin nationale qui a sut maintes fois faire preuve de son talent, que ce soit sur scène ou au cinéma, mais simplement, pointer du doigt une coquille de la production).
Avouons ici que cette pirouette détruit le film dès le début, je pense que si le réalisateur avait fait gage d’honnêteté en ne modifiant pas les extraits du premier film qui furent diffusés au début du second, on aurait put comprendre. En l’occurrence il le fit et il remplaça aussi Valérie par Muriel à cet emplacement.
A nous de nous demander si c’est bien le rappel d’un film que nous avons vu précédemment, ou si l’on est devenu complètement zinzin.
Analysez comme le public est sévère.

Et bien c’est un peu la même chose qui se passe ici. Le gars qui jouait Paco Pérèz dans l’impasse des charognards à refusé de reprendre le rôle pour le livre, que voulez vous, je n’allais pas lui mettre le couteau sous la gorge hein ? Voila. Ça c’est la première explication.

La seconde :
Dans ce livre, Paco Pérèz est un symbole, celui du crime, c’est donc un personnage mystérieux, un méchant type, un abstrait névrosé, une figure emblématique, le mal incarné, plein de contradictions intérieures et de haine.
Ensuite, c’est aussi une question de production comme plus haut, mais.
C’est un peu technique, je vous explique.

La troisième :
Voila, en vérité c’est que personne ne veut tenir le rôle de Paco Pérèz, à ce point, il ne me reste que deux solutions.
1-    Soit je n’écrit pas le livre sous prétexte que le personnage principal ne veut pas jouer son rôle, ce qui, arrivé jusqu’ici, est une question qui se pose un peu tardivement (nous sommes à six cent lignes de la fin tout de même).
2-    Soit on je feinte.
C’est évidement la feinte qui est mon parti pris sinon vous seriez en train de lire quelqu’un d’autre et moi je serais en train de faire autre chose à l’heure qu’il est (16 heures 51) C.Q.F.D.

Question :
-      Pourquoi personne ne veut tenir le rôle ?
-      Bonne question.

Rapport à une image publique, la sacralisation du mal et une brouette de raisons toutes plus bidons les unes que les autres, mais compréhensibles, en faisant un brin d’effort.

Ici, brin d’effort :
Imaginez un brave acteur qui a passé la moitié de sa vie à essayer de faire son trou dans la jungle de son métier, le spectacle populaire.
Lui, conscient des risques qu’il prend chaque fois qu’il enfile un costume, fatigué de prendre des vestes aux remises de prix, ne souhaite pas (et je le comprend) finir comme cet acteur que tout le mode montrait d’un doigt plein de désir de vengeance, sous prétexte qu’il jouait le rôle du gars qui a tué Mozart dans Amadeus.
Mettez vous à la place de ce type.
Le pauvre à fait de son mieux pour tenir son rôle, il a refait vingt fois la scène du « Trop de notes », ça n’était même pas lui sous le costume du mort, et pourtant, il ne pouvait se déplacer que sous une pluie de tomates et d’injures sur tous les festivals du monde sous prétexte qu’il a poussé le génie de la musique à la folie et à la mort.
Ce gars à reçu une avalanche de lettres anonymes, je dois ici confesser que moi-même je, heu… Non, nous ne sommes pas là pour parler de moi.
Même dans « Last Action Héro » avec le sénateur de Californie, on lui jette à la figure que c’est lui le tueur alors qu’aux dernières nouvelles, le musicien génial qui fait pousser les fleurs plus vite que dame nature, serait mort d’une maladie toute bête, congénitale et héréditaire du foie.
Mozart, le génie, est mort comme vous et moi (c’est une métaphore).
Vous saisissez comment on traine ses casseroles sous prétexte d’un cachet ? Pour Mozart, on dirait plutôt ses portées mais c’est un détail. Pause, silence, la clé est la, au sol, mais si dorée, mi effarée, mi vraie, qu’on ne sait si c’en est. Bref.

Ceci étant éclairci, reprenons le cours de cette trépidente histoire pleine de violence gratuite, d’A+, B+, A-, B-, d’O, de témoins en charpie d’explosions hollywoodiennes, de meurtres sanglants et écœurants (comment peut-il y mettre des enfants ?) d’intrigues psycho-machin, de pseudo-verdicts médicaux, de larmes, de sexe et de… mince !
J’ai oublié la scène de sexe !
Bon, je vous la fait rapidos et puis j’arrête parce qu’il est tard.







Chapitre 33
La scène de sexe ! La scène de sexe ! AAAHHH !

Comme disait ma grand-mère, regarde les animaux et tu sauras comment faire.
Évidement, ma gentille mémé ne parlait pas de sexe, ce n’était pas son genre.

Pourtant, je me suis souvent surpris à voir son spitz nain essayer de niquer le chat, ses copains, le fauteuil, parfois les jambes des gens (quand il ne les mordait pas).
J’ai déjà surpris les poules en train de se bouffer le cou, j’ai dit le cou.
Comme quoi, tous les gouts sont dans la nature.

Même les vaches essayent de grimper les vaches, mais avec leurs demi-douzaines de petites bites molles qui pendouillent sous leurs glandes, d’où la seule chose qui en sort quand on les remue ressemble plus à un orgasme d’éjaculateur précoce qu’à autre chose, le résultat ne porte pas à conséquence à leur respectabilité et leur rôle non contesté dans la chaine alimentaire.
Encore un peu de lait ?
On voit aussi, à cause du réchauffement de notre joyeuse et insouciante planète, des crapauds qui tentent des expériences pas forcement contre nature, selon mémé, avec des résultats nuls en terme de reproduction mais pas d’hémorroïdes.
A bonnes étendues, salopes !

Voila la scène de radada. Je vous la fait classique.
Un homme et une femme. Chabadabada, chabadabada…

Comme on a une jolie blonde customisée toutes options sous la main, et un détective qui sait jouer de son instrument pénal de façon tout à fait honorable (en plus c’est le héro, c’est normal que ce soit lui qui baise), on va prendre ces deux là, en plus on les connait, comme ça on gagne bien deux pages pour les présentations (parce qu’il faut finir le livre rapidos). Je vous la fait au présent, ça rend mieux.
Melissa à l’habitude et Jef idem, avec un air entre tes eues.

Mise en situation :

Flash Back.

Le décor : Jef est chez les poulets.
Après avoir expliqué son plan, il les laisse faire ce pour quoi ils sont payés.
Rappelons que dans cette aventure Jef est bénévole, il fait juste un petit plaisir à un fan.

A Chatou, Melissa est chez Edwige et elle est étendue sur un tas de coussin.
Edwige est en haut de la tour dans son bureau qu’on connait.
Où est la main droite de Mélissa ?
Où vous devinez coquins…

Les flics sont occupés à plein de truc que Jef n’a pas autorité, envie, besoin, de faire.
Installé sur un fauteuil de bureau, il s’octroie un temps mort et de détente pendant que tout s’agite autour de lui. (Hommage à Jacques Higelin)

Melissa se laisse glisser pour sa troisième… non, sieste de la journée.
Tous deux laissent des images les submerger, c'est-à-dire le soir de la soirée chez Edwige.

DEBUT DU FLASH BACK

Ils avaient bien but ce soir là, et tous les deux étaient sur la même longueur d’onde, enfin presque, Melissa calculait son plan sur Cacha pendant que lui même pensait à elle, et aussi à Molocovitch, qu’il soupçonnait déjà capable de faire une grosse connerie. Il ne savait pas trop comment allait agir le Serbe mais il se doutait qu’un truc n’allait pas marcher. La suite que nous connaissons lui prouva qu’il avait un peu raison.

A un moment, l’esprit perdu dans ses pensées bicéphales, Jef se retrouve seul dans la cour de la maison.
Songeur, il anticipe sans le savoir la grossièreté de Molocovitch qui, soit dit en passant, ne se présenta pas à son boulot le lendemain, et embarqua avec lui le véhicule réfrigéré tout neuf d’un des fournisseurs d’Elias Légi.
Quelque part, ça n’était pas plus mal pour la sécurité de tous.

L’embêtant c’est qu’il n’y avait plus de concierge au 12, mais ça c’est un détail qui sera réglé avant la fin du livre, faites moi un peu confiance.

Du sexe ?
Oui j’y arrive.

Jef est assit sur un des bancs du petit salon en pierre reconstituée de la cour quand Melissa s’approche de lui (vous l’apercevez dans la brume du soir, la scène qui arrive épilée ?).

Elle s’annonce par un tousse-ment de phtisique puis pose une de ses mains sur l’épaule de Jef.

-      Oh Melissa, tu as froid ?
-      Non, ça va et vous ?
-      Comment te sens-tu ? Elle te plait cette soirée ?
-      Magnifique Jef. Jef !, je voudrais que cette soirée ne s’arrête jamais… (miaou)
-      Personne ne sait ce que demain nous réserve.
-      Alors, vous êtes le détective du siècle ? (miaou ron, ron…)
-      Non, c’est juste un journal qui a dit ça un jour, d’autres l’ont lu.
-      Jef, je peux vous tutoyer ?
-      Bien sûr Melissa.
-      Oh ! Jef, tu es tellement envoutant. (ronron-ronron…)
-      Mais tu trembles Melissa.
-      Oui je tremble, j’ai chaud et froid à la fois (miaou ronronnons miaou)
Vous le sentez mon gros truc qui vient ? Dites vous l’sentez ? Tiens ! Tiens !
-      Prend ma veste Melissa.
-      Non toi, prend moi, Oh Jef ! J’en ai tellement envie !
-      Mais pas ici.
-      Si, ici, sur la table, prend moi là, sur la table !

Une douce obscurité baigne le ciel faiblement étoilé.
Sous la tonnelle, les amants sont dissimulés par les plantes grimpantes.
Nous, les plantes grimpantes, on s’en fout, on les dégage à la débroussailleuse pour tout voir d’accord ?

-      Oh Jef ! j’ai tellement pensé à toi depuis notre rencontre, j’espérais tellement que tu me rappelles, je suis si heureuse d’être près de toi, touche mon cœur qui bat pour toi.

Melissa pose la main de Jef sur la pointe de son sein durci par l’excitation (ou la fraicheur de cette nuit banlieusarde) à l’endroit exact ou il est impossible de sentir un cœur battre à cause de l’isolation à la silicone, mais évidement, ce n’est pas l’effet recherché.

La petite coquine a une autre idée en tête sinon, pas de scène de sexe, mais un viol. Et pour ça, ne comptez pas sur moi, ce n’est pas le genre de la maison enfin pas là, non, pas là, pas maintenant, non ! Retirez vos doigts de mon œuvre ! Non ! J’ai dit non ! Arrêtez, au… au secours ! Au secours police au viol ! Aidez-moi ! Police !
-      Oui ? vous m’avez appelé ?
-      Vous êtes qui vous ?
-      Je suis la police italique de caractère.
-      Et vous faites quoi là ?
-      Je remets votre texte sur la bonne voie Seb, vous avez encore glissé, bon ça n’est pas grave, je reprends moi. Une autre idée en tête…

Au contact du sein de Melissa, dont la consistance est vraiment bien imitée (on croirait vraiment un vrai), le sang de Jef ne fait qu’un tour, direction, le caleçon (en effet, Jef porte des caleçons).
Melissa lui offre sa bouche ouverte, il la prend avec la sienne.

Pendant qu’ils se font un cocktail de salive, Melissa couine comme une petite souris (l’instant d’une seconde, Jef crut qu’il y en avait une dessous la table), Jef se lève et attrape Melissa à la taille pour la coller sur son appendice. Il rend à Melissa ses dents et sa langue et plonge tel Cousteau pour aller s’enfoncer, aventurier, et profiter le l’instant, la tête prise entre ses deux grosses mamelles de la fille qu’il lèche goulument.

Il passe sa main dans le dos de Melissa pour libérer la fermeture éclair de sa robe (dont on sait que seule les femmes sont capables de ce mouvement consistant à mettre ses bras derrière son dos avec les yeux au bout des doigts) et d'un zip, il la libère.
Melissa se laisse basculer sur la table en pierre.
Son dos nu contre la matière froide fait naitre en elle un frisson qui amorce un début d’orgasme.

Jef profite de la position de Melissa pour se glisser à genoux et lui lécher l’intérieur des cuisses.

Elle l’emprisonne et le libère avec ce mouvement typique de la masturbation passive féminine qui gêne Jef dans sa progression, pourtant, malgré les mouvements de Melissa, Jef progresse vers son sexe.
Chaque centimètre gagné est rythmé d’un coup de cuisse.
La coquine, elle a bien préparé son coup (Ah ! Ah !) Parce qu’elle n’avait pas de culotte ! Même pas une ficelle à la brésilienne ou autre chose, rien, c’est journée porte ouverte, bienvenue chez lèche ch’tis, je vous présente miss Stick, vous pouvez l’embrasser.

Histoire :
-      Pourquoi les chiennes se lèchent la foune ?
-      Parce qu’elles peuvent.

Jef ne se fait pas prier pour enfoncer une langue gastronome et gymnastique entre les lèvres de la demoiselle livrée et pilée qui s’offre déjà brillante.
Il y met tout son cœur, et son nez, ses doigts, sa langue. Melissa vibre elle est déjà bien en avance sur lui « l’expérience » se dit il.

La tête prisonnière de l’étau des jambes de Melissa, il fait de son mieux pour la contenter et ça a l’air d’aller pour elle, Jef aurait bien besoin d’un tuba et d’un masque.
Elle a du mal à maintenir la pression, et ses jambes vibrent.
Pendant un moment, Jef se dit qu’elle va finir par lui arracher les oreilles.
Finalement, elle lâche prise et, essoufflée de retenir les petits sons qui sortent de sa gorge sans qu’elle ne puisse les contrôler, elle éjecte la tête de Jef hors de son entrecuisse.
Jef en profite pour faire sortir à la grande nuit son appareil copulatoire.

C’est l’histoire de deux gars qui sont au bord du fleuve Sénégal, un touriste et son guide.
Tous deux sont en train de soulager leurs vessies.
Le temps dure un peu, et le touriste se tourne vers son guide. Il lui dit :
-      Le fond de l’air est frais
L’indigène lui répond.
-      Le fond de l’eau aussi.

Melissa est douce. Ni trop chaude, ni trop froide, un petit trente huit confortable, on y passerait l’année.
Déjà bien échaudée, elle accueille Jef comme un vieil ami de la famille, de ceux qui ont le droit d’ouvrir les placards et de fouiller dans les tiroirs.
Jef ne se gêne pas (tu penses) et si il avait put y mettre un pied. Mais non, ça ne se fait pas.

Ils y vont comme s’ils essayaient de décrocher la table du sol. Accroche-toi Marcelle, c’est du maison !

Melissa ne veut pas que Jef sorte d’elle, et tout à la fois, elle l’enverrait bien faire un tour le temps que ça se calme, elle a du mal à le garder à cause de ses tremblements incontrôlables, et a l’impression que son clitoris va exploser sous la pression.
Elle est partagée entre le pouvoir et le vouloir.

C’est l’histoire de Dieu qui arrive au jardin d’Éden.
Il réunit les deux locataires et leur dit :
-      J’ai inventé deux nouveaux trucs, un pour chacun et je vais vous les donner. Alors, qui veut faire pipi debout ?
-      Moi, moi, moi, dit Adam.
-      D’accord, dit Dieu. Ève, tu auras l’orgasme multiple.

Jef veut et peut, et il ne s’en prive pas.
La blonde pourtant aguerrie aux coups de butoirs de ses fréquentations professionnelle n’y croit pas, elle n’a jamais connu un truc comme ça.
Elle se dit « J’vais mourir, j’vais mourir ».

Elle vacille comme une forteresse qui aurait reçu trop d’assaut et qui, au coup de bélier de trop, s’écroule comme un château de cartes. (Ici un jeu de mot au quatrième de grés est caché. Ou est Charlie ?)

Melissa se retient de jouir trop fort et du coup, elle bride sa respiration ce qui ajoute à son excitation, donc à son plaisir. Si ça continue, elle va finir par suffoquer et se retrouver a l’hosto pour un souffle au cœur.

Incapable de rester plus longtemps calme, en voyant la mort arriver, chevauchant une belle bite au diamètre confondant, descendre et monter, descendre et montrer pour venir taper du bout de la faux contre la porte de la caravane, Melissa lâche tout.

Dans la petite ville tranquille, au milieu des maisons immobiles et des rues désertes bordées de tilleuls, s’élevèrent les cris de Melissa au rythme saccadé des « stop » et « encore », « mon dieu » et « Jef », qui font rêver les mémés accoudés à leurs fenêtres, faisant revenir en elles des souvenirs couleur sépia.

Les enfants ont peur de ces hurlements de bête et se cachent sous leurs lits, le lendemain, ils mangeront du choux fleur et des salsifis sans la moindre protestation, tant ils craindront la nuit tombante.

Les amants ont honte, eux qui, malgré l’utilisation de forces méthodes, et d’objets achetés sous le manteau, n’arrivent jamais à atteindre ce degré, ce point culminant de l’orgasme féminin.
La seule chose que ces amant réussirent à atteindre avec leurs exercices, fut le bureau trois des allocations familiales.

Finalement, Melissa finit par perdre connaissance pile au moment ou Jef se déverse en elle.
Il doit même la rhabiller avant de la réanimer.

Voila pour la scène de radada.
J’espère que ça a été.
Maintenant que c’est fait, revenons à nos moutons, non, poulet.







Chapitre 34
Fin

On organisait un casting au commissariat.
On avait rameuté tous les coquelets des postes voisins pour le casting, et déniché dans les brigades les petits coques à belle cuisse et à croupion apetissant.
(Ne dit on pas que c’est la meilleure partie du poulet ?)

Tous les minets du secteur étaient alignés et on triait pour récupérer les plus sexys.
De préférence à moustachette.
Eux, les moustachus, ce seront les figurants extérieurs, ceux qui donneront l’illusion.

Certain que la diffusion médiatique rameutera un wagon de sobotomisé à l’entrée du local, on avait organisé un système d’évacuation par l’arrière, en faisant sortir au fur et à mesure les clients roulés, par une issue qui donnait dans un hôtel (hasard ou coïncidence) tenu par les gens de madame la baronne, bien contente d’aider la police.

Dès 22 heures, c’était la cohue devant le Pérèz Paja.

Bien entendu, avec la publicité diffusée sur tous les medias, il n’y avait pas que Pérèz qui l’avait ouï.
Ça se bousculait au portillon, et il fallait dégager devant l’entrée.
On enfournait les clients comme des petits pains qui ressortaient grillés de l’autre coté.
Tout le monde voulait en être.

Des anonymes, des célèbres, des ostentateurs, et des discrets rougissants. Il y avait des motards, des intellectuels et des artistes, des membres des hautes instances et des laveurs de carreaux, des dragues-couines, des gogo-danseurs, des curieux et même quelques maires de provinces à moustache.

L’équipe à Poulu n’avait pas prévu un tel mouvement de foule. Si ça avait été pour de vrai, c’était la consécration, on se serait cru à la première de « Autant en emporte le vent »
-      Oh ma’m Scarlett !
-      Taratata, je ne suis pas celle que vous croyez !

Discrètement, on raccompagnait les V.I.P. pendant qu’on entassait les autres chez Marie-Madeleine Grandmont-Latouche-du-Dreil-de-Cartal.
Tous les agents étaient bien briffés, et les policiers vêtus de cuir tenaient bien leurs rôles, certains trop par ailleurs.

Paco Pérèz arriva habillé de cuir, Il gara sa moto de l’autre coté de la rue.
Il s’approcha le pas décidé, et entrait le plus naturellement du monde dans le faux club.
Il portait un petit sac à dos.
Dans le club, il n’y avait que des faux clients.
Dès lors, on refoula tous ceux qui attendaient dehors.
Pérèz sentit un malaise quand trente policiers l’encerclèrent avec leurs pistolets pointés sur lui, et qu’il sentit une douleur vive à l’arrière du cou.

Pérèz perdit connaissance, le rideau tomba.


Fin.


Quoi ?
Trop vite ?
Vous n’avez pas vu la fin ?
Bon, ok, je vous la refais.








Chapitre 34 bis
Bis repetitas

Paris, France, il fait nuit car c’est la nuit.
La place Pigalle est éclairée par les néons des clubs.
Une longue file de mignons s’étire égayement.
Ils sont excités comme s’ils allaient à l’avant première de « Autant en emporte le vent ».
Plein de gens costumés, différents pourtant égaux et réunis. Plumes et paillettes, cuir, costumes de ville et de vil, fluo, moulants, classique, portant l’écharpe.

De loin en loin, on entend le son d’une moto italienne genre américaine mais mois cher.

Camera fixée sur le cale pied passager de la moto :
Gros plan sur le pied qui rétrograde, la botte, le pantalon en cuir.
La moto passe, on la voit de l’arrière, son feu de stop s’allume, un dos, un sac, un casque.

Là, le spectateur se dit « Pérèz » et il a raison.

C’est bien de donner raison au spectateur sinon il a l’impression qu’on le prend pour un con, et ça n’est pas sympa, le gars, il a quand même choisi le bouquin, et y a été de sa poche pour payer la Porsche, alors respect.

Gros plan sur la main qui embraye, un gant noir.

Depuis la porte du club, on se met à la place de l’œil du portier qui voit la moto noire se garer et le motard en descendre.

Ce dernier retire son casque, on le voit de dos, juste se cheveux noir et son crane qui brille.

Il y a beaucoup de détails noirs parce que c’est la bonne couleur pour jouer avec le suspense.
En plus il fait nuit alors ça dissout le personnage dans son rôle de méchant amalgamé à la ville insouciante.

Pérèz est un ultra-violent, sa couleur, ça n’est pas abricot ou menthe. Non bien sur, un méchant c’est en noir comme les chemises noires, un doberman ou la mort…

On voit une main dégantée qui fouille dans le blouson en cuir, et qui ressort avec une paire de lunettes de marque américaine qu’il place sur son visage.
On voit la marque si la firme paye un peu, sinon, on devine.
On se rappelle que c’est la nuit, et on se dit qu’un gars qui porte des lunettes fumées à 22 heures 30, il ne rigole pas.

Avec de la musique, ça rendrait mieux alors on l’imagine genres « ta dada, da dada, Wing-Wing, tarauda Kadhafi Wing-Wing… »)

Gros plan sur le verre de la lunette de soleil.
Dedans, on voit à l’envers, ça fait et derrière, on imagine l’œil sanglant de l’assassin assoiffé de sang et de viande broyée. (Tarauda, Doudoudou, Wing-Wing…)

Un plan filme Paco Pérèz par derrière qui se dirige (c’est comme ça qu’on voit le fameux pas décidé) vers le club.

La camera descend et filme les pieds en mouvement qui s’approchent du club les uns après les autres (parce que s’ils avançaient en même temps, ce serait un cloche pied et ça ne fait pas sérieux).
Dehors, on voit la longue file de clients qui attendent d’entrer.
Pérèz double tout le monde (d’où : le plus naturellement du monde) et entre.

Gros plan sur le sac à dos, que peut-il y avoir dedans ?
Il se marie à l’obscurité du sas d’entrée club pendant que la musique remplit tout le temps du fondu noir (symbolisant la porte qui se referme derrière Pérèz).
Le portier saisit un feutre de craie liquide rose fluo et note « complet » sur la porte.

Dehors, la file de client est outrée.
Consternation et protestation.

Trois douzaines de tabasseurs en noir (comme par hasard) se dirigent vers les râleurs en tapant sur leurs boucliers avec leurs matraques. (Très sympas comme mecs, de braves pères de famille aimants et attentionnés mais foncièrement fachos et ouvertement homophobes, socialement carrément cons et alcooliques, si Pétain revient, y a des clients. Bref)

Les fachos, à la solde de l’état bourreau, s’avancent en ligne comme des romains contre les braves types abusés par les medias qui attendaient gentiment leur tour pour entrer dans le club.
Finalement, les honnêtes citoyens décident de ne pas affronter les cons à bâtons, et se tirent ailleurs (j’en entends dire Sénégalais).
Certains C.R.S. râlent, ils auraient bien cassé du Pédé, ça leur aurait changé du syndicaliste ou de l’alter mondialiste.
Déconfits (et hors) ils posent leurs armes bien aimées, et partent aux putes.
Une pensée pour madame et les enfants de Salo.

Nous, on retourne au club pour voir ce qui se passe de l’autre coté du mur d’enceinte.

Il fait sombre, et on devine Pérèz parce qu’on regarde par-dessus son épaule.
Il a gardé ses lunettes et matte deux poulets en train de se draguer.

-      Yé vé tousse lé toué, pense t-il.

Dans les faits, s’il l’avait dit, j’aurais bien posé les morts, mais Pérèz, quand il pense, c’est toujours en espagnol.

Il observe autour de lui à la recherche du local technique, et a un sentiment étrange.
Soudain, une alchimie complexe se déroule dans son être. Un frisson le parcourt, il est affligé.

Un gros plan sur le verre réfléchissant de ses lunettes laisse deviner le fameux malaise, quand tous les clients dégainent leurs flingues et le vise en lui hurlant dessus.
On le voit tourner la tête à droite et à gauche à la recherche d’une issue, peine perdue, on a fermé les portes de l’arène, il faut assumer le spectacle d’ou il sortira perdant dans tous les cas.
Les policiers s’approchent de lui, et on voit une crosse de flingue s’abattre sur sa nuque.

Les lunettes de soleil chutent et un verre se fend.
Maintenant, on voit toute la scène depuis le reflet du verre fendu, et on devine que le corps à dégringolé en même temps que l’accessoire, on extrapole que la conscience de Pérèz est dans le même état que le verre optique.

Rythmé par les spots clignotants et une boule à facettes, on voit les flics saisir un corps au sol qu’on sait être celui du méchant de cette histoire.
Ils lui passent les menottes (quelle joli mot) ainsi que quelques coups de pieds (on ne dénoncera jamais asses les violences policières).

Toujours en filmant les lunettes, on voit les spots s’arrêter de clignoter et la lumière s’allumer dans le local.
La musique s’arrête.
Un grand soulagement traverse la foule de flic, un néon grésille, la pièce est baignée d’une lueur d’entrepôt, les deux poulets qui se draguaient en profitent pour se lécher la truffe.

Pérèz git à terre, on le voit au sol en plan large entouré de fonctionnaires qui se congratulent. Un des fonctionnaires cache habilement le visage du méchant avec une de ses jambes.
Pérèz est sur le ventre, face contre terre, menottes aux poignets et aux chevilles (Penottes ?).

Dehors, une voiture fourgon se place devant l’entrée du faux club.
Quatre agents saisissent sans ménagement le corps inanimé du terroriste et, se foutant de la présomption d’innocence comme de l’an deux, ils le balourdent comme un sac à patate dans la boite roulante.
Une grosse porte que l’on devine solide et sur laquelle est marquée police ferme la boite.
Plan fixe sur le mot de six lettres parées au couleur du pays du fromage.
Avec une grue, la camera opère un traveling aérien de bas en haut.

Dans les rues de Paris, un fourgon cellulaire s’éloigne.
La camera monte, et on embrasse la capitale enfin libérée de la peur.
Au loin, la tour Eiffel dépasse des toits, elle clignote, c’est joli.

Musique : Accordéon musette.
Camera : Elle redescend.
Figurants : Un couple d’amoureux hétérosexuel.
Action : Ils se promènent main dans la main.
Lieu : Ils passent devant l’hôpital.
Plan fixe sur la façade de l’hôpital : le jour se lève.
Traveling à droite : une voiture s’arrête, c’est un taxi.

Il fait bien jour.
Paul sort de l’hôpital, il sourit.
Melissa le tient par le bras et elle sourit aussi.
Jef monte les marches de l’hôpital, il sourit.
Franck et Edwige attendent la main dans la main assis sur le capot du taxi, ils sourient.
Madame Denoulet sourit en donnant son livre au docteur Doncier qui sourit.
Il feuillette le livre et on voit, à la page, « Adopte-moi » du renard que madame Denoulet à noté son numéro de téléphone avec un cœur.

Traveling aérien, le ciel, les nuages, la ville heureuse,
La musique prend le dessus… (Accordéon)


Fin deux.








Épilogue.

Melissa et Edwige font leur film, c’est un succès, international. Deux étoiles sont nées.

Poulu démissionne de la police et devient concierge au 12, il est heureux et a tout le temps de mixer.

Sisse épouse Aime qui devient l’attachée de presse des deux nouvelles stars.
Sisse passe commissaire principal et reprend les affaires du libanais.

On découvre que dans les corps se trouvent ceux de la femme et la fille du docteur Doncier, Madame Denoulet se charge de l’aider à passer ce moment difficile.

Quelques mois plus tard, une grande fête célèbre trois mariages, Le docteur Doncier et Madame Denoulet, Franck et Edwige, Jef et Melissa, ça se passe à la campagne.

Paco Pérèz est défenestré du cinquième étage par accident.
Poussé par ses interrogateurs, il perd l’équilibre au bord de la fenêtre restée malencontreusement ouverte.
Il plaidait la folie, tous savaient qu’il allait s’en sortir.

Depuis le début de sa garde à vue, il n’a dit qu’une phrase répétée en boucle
-      « La vie c’est beau, la mort c’est magnifique ».
Il s’écrase sur maitre Laurent Geai-Lerougé-Levair venu pour l’abattre.

COUPEZ !




Version dactylographiée
Le 23/06/2012